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Près de 3 milliards de personnes sont confinées dans le monde et les marques de luxe continuent de se raconter, de partager leurs nouveautés sur les réseaux sociaux.
Malgré les guerres, le terrorisme et la famine, malgré toute la dureté du monde, les marques de luxe ont coutume de persévérer dans l’édification de leur univers, elles protègent leur image pour mieux exciter la part de rêve qui sommeille en chacun de nous, au risque d’apparaître apathiques, déconnectées, dénuées de sensibilité. Cette option entre en cohérence avec l’origine latine du luxe, signifiant « un écart, un décalage », entre les promesses oniriques qu’elles énoncent et la réalité.
L’ampleur du phénomène engage pourtant certaines marques à s’exprimer. Dès lors, la communication se révèle être un exercice de funambulisme car la frontière entre philanthropie et opportunisme se fait mince dans l’opinion public.
Un jeu d’adresse entre les canaux de communication s’installe, qui vise à décorréler la stratégie à l’échelle du groupe de celle des marques. Les médias relatent donc les actions des deux titans Kering et LVMH, leur course effrénée à l’approvisionnement de masques et de gels hydroalcooliques dont manque si cruellement la France, quand les marques envoient leurs messages de soutien sur les réseaux sociaux. Ces posts représentent des parenthèses de réalité, bien destinées à être refermées. Ainsi, YSL justifie sa volonté de faire abstraction de l’épidémie, de poursuivre sa fuite en avant vers le rêve, son échappatoire nécessaire au contexte douloureux.
Crédit photo : @ysl
D’autres marques prennent le parti d’adapter les circonstances à leur image. Dior aide et le fait savoir, notamment par la création de son hashtag #DiorStandsWithYou qui, appuyé de belles photographies en noir et blanc, présente son site de Saint-Jean-de-Braye où sont produits les gels hydroalcooliques. Le savoir-faire français de la marque résonne ici avec le repli national causé par la menace du virus. Dolce & Gabbana revendique à son tour ses racines, la passion et la joie, l’esprit férocement italien qui l’animent et deviennent des armes contre l’adversité, en filmant des citadins chanter et danser sur leur balcon.
Crédit photo : @dolcegabbana
Souvent avec dérision, quelques marques de luxe participent au mouvement #StayHome qui invite à respecter le confinement afin de neutraliser l’épidémie. Lanvin nous enjoint, à travers Babar, le personnage de notre enfance qui s’est faufilé avec poésie dans sa collection d’été 2020, à nous laver les mains, à prendre soin de nos proches ou encore à ne pas abandonner les entraînements de yoga. Ici, les frontières entre la communication sur l’épidémie et la promotion des produits se confondent en tout point.
Crédit photo : @lanvinofficial
Jean-Paul Gaultier, qui se positionne toujours au plus près du scandale, offre à contempler une série de héros qui semblent même profiter de la situation pour élaborer des coiffures aux volutes architecturales et se sculpter des corps de divinités antiques en tenues moulantes des années 90. Cet ajustement à la conjoncture actuelle n’est-il pas une façon de faire ressentir l’écart, cette fois-ci social, entre ceux qui prennent le temps de s’épanouir davantage et ceux qui souffrent réellement ? Quand les marques de luxe prennent en considération la réalité, elles ne laissent entrevoir que le versant le plus ensoleillé de la montagne et effacent l’amertume entière de la situation.
Crédit photo : @jpgaultierofficial
Actuelles et intemporelles, les marques de luxe n’optent pas pour la même mélodie, même si elles veillent toujours à préserver le principe de décalage, qui fait le trait, admirable ou condamnable, du secteur.
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