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- Un trader français indépendant a spéculé sur plus de 6 milliards de dollars d’actions l’an dernier, a rapporté Reuters.
- Il venait de terminer une formation de huit semaines.
- Heureuse conclusion pour lui, sa folle spéculation lui a été profitable: après une perte réelle d’un million d’euros, il a réussi à en gagner dix fois plus en un jour.
- Mais le broker a refusé de lui payer ses gains et le trader français l’a assigné devant la justice.
- Cette histoire surréaliste n’a alerté personne dix ans après l’affaire Kerviel qui s’était soldé par une perte de 4,9 milliards d’euros pour la Société générale.
Un trader français, agissant pour son propre compte, a spéculé sur 6,6 milliards de dollars cumulés l’an dernier, sans que cela n’alerte personne, dix ans après l’affaire Kerviel. A l’époque, l’opération s’était soldée par une perte de 4,9 milliards d’euros pour la Société générale.
Cette fois-ci, les pertes potentielles étaient de l’ordre de plusieurs centaines de millions d’euros mais cette histoire interroge sur l’absence d’alertes et la gestion du risque dans l’industrie financière.
« Je ne comprends même pas comment un courtier en ligne peut autoriser des clients à passer des ordres pareils, avec des montants pareils, ça devrait automatiquement être bloqué », s’étonne auprès de Reuters Jérôme Legras, responsable de la recherche chez Axiom Alternative Investments, un fonds qui investit dans des actions et obligations de l’industrie financière.
Jérôme Legras travaillait dans la division de financements structurés chez Société générale à l’époque du scandale Kerviel en 2008.
Les faits se sont déroulés le 29 juin 2017 et le trader concerné s’appelle Harouna Traoré, 41 ans, dévoile Reuters. Il commençait tout juste sa carrière après avoir fini une formation de huit semaines quand il a pris une position cumulée de 6,6 milliards de dollars sur des contrats à terme sur des indices actions.
« Les contrats à terme (futures) constituent une promesse ferme, c’est-à-dire que l’acheteur du contrat à la date d’expiration s’engage à acheter l’actif sous-jacent au prix convenu », selon la définition donnée par la Bourse de Paris.
Vous pouvez ouvrir une position indifféremment en achetant ou en vendant un contrat à terme. Si à la clôture de la position ou au plus tard à la date d’échéance, le prix du support du contrat est supérieur au prix spécifié à la conclusion du contrat, l’acheteur du contrat réalise un profit et le vendeur du contrat subit une perte. Et inversement.
Harouna Traoré aurait pu perdre entre 100 et 200 millions d’euros si le marché avait baissé de l’ordre de 3% à 4%, explique Tarek Elmarhri, fondateur de Krechendo Trading,une trading arcade présente en France basée sur le modèle des salles de marché londoniennes.
Dans un document transmis à la justice qu’a pu obtenir Reuters, Harouna Traoré indique avoir commencé le 29 juin au matin à trader chez Krechendo. Aux alentours de midi, il clôture ses positions et décide de rentrer chez lui afin de s’entraîner sur une version en simulation de la plateforme de trading X Trader de Valbury avant de réaliser que ses ordres, et sa perte de plus d’un million d’euros sur cette plateforme, étaient bien réels.
Il décide de continuer à trader dans ce qui s’est avéré être une tentative réussie pour combler ses pertes. Avant la clôture de l’indice européen à 17h30, son compte affichait une perte de 2,4 millions d’euros. A la fin de la journée, un retournement du marché lui permet de finir sur un gain de 13,6 millions de dollars. Son solde créditeur est alors de près de 11 millions de dollars.
En juillet, le courtier Valbury indique à Harouna Traoré avoir ouvert une « enquête officielle » et gelé son compte. Le broker conclut que le trader a agi en violation du contrat qui les lie, annule les transactions et gèle le versement des gains réalisés par Harouna Traoré lors de sa folle journée de trading.
Le 10 janvier 2018, le trader français a assigné en justice Valbury devant le Tribunal de grande instance de Pontoise pour récupérer ses gains.
« Un nouveau Kerviel »
Le montant substantiel de contrats négociés par Harouna Traoré, plusieurs milliers sur les contrats futures, est démesuré par rapport au nombre d’ordres qu’est habituellement autorisé à passer quotidiennement un trader, ce qui interroge sur l’absence d’alertes et la gestion du risque dans l’industrie financière dix ans après le scandale Kerviel.
Selon Tarek Elmarhri, c’est parce que Harouna Traoré est parvenu à finir sur un gain et qu’il a clos ses positions avant la clôture du marché — ce qui n’a pas déclenché d’appels de marge — que son trading est passé inaperçu jusqu’au lundi.
« Cela pourrait se reproduire encore, la réglementation actuelle n’est pas efficace », prévient Tarek Elmarhri évoquant la mise en oeuvre de MiFid II en début d’année. « On pourrait avoir un nouveau Jérôme Kerviel comme on pourrait avoir un nouveau trader fou ».
La FCA, l’autorité britannique de régulation financière, n’a pas souhaité faire de commentaires, tandis que l’AMF a indiqué qu’elle ne commentait pas les dossiers particuliers.
Selon son profil LinkedIn, Harouna Traoré a travaillé de 2013 à 2017 pour Thomson Reuters, la maison mère de Reuters.
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