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La loi Travert (ou EGalim), est entrée en vigueur ce 1er janvier 2019. Alors qu’elle doit entre autres limiter les promotions en volume et en valeur, Raphaël Hodin et Cédric Chéreau décryptent quatre idées reçues sur la question.
État des lieux et impact de la loi EGAlim
La nouvelle législation sur les produits alimentaires doit limiter le volume global de promotion à 25%, et les générosités à -34% en valeur par campagne, tout en supprimant entre autres les produits » gratuits » et en relevant le seuil de vente à perte de 10%. Environ 20% des promotions actuelles seraient désormais illégales. Après ajustement, c’est au final 0,3% du CA qui serait menacé selon le cabinet d’étude IRI.
Quels impacts sur la stratégie des acteurs ?
Distributeurs : renforcement des promotions non alimentaires, des marques propres et des programmes de fidélité servitiels chez les distributeurs.
Marques nationales : réallocation des budgets trade marketing aux budgets marketing classiques du fait de la baisse de la pression des enseignes chez les marques nationales.
1- Elles ne sont jamais rentables
C’est indéniable, les promotions augmentent les ventes. Selon Nielsen, les promotions jusqu’à -20% entraînent une hausse des ventes de 50% – un chiffre qui grimpe jusqu’à + 76% pour celles supérieures à -40%. Mais peuvent-elles être rentables, alors que les marges sont souvent sacrifiées pour offrir cette générosité ? Les universitaires australiens John Dawes et John Scriven font dépendre la rentabilité d’une promotion de la marge de contribution du produit*. Plus la marge est élevée, plus la promotion peut être importante : à 50% du prix normal du produit, et pour une promotion de -10%, il faudra ainsi augmenter les ventes de 25% pour retrouver la contribution antérieure. Mais pour une même générosité, il faudra une hausse des ventes de 50% si la marge n’est que de 30% du prix. « 60% des promotions ne sont pas rentables, avance Cédric Chéreau, citant les chiffres de Nielsen. Pire, les consommateurs anticipent leur achat, et l’arrêt de la promotion peut créer un creux dans les ventes. » De son côté, Raphaël Hodin est plus nuancé : « 60% des instruments promotionnels lourds ne sont pas rentables dans l’immédiat, mais avec des taux de générosité allant jusqu’à 70% ce n’est pas une surprise ! Il faut penser en « life time value » et chercher à augmenter son taux de pénétration sur le long terme plutôt que son taux de nourriture sur le court terme. * prix de vente – les coûts variables. Elle doit permettre de réaliser un bénéfice tout en payant les coûts fixes de fabrication.
2- Elles ne recrutent pas sur le long terme
Attirer de nouveaux clients avec un prix au rabais, en espérant qu’ils achètent ensuite au prix normal. Selon Dawes et Scriven, cela ne s’est jamais confirmé. Au mieux, les clients profitent de l’aubaine pour faire une entorse à leurs habitudes au lieu d’acheter une marque concurrente, mais achètent trop rarement pour changer durablement leurs habitudes à la suite d’une promotion. « Les consommateurs sont opportunistes et en profitent pour décaler leur achat ou faire du stock, sans devenir fidèles », explique Cédric Chéreau qui fait toutefois une exception pour l’innovation produit. « Sans promotion, vous n’avez pas d’innovation, confirme Raphaël Hodin, selon qui la promo travaille toujours l’acquisition, puisque la moitié des budgets promo sont consacrés aux innovations ou aux relancements. Par principe, une innovation coûte 20% de plus qu’un produit déjà implanté. Comment convaincre quelqu’un d’acheter plus cher un produit qu’il n’a jamais essayé ? La question est cruciale, alors que la croissance du secteur alimentaire est entièrement liée à l’innovation et qu’un nouveau produit doit dépasser 2 points de pénétration en un an pour perdurer. » Problème, les promos rognent les marges et limitent les capacités d’innovation. Reste des secteurs spécifiques, comme la téléphonie, où les promotions permettent de lutter contre l’attrition.
3- Elles brouillent l’image de la marque
Les consommateurs se souviennent-ils des prix exacts qu’ils payent ? Les chercheurs Marc Vanhuele et Xavier Drèze montraient ainsi en 2002 qu’en France, seulement un tiers des consommateurs en étaient capables. Plus globalement, ils ont aussi observé que seulement 13% des sondés pouvaient trouver le bon prix d’un produit, mais que la moitié était capable de dire si un prix était faible ou élevé par rapport à un niveau de référence. Ainsi, étant donné que les consommateurs se souviennent rarement des promotions, ces dernières ne changent pas le prix de référence qu’ils ont pour une marque ou un produit. Néanmoins, « certaines catégories comme les produits d’entretien sont sous perfusion. Or si les consommateurs s’y habituent, leur prix de référence moyen baisse automatiquement et s’ils ne trouvent pas de produit en promotion, ils sont susceptibles de repousser leur achat », note Raphaël Hodin. De son côté Cédric Chéreau prend l’exemple du Black Friday : « Il y a tellement de promotions qu’on ne croit plus au prix affiché. Quand on voit par exemple une promotion de -50% sur une télévision, on s’attend à ce que le prix normal ne soit pas bon. » À raison, comme l’a récemment pointé du doigt l’UFC Que Choisir, qui s’assure ainsi que le consommateur de 2018 soit mieux informé que celui de 2002.
4- Elles sont moins efficaces que la publicité
De leurs travaux, Dawes et Scriven tirent la conclusion que la publicité est plus efficace pour générer des ventes sur le long terme, mais aussi assurer le rayonnement de la marque. En effet, une promotion ne touche que les acheteurs de la catégorie exposés dans les magasins concernés. Mais les deux sont intrinsèquement liés, et une promotion doit faire l’objet d’une campagne de publicité pour fonctionner à plein. « Les marques PGC dépensent 5 milliards d’euros en publicité chaque année, contre 8 milliards pour la promo… » rappelle ainsi Raphaël Hodin. Une tête de gondole touchera ainsi tous les acheteurs du magasin, et une insertion catalogue, un prospectus, voire un spot TV ou radio en lien avec le distributeur touchera une grande partie des consommateurs. Mais pour ouvrir leurs canaux de communication, les enseignes demandent aux marques d’ajuster leur générosité en conséquence. Potentiellement, une promotion en tête de gondole peut ainsi multiplier les ventes par un ratio allant de trois à cinq. Au-delà de la publicité classique, il faut aussi noter l’émergence des promotions ciblées adossées à de nouvelles mécaniques. C’est tout l’enjeu du CRM onboarding et du développement de solutions comme UntieNots, Lucky Cart ou The Bubble Company.
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