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Avant de devenir le CEO de Crème de la crème, un des acteurs majeurs du freelancing en France, Jean-Charles Varlet, 27 ans, était ce qu’on pouvait appeler – si on a l’euphémisme poli -, un “adolescent turbulent”. Viré de son lycée en classe de première, cet ancien étudiant de l’Essec fait désormais l’apprentissage contant de la maturité. A l’instar de sa boite.
Espace-ouvert : dans le milieu très codifié de la start-up nation, difficile de dépasser les stéréotypes, les éléments de langage et les “désolé, nous ne communiquons pas là-dessus”. Yalayolo Magazine.fr vous propose une série de portraits intitulée “Espace-ouvert”, dans laquelle nous allons essayer de donner à voir ce que les esprits et les âmes startupiennes cachent derrière les jeans retroussés, les paires de Stan Smith et les anglicismes abscons.
De son propre aveu, Jean-Charles Varlet “aimait bien jouer au con” quand il était ado. Surtout en cours. Pas vraiment un cancre, il était de ceux que les profs s’échinent à décrire dans la case commentaire du bulletin : “Elève qui a du potentiel, mais dont le comportement est à revoir”. “JC” n’était pas non plus du genre à mettre des petites claques à la tête-de-truc de sa classe ni à racketter des secondes pour s’acheter un paquet de Philip Morris en douce. Son problème, c’était l’autorité. A force de jouer la provocation pendant les cours, à n’en faire qu’à sa tête, un de ses profs est sorti de ses gonds. Jean-Charles Varlet aussi. C’était en première. Ils étaient tout proches d’en venir aux mains. Conseil de discipline. Renvoi de l’établissement.
A quoi se rattraper lorsque sur le fil de sa vie, on passe plus son temps à voir ce que ça fait de sauter sur un pied au-dessus du vide, plutôt que d’avancer en tâchant de composer avec les basculements amples du câble ? Jean-Charles Varlet a la réponse : “Au conseil de discipline, t’avais dix personnes en face de moi, ma mère à côté. Et chacune des dix personnes, tour-à-tour, balance des trucs affreux à propos de moi à ma mère.” L’oeil embuée de sa maman face à l’impasse d’un fils qui se condamne à jouer au branleur toute sa vie, voilà le basculement de la vie de Jean-Charles Varlet.
Du diablotin des salles de classe à l’angelot de la start-up nation
Aujourd’hui, le jeune homme de 27 ans en a depuis longtemps fini avec le diablotin des salles de classe qu’il était. Avec ses cheveux blonds et ses yeux bleus, il a même plutôt des allures d’angelot de la start-up nation. Il intervient dans des conférences et se fait interviewer par le Figaro pour discourir sur la question des freelances en France. Ça, il s’y connait. Avec Crème de la crème, start-up dont il est le CEO depuis sa création en 2015, il est avec Malt et Comete une des principales plates-formes de mise en relation de freelances avec des entreprises, en particulier dans la chaine de valeur du numérique.
Le positionnement de “la Crème” a changé depuis sa création. Au départ, la start-up proposait de mettre en relation les meilleurs profils de freelances étudiants avec des entreprises : “On s’est vite rendu compte qu’en termes de compétences, les étudiants ça commençait à coincer par rapport aux demandes des boites.” Désormais, les profils “junior” ne sont plus les bienvenus sur la plate-forme. “Ce qu’on veut, c’est ne proposer que les indépendants qui sont des rock stars dans leur domaine.” La sélection est désormais rude : “Sur les 1 000 profils qui s’inscrivent chez nous chaque mois, on n’en garde qu’une centaine.” Ce positionnement haut-de-gamme assumé risque de mettre de côté tout un tas de profils de freelances (qui galèrent déjà) et accentuent la concurrence entre les auto-entrepreneurs. Réponse de Varlet : “C’est comme le luxe, ce n’est pas pour tout le monde. Nous c’est pareil : nos freelances sont les meilleurs.” La crème de la crème donc, on a compris l’idée.
Si l’amour dure trois ans, pour les start-up c’est à peu près la durée de la galère. Passé ce cap, en général, vous pouvez commencer à respirer. Même si la boite n’est pas encore dans le positif, son CEO se montre plutôt confiant. Il a levé 3 millions d’euros en avril 2018. Sa boite compte 30 CDI, plus une dizaine de freelances qui tournent selon les besoins. Les cordonniers savent aussi bien se chausser.
Fonder une start-up, gérer une entreprise
Crémier des freelances, Jean-Charles Varlet apprend désormais, plus qu’à accroitre sa production de lait, à satisfaire les éleveurs qui s’occupent de son cheptel. “Au début, je gérais une start-up. Maintenant, je dirige une vraie entreprise, avec des salariés qui veulent évoluer, qui réfléchissent en termes de carrière.” Et comme il n’a pas de service RH, Jean-Charles boit quotidiennement la tasse du jeune entrepreneur, entre les assurances, les papiers à envoyer à l’URSAFF, la gestion des fiches de paye etc… Enseveli dans les sables mouvants de l’administration, “JC” compte ses heures de sommeil en ce moment : “Je dors six heures par nuit. En vrai ça peut paraitre beaucoup pour plein de gens, mais moi il m’en faut au moins neuf”, dit-il en allant nous resservir un café. Et pas un crème.
Oh et puis tant pis pour le dodo réparateur : entreprendre était un rêve d’enfant pour Varlet. Il y en a qui veulent faire pompiers, avocats, journalistes (sic), lui voulait faire “inventeur” : “Ça n’existe pas comme métier, mais je me souviens que je griffonnais des carnets et des carnets avec des idées d’invention, de projets, de concepts fous.” Après s’être fait virer de son lycée à Dunkerque, le jeune garçon se pose concrètement la question de ce qu’il allait faire de sa vie, de ce qu’il voulait devenir : “Je me suis dit, bon, je veux créer une entreprise plus tard. Donc je vais sûrement devoir faire une grande école de commerce. Donc une prépa. Donc va falloir que je cartonne en terminale.”
Après son renvoi, il rentre au lycée Jean Bart de Dunkerque, à l’internat. Finies les conneries, l’ado charbonne et obtient son bac S avec mention. Il intègre la prépa éco du même lycée. A la fin de sa deuxième année de prépa, il est admis à l’ICN à Nancy, une école bien éloignée de ses ambitions. Après avoir passé les concours, il s’est rendu compte du plafond de verre difficilement dépassable pour un étudiant d’une petite classe préparatoire de province. Il décide de khûber (doubler sa deuxième année) au lycée Faidherbe de Lille. Admissible dans les meilleurs écoles supérieures de commerce, jusqu’à HEC, il est finalement admis à la prestigieuse Essec, à Cergy-Pontoise, qu’il intègre en 2013.
Il retrouve bientôt un certain Théo Dorp, un pote d’enfance de Dunkerque, étudiant à l’EDHEC. Les deux compères se disent qu’ils veulent monter une boite ensemble. Ne savent pas sur quoi. Ils cherchent, fouinent, et tombent sur le sujet des freelances qui galèrent à trouver des clients et réciproquement. En un week-end, ils se décident et lancent la première version de Crème de la crème, qui fonctionnait alors par SMS.
D’après le fils, maman Varlet est plutôt fière de sa progéniture. Le gamin qui a grandi sans père (la détestation de l’autorité, Jean-Charles est désormais certain que ça vient de là), avec deux soeurs et un frère est plutôt un exemple de réussite sociale. Ça ne lui a pas empêché de se faire des cheveux blancs quand le fils prodigue a décidé de quitter l’Essec en 2016, ne pouvant plus concilier ses études et la croissance de sa boite : “Je devais gérer 10 salariés, et à côté on me demandait pourquoi je ne venais pas en cours d’espagnol.” Au diable les fiches de vocabulaire sur “las empresas”. Ce sera la Crème de la crème et puis c’est tout.
Enfin presque. Pendant un moment, au moins jusqu’en 2017, Jean-Charles Varlet passait en effet son temps à bosser, week-ends inclus. “Mais j’ai vite compris que c’était très mauvais pour moi.” Ses fins de semaine, il aime les passer loin de Paris, aller surfer au Maroc, faire du snowboard à la Montagne ou des virées en moto avec les potes. Varlet se verse désormais un salaire “correct”, de quoi se payer un deux pièces dans le XVIIIe arrondissement. On peut bien vivre avec l’argent du beurre.
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