[ad_1]
Deux ans après l’affaire des « cols rouges » de septembre 2016, Drouot est engagée sur la voie de la restructuration progressive de son groupe pour faire évoluer son modèle économique.
Rencontre avec Maître Alexandre Giquello, Président du groupe depuis 2016, associé et commissaire-priseur de la maison de ventes aux enchères Binoche et Giquello.
Quel est l’ADN de Drouot ?
Créé en 1852, Drouot est la plus grande place de ventes aux enchères publiques au monde. Depuis la dissolution de la Chambre Nationale des Commissaires-Priseurs de Paris en 2002, le commissaire-priseur n’a plus le statut d’officier public et ministériel remontant à un édit de 1551 mais celui de libre entrepreneur. Drouot regroupe aujourd’hui 62 maisons totalement indépendantes au niveau de leur stratégie et de leur mode de fonctionnement. La diversité des maisons de ventes et des profils des commissaires-priseurs a permis de faire de Drouot un carrefour du marché de l’art. Drouot est reconnue pour la vente d‘objets d’art et de collection. En 2018 par exemple, Drouot a abrité plus de 1000 ventes, pour un produit total de 376 millions d’euros.
Drouot n’est pas une entreprise autonome mais une holding, Drouot Patrimoine, regroupant les activités de l’hôtel des ventes, le digital, et l’édition. Son capital est détenu exclusivement par des actionnaires personnes physiques. Ils sont représentés à hauteur de 75% par des commissaires-priseurs en activité et à 25% par des retraités ou leurs ayants droit. Chaque actionnaire a un droit d’accès exclusif aux 17 salles de vente et d’exposition de l’Hôtel Drouot.
Ce système a été très protecteur pendant des années. Il montre aujourd’hui ses limites.
Quelle est la prochaine étape du développement de Drouot ?
Les objectifs sont multiples :
– Nous souhaitons présenter un projet de résolution lors de notre prochaine assemblée générale des actionnaires pour rendre le capital de Drouot Patrimoine accessible aux maisons de ventes. Cela permettrait aux commissaires-priseurs d’être actionnaires de Drouot par l’intermédiaire de leur maison de vente, d’optimiser leur fiscalité patrimoniale et de mieux valoriser les droits attachés à chaque action. Cette résolution devra être votée à la majorité des 2/3 pour être adoptée.
– Cette ouverture pourrait s’adresser également aux maisons de ventes aux enchères non associées de Drouot. Une distinction serait faite entre l’actionnaire de Drouot ayant des droits prioritaires et le tiers non-actionnaire qui pourrait procéder à des ventes aux enchères publiques volontaires à Drouot selon des conditions financières et un code de déontologie à définir.
– Drouot développe et modernise son outil sur plusieurs supports :
L’Hôtel : L’hôtel a accueilli 700 000 amateurs d’art au cours de l’année 2018. D’importants travaux ont été réalisés au niveau de l’entrée de l’hôtel, des salles d’exposition et de la présentation des catalogues. D’autres chantiers sont prévus au niveau du bâtiment.
Drouot AuctionsPress : En tant qu’éditeur, Drouot a mis en place une offre magazine et web de La Gazette Drouot pour stimuler l’acquisition d’abonnés. Le magazine hebdomadaire de référence, consacré à l’actualité du marché de l’art français et parisien, est tiré à 40 000 exemplaires et diffusé dans le monde entier. Il est lu par 200 000 personnes. Une version mensuelle en anglais du magazine, La Gazette Drouot International, est accessible librement en ligne. En avril 2019, le site internet de La Gazette Drouot va faire peau neuve : avec de nouvelles rubriques et accessible sur tout support, ce nouvel écrin des ventes parisiennes, régionales et internationales vient répondre à l’évolution constante de Drouot en matière de digitalisation. Par ailleurs, chaque année, AuctionsPress édite L’Art et les Enchères, un ouvrage de 384 pages tiré à 3000 exemplaires regroupant les plus belles enchères réalisées à l’Hôtel Drouot. L’édition 2018 est parue en décembre dernier.
Drouot Digital : Drouot développe activement une stratégie digitale pour conforter sa marketplace internationale. 245 maisons de ventes aux enchères du monde entier utilisent Drouot Live. En 2018, 128 000 objets d’art et de collection ont été dispersés pour un produit total de 80 millions d’euros. En avril dernier, mon étude a organisé une vente sur le thème “Nature et Merveilles”. Deux squelettes de dinosaures théropodes, un diplodocus et un allosaurus ayant vécu il y a environ 161 à 145 millions d’années ont été adjugés pour une somme record de 3 millions d’euros, frais inclus, à un acheteur asiatique qui a enchéri sur Drouot Live.
L’attrait international pour ces outils digitaux a été très marqué en 2018 : 25% des enchérisseurs inscrits aux ventes live sont étrangers, et ces 25% acquièrent 46% du volume de ces ventes. C’est très encourageant !
Drouot Formation : En septembre dernier, Drouot Patrimoine a cédé la gestion et le développement de Drouot Formation à l’IESA Arts & Culture. Les formations dispensées par Drouot Formation sont clé pour les étudiants qui souhaitent rejoindre les métiers du marché de l’art. La qualité de l’enseignement et la proximité avec l’Hôtel des ventes sont des arguments décisifs. En revanche, afin de continuer à développer cette entité, nous avons cédé l’activité à des professionnels de la formation en marché de l’art.
Quelle est votre analyse du marché de l’art ?
Les 62 maisons de ventes de Drouot ont réalisé 376M€ de produit vendus en 2018, loin devant les maisons de ventes anglo-saxonnes. En 1980, la France totalisait 80% des ventes mondiales d’art. Son corporatisme et sa réglementation protectionniste lui ont fait perdre du terrain. Au premier semestre 2018, la France occupe la 4e place mondiale avec 6% de part de marché, loin derrière les États-Unis (40%), le Royaume-Uni (22%), et la Chine (24%) (source : https://fr.artprice.com/artprice-reports/bilan-du-marche-de-lart-s1-2018-par-artprice-com).
Fiscalité : Une des raisons de ce déclin est liée à la fiscalité française qui impose des droits de succession importants, un droit de suite versé à l’artiste lors de la vente de ses œuvres par un professionnel du marché, la TVA à l’importation sur les œuvres d’art, l’impôt sur les plus-values. Ces mesures fiscales prises dans un monde de libre prestation de service, de libre circulation des biens et des personnes sont pénalisantes pour la place de la France. Cette fiscalité crée une différence concurrentielle telle qu’un collectionneur préférera vendre à l’étranger.
Malgré cette pression fiscale, nous avons la chance d’avoir en France deux des plus grands collectionneurs privés d’art au monde : Monsieur Bernard Arnault a sa fondation Louis Vuitton située à coté du Jardin d’Acclimatation à Paris. Monsieur François Pinault est propriétaire de la maison de ventes aux enchères Christie’s et aura sa Collection Pinault dédiée à l’art contemporain à la Bourse De Commerce fin 2019. Ces collections particulières permettent d’enrichir le patrimoine culturel de la France.
L’art contemporain : Drouot est absent des ventes aux enchères d’œuvres emblématiques qui s’arrachent à des prix records sur les marchés stars que sont l’art moderne ou contemporain.
L’art contemporain attire les jet-setters internationaux de l’art et les nouvelles fortunes. La forte demande d’œuvres des musées publics et privés tire également le marché de l’art vers le haut. Ce marché apparaît de plus en plus comme un pur placement financier avec le développement des prêts bancaires gagés sur des œuvres d’art comme Sotheby’s Financial Services l’a fait à hauteur de 4 milliards de dollars en 2017. Drouot n’a pas la capacité financière de garantir aux vendeurs des collections de plusieurs centaines de millions d’euros.
Malgré notre taille, au cours de l’année 2018, 10 enchères millionnaires ont été enregistrées à Drouot dont 4,3 millions d’euros pour un manuscrit du XVe siècle.
Nous avons organisé à Drouot la foire District 13 – International Art Fair en faisant une sélection de galeries internationales les plus représentatives de la scène artistique du Street Art. Cette première édition 2018 a permis de renforcer l’attractivité de Drouot sur ce marché initié par Marielle Digard, commissaire-priseur spécialisée dans l’art contemporain urbain.
En dehors des marchés flamboyants, les acheteurs sur le segment intermédiaire sont plus rares. En France, vous avez désormais la possibilité de faire l’acquisition de chefs-d’œuvre à des prix devenus accessibles comme les livres, les manuscrits, les bandes dessinées, les bijoux, les tableaux anciens, le mobilier classique et l’art précolombien, africain et océanien.
Quelle est l’initiative mise en place par Drouot dont vous êtes le plus fier ?
Experts indépendants de haut niveau : J’ai signé un partenariat avec un réseau français d’experts indépendants en objets d’art et de collection extrêmement qualifiés. Ces experts ont des correspondants historiques comme les notaires, les courtiers et les experts internationaux.
Le binôme commissaire-priseur – expert indépendant va nous permettre d’améliorer notre travail sur mesure pour l’organisation de la vente d’une œuvre ou d’une collection et de renforcer nos liens de proximité avec les acheteurs et les vendeurs.
Ma volonté est qu’à terme, l’expertise indépendante soit obligatoire avant de proposer une œuvre à la vente. L’expert, en tant que garant du marché de l’art, doit souscrire à une assurance car il engage sa responsabilité au cours ou à l’occasion des ventes aux enchères publiques. Ils sont réunis au sein d’une chambre ou d’un syndicat comme la Compagnie Nationale des Experts (CNE), la Chambre Nationale des Experts Spécialisés en objets d’art et de collection (CNES) ou le Syndicat Français des Experts Professionnels en œuvres d’art (SFEP). Ces organisations professionnelles ont un code de déontologie et un conseil de discipline. La loi française de 2000 règlemente la vente publique volontaire pour protéger le consommateur. Ce dernier bénéficie d’une garantie quinquennale d’authenticité attachée à l’œuvre adjugée.
Règlement intérieur : le règlement intérieur de Drouot doit évoluer pour nous permettre de refuser la vente de certains objets ou de demander des garanties complémentaires en cas de doute sur l’authenticité d’une œuvre. Un code de bonne conduite doit être mis en œuvre à Drouot pour asseoir la crédibilité commune de tous les commissaires-priseurs.
Le Restaurant “L’Adjugé” : À l’initiative de Lorenz Baümer, Drouot a confié le restaurant à Alain Ducasse. L’Adjugé est situé à l’entrée de l’Hôtel des ventes et constitue l’un des points de convergence de tous les acteurs de Drouot. L’ouverture est prévue début mars 2019 et accueillera 40 couverts. La carte sera inspirée du restaurant Aux Lyonnais d’Alain Ducasse également situé dans le quartier.
Actionnaires : Pour resserrer les liens entre tous les actionnaires et communiquer efficacement en interne, j’organise une assemblée d’informations trimestrielle afin d’y présenter les chantiers de Drouot.
Mairie du 9e arrondissement : J’entretiens une très bonne relation de travail avec Madame Delphine Bürkli, Maire du 9e arrondissement, pour faire découvrir aux parisiens la richesse culturelle du quartier Drouot, portée par l’activité de l’Hôtel des ventes. Drouot fait partie d’une Zone Touristique Internationale ZTI. Le domaine public est parfois mis à notre disposition lors de ventes aux enchères exceptionnelles comme celles dédiées aux automobiles de collection.
Quelle est votre nouvelle ambition ?
Mon projet personnel est de faire une exposition à Drouot de tous les chefs-d’œuvre qui ont été préemptés par l’État lors des ventes aux enchères publiques que nous avons organisées dans notre Hôtel. En 2018, 86 institutions ont préempté un total de 224 œuvres afin d’enrichir leurs collections. Les musées nous les prêteraient le temps de cet événement.
Suivez l’actualité de Christian Razel et de RoccaBaracca sur http://www.linkedin.com/in/christian-razel-4ab08281/ et www.roccabaracca.com
[ad_2]
Yalayolo Magazine