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Facebook a annoncé lundi la commercialisation d’écrans connectés qui permettent de passer des appels vidéo via une caméra grand angle et dotée d’intelligence artificielle (IA), une mutation stratégique pour le réseau social en pleine tourmente. «C’est un virage», affirme à l’AFP Andrew Bosworth, vice-président des équipements de consommation chez Facebook.
Le groupe américain avait racheté en 2014 le fabricant de casques de réalité virtuelle Oculus, mais c’est la première fois que le géant du numérique développe en interne un produit de grande consommation (hardware). «Les appels vidéo ne cessent d’augmenter, sur Messenger et sur WhatsApp. Or les équipements actuels, sur téléphone ou sur ordinateur, sont trop limités. Nous avons donc réalisé que si nous voulions continuer d’accomplir notre mission, nous devions construire nos propres appareils», explique Andrew Bosworth.
Portal doté de l’assistant Alexa
A partir de lundi aux États-Unis, les consommateurs pourront pré-commander ces écrans HD, conçus pour être posés dans une pièce et passer des appels vidéo. L’écran intelligent, baptisé «Portal», existe en deux tailles (10 et 15 pouces, à 199 et 349 dollars) et fonctionne comme une enceinte connectée : l’utilisateur lui demande d’appeler un de ses contacts en commençant sa phrase par «Hey Portal». Les écrans permettront aussi de s’adresser à Alexa, l’interface vocale d’Amazon, pour faire des courses ou contrôler certains appareils électroménagers.
Portal disposera en outre d’un écosystème fermé d’applications, pour jouer de la musique (Spotify), des vidéos (Facebook Watch), raconter des histoires aux enfants avec des effets de réalité augmentée (Story Time, un nouveau logiciel Facebook), connaître la météo ou les informations. Grâce aux systèmes d’IA intégrés, la caméra dézoome automatiquement pour inclure un nouvel arrivant, ou, si on clique sur le visage d’un individu, le suit dans ses déplacements et peut favoriser le son de sa voix aux dépens des bruits ambiants.
Un produit suffisamment sécurisé ?
En termes de sécurité, Facebook promet que ses écrans fonctionnent en circuit fermé, d’où un risque de piratage plus faible que sur un smartphone ou un ordinateur. Un cache permet de bloquer la caméra, et un bouton de la désactiver, ainsi que le micro. Les appels sont cryptés, et les logiciels son et vidéo fonctionnent en local, dans l’appareil. Seuls les échanges vocaux avec Portal ou Alexa sont enregistrés sur les serveurs de Facebook ou Amazon, avec la possibilité de les consulter et de les supprimer.
Facebook, qui a subi fin septembre un piratage sur 50 millions de comptes, est empêtré depuis plusieurs mois dans le scandale Cambridge Analytica, cette société britannique accusée d’avoir collecté et exploité sans leur
consentement les données personnelles d’utilisateurs à des fins politiques. Le réseau social est accusé de laxisme et d’opacité dans la gestion des montagnes de données personnelles qu’il détient, et qui alimentent son modèle économique, basé sur la publicité ciblée.
La société veut pourtant s’affirmer comme un garant du respect de la vie privée. «Franchement, je serais inquiet si ce n’était pas nous qui fabriquions ces appareils», affirme Andrew Bosworth. «Vous devez d’emblée concevoir ces équipements pour les utilisateurs, vous devez intégrer des mesures de sécurité et de prévention des abus dès le tout début», ajoute-t-il. «C’est la mission de notre organisation plus que ça ne l’est pour d’autres.»
17 milliards d’appels vidéo sur Messenger en 2017
Les représentants de Facebook préfèrent parler de «mission» plutôt que de modèle économique et de profits. Les appels vidéo et les enceintes connectées représentent néanmoins un marché en pleine croissance. D’après les données du réseau social, il y a eu 17 milliards d’appels vidéo sur la plateforme Messenger en 2017, soit le double de 2016. Et pour l’instant, seules deux enceintes de la gamme Echo d’Amazon disposent de petits écrans. «A ce stade, personne ne gagne d’argent avec la vente de ces appareils connectés. Mais ils sont en train de devenir le centre de la vie numérique des consommateurs et du foyer», commente Tom Morrod, directeur de recherches au cabinet IHS Markit. «Stratégiquement, c’est donc important pour Facebook de se positionner.»
Pour l’analyste, cette évolution ne va pas sans poser des questions de concurrence, avec le passage d’un Internet ouvert à un monde où les requêtes des consommateurs passent par des filtres biaisés. Pour Facebook et les autres géants du numérique, «il s’agit surtout d’être le point d’entrée à d’autres opportunités de faire des affaires». Aux États-Unis, le cabinet eMarketer estime à plus de 60 millions le nombre d’utilisateurs d’enceintes connectées en 2018, et en prévoit 76,5 millions pour 2020. Le réseau social ne voit d’ailleurs pas Portal comme une expérience ponctuelle. «Nous voulons continuer à investir lourdement dans les appareils, non seulement à travers Oculus, mais aussi via Facebook», assure Andrew Bosworth.
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Yalayolo Magazine