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Le Salvador est actuellement le seul pays au monde où le bitcoin fut légalisé en tant que monnaie de cours légal.
La légalisation de la cryptomonnaie avec l’adoption de la Loi Bitcoin par le Parlement salvadorien le 9 juin 2021 fut présentée par le Président Nayib Bukele comme un moyen de développer l’économie locale via une augmentation des investissements et la création de nouveaux emplois. L’adoption de la cryptomonnaie fut aussi signalée comme une manière de faciliter et de rendre moins chères les remises migratoires depuis l’étranger qui ont représentées 25 % du Produit Intérieur Brut (PIB) du Salvador en 2021. De plus, Bukele affirma que l’introduction du bitcoin permettrait aussi une majeure inclusion financière au Salvador, pays où 70 % de la population ne possède pas de compte bancaire et travaille dans l’économie informelle.
La légalisation du bitcoin
Depuis le 7 septembre 2021, date à laquelle la loi entra en vigueur, les commerces du Salvador sont obligés d’accepter le bitcoin comme moyen de payement. Parallèlement, afin de promouvoir l’utilisation du bitcoin parmi une population salvadorienne qui demeure réticente à la mesure, le gouvernement a créé un portefeuille électronique appelé Chivo Wallet où il offre 30 dollars américains en bitcoins à tout citoyen ouvrant un compte. L’application permet à ses utilisateurs de convertir automatiquement et gratuitement des bitcoins en dollars et vice-versa. Cependant, l’acceptation de la cryptomonnaie et l’utilisation généralisée du portefeuille numérique restent ambitieuses lorsqu’on constate que, selon les dernières données publiées par la Banque Mondiale, seulement 50 % de la population salvadorienne avait accès à internet en 2019.
Dans un communiqué publié le 25 janvier dernier, le Fonds Monétaire International (FMI) a critiqué la légalisation du bitcoin au Salvador en affirmant que celle-ci posait des « risques importants sur l’intégrité financière et de marché, la stabilité financière et la protection des consommateurs ». Une des principales craintes associées à la cryptomonnaie est la possibilité que celle-ci représente, via l’anonymat de ses utilisateurs, une porte d’entrée aux fonds illicites, au financement du terrorisme et à l’évasion fiscale, malgré les promesses du gouvernement salvadorien de vérifier l’origine des fonds. De plus, en l’absence de nouvelles régulations macro et microprudentielles qui prennent en considération les fluctuations liées au prix du bitcoin, la volatilité de la cryptomonnaie pourrait avoir des impacts sur le capital réglementaire et la liquidité des banques commerciales et autres institutions financières. Les fluctuations de prix et les cyberattaques pourraient aussi représenter une menace à l’épargne des ménages et des sociétés salvadoriennes. Le FMI a également soulevé le risque d’augmentation d’une dette publique déjà significative (le ratio dette publique/PIB était de 85 % en fin 2021) dans le but de garantir une conversion entre le bitcoin et le dollar américain et s’est montré réticent à toute émission d’obligations souveraines libellées en bitcoins. En définitive, l’institution a exhorté explicitement le gouvernement du Salvador à supprimer le statut légal du bitcoin.
Le 9 février dernier, l’agence de notation américaine Fitch Ratings a également condamné la légalisation du bitcoin au Salvador en abaissant sa note de défaut émetteur à long terme (Issuer Default Rating) de B– à CCC, un des derniers crans de notation avant le défaut de paiement sur la dette souveraine. L’agence a justifié sa décision en raison, principalement, du poids de la dette à court terme du Salvador (un eurobond de 800 millions de dollars à payer en janvier 2023), du déficit budgétaire élevé et de l’incertitude concernant l’accès au financement d’organismes multilatéraux et sur les marchés externes. De son point de vue, l’affaiblissement des institutions et la concentration du pouvoir autour de la figure présidentielle ont augmenté l’imprévisibilité des politiques alors que, parallèlement, la légalisation du bitcoin sème le doute sur le déblocage d’un programme de financement du FMI prévu pour 2022-2023.
De même, l’agence de notation américaine Moody’s avait déjà « puni » le Salvador en juillet 2021, un mois après l’adoption de la Loi Bitcoin, lorsqu’elle dégrada la note du pays de B3 à Caa1 en raison d’un manque de liquidité pour faire face aux échéances liées à l’amortissement de sa dette souveraine, d’une détérioration de la qualité de ses décisions politiques et d’une vulnérabilité de sa position fiscale. La légalisation du bitcoin avait également été évoquée par l’agence comme une mesure reflétant l’affaiblissement de la gouvernance du Salvador, augmentant les tensions avec les partenaires externes et menaçant la capacité de financement externe du pays.
L’émission de crypto-dette souveraine
Mais loin d’être intimidé, le gouvernement de Bukele s’apprête à émettre un milliard de dollars en El Salvador Bitcoin Bonds 1 (EBB1) : des « crypto-obligations » de dette publique libellées en bitcoins d’une maturité de 10 ans et offrant un coupon annuel de 6,5 %. Les obligations, aussi connues sous le nom de volcano bonds, seront vendues à des investisseurs institutionnels ou à des particuliers par tranches de 100 dollars afin de faciliter l’accès à ces nouveaux titres de dette de garantie numérique. Pas besoin de passer par un broker : les volcano bonds seront émises par l’entreprise publique LaGeo dédiée à la génération d’énergie géothermique sur la Liquid Network sidechain de la société américaine Blockstream.
Selon le gouvernement salvadorien, la moitié des fonds seront ensuite investis en infrastructure nécessaire au minage de bitcoins via la construction d’une bitcoin city dans la région de La Unión au sud-est du pays où l’énergie d’origine géothermale utilisée pour le minage proviendra des volcans Tecapa et Conchagua. L’autre moitié des fonds viendra se rajouter aux actuelles réserves de la cryptomonnaie détenues par le pays, estimées en 1801 bitcoins selon les dernières informations publiées par le Président Bukele.
L’émission des volcano bonds était originairement prévue pour mi-mars. Cependant, étant donnée l’incertitude des marchés internationaux depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine, le ministre des finances salvadorien, Alejandro Zelaya, a préféré décaler l’émission de la crypto-dette. Bien que le gouvernement n’ait pas encore confirmé officiellement une nouvelle date d’émission, Zelaya estime que le lancement des volcano bonds se reportera, au plus tard, à septembre prochain.
Une autonomie monétaire soumise
Même si le Salvador avait déjà renoncé à son autonomie monétaire en 2001 lors de l’adoption du dollar américain en tant que monnaie officielle, la récente légalisation du bitcoin vient renforcer sa perte de souveraineté et accroître la vulnérabilité du pays face à d’éventuels chocs externes. Le Salvador reste aujourd’hui non seulement assujetti aux décisions de politique monétaire de la Réserve Fédérale des Etats-Unis, mais aussi à la volatilité du cours du bitcoin. Il semble donc légitime de se demander si les contraintes externes permettront au président Bukele de tenir ses promesses de développement envers la population salvadorienne. La création d’une sorte de paradis crypto et l’exacerbation du choix de déléguer directement ou indirectement des responsabilités domestiques à des agents externes peut facilement se transformer en une arme à double tranchant : le pays, qui peine à trouver du financement sur les marchés financiers conventionnels, pourrait vite s’auto-condamner à dépendre quasi exclusivement des spéculations des cryptoinvestisseurs.
Par Nadia Allemand, BSI Economics
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