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Arnaud Lagardère | Source : GettyImages
OPINION // Il aura fallu plus de cinq années de batailles notamment judiciaires, et de pugnacité à Amber Capital et son fondateur, Joseph Oughourlian, épaulé dans les derniers mois par Bernard Arnault et Vincent Bolloré, pour réussir à faire céder le rempart de la société en commandite par actions du groupe Lagardère.
Forteresse juridiquement imprenable, celle-ci aura longtemps protégé son associé commandité Arnaud Lagardère, pour le meilleur mais aussi pour le pire.
Ce dossier aux multiples rebondissements et véritable cas d’école, est d’autant plus remarquable qu’il s’inscrit dans une actualité économique intense, marquée par une inflation des attaques à destination des dirigeants, de plus en plus virulentes.
Subissant de plein fouet la remise en question d’une autorité longtemps incontestable, ceux-ci doivent désormais articuler l’exercice de leur pouvoir avec une exigence sociétale croissante de redevabilité, en provenance notamment des actionnaires minoritaires qui ne se contentent plus d’un traitement purement capitalistique de leur participation.
Ainsi, l’éviction de Christophe Cuvillier, président du directoire d’Unibail-Rodamco-Westfield, et d’Emmanuel Faber, ex-Président directeur général de Danone, obtenus par des actionnaires minoritaires, rappelle qu’il n’existe plus d’espace immune.
Or, l’onde de choc est d’autant plus puissante qu’elle emporte dans son sillon d’autres instances de pouvoir, au premier chef le conseil d’administration désormais soumis à cette même exigence de redevabilité.
Le dossier Danone en offre une illustration subtile mais efficace. Ainsi, alors même que les actionnaires minoritaires – les fonds Artisan Partners et Bluebell Capital – ont obtenu le départ du dirigeant contesté, ils se sont adressés au conseil d’administration, souhaitant que chaque administrateur s’exprime individuellement et publiquement sur sa vision de la stratégie du groupe et donne son avis sur le plan « Local First » mis en place par Emmanuel Faber ainsi que sur l’opportunité du maintien de statut d’entreprise à mission du groupe agroalimentaire.
Pourtant, cette demande méconnaît le sacro-saint principe de collégialité du conseil, qui interdit à ses administrateurs de se prononcer en dehors de l’organe social.
Nul doute que cette exigence constitutive du conseil d’administration n’a échappé à personne. L’essentiel est donc ailleurs. Cette demande sonne l’alerte à l’attention des administrateurs, désormais sous haute surveillance.
Certains peuvent s’en inquiéter. Il n’en reste pas moins que cette évolution est têtue. Si elle est de nature à discipliner certains conseils d’administration faibles, elle peut parfois fragiliser l’entreprise en la frappant en son cœur, aux dépens de l’intérêt social.
En la matière, la justesse est donc une histoire de mesure et de pertinence, de responsabilité aussi.
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