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Alors que débute la fashion week parisienne, la haute couture française est à l’honneur dans le monde entier. Cependant pour des enjeux économiques et environnementaux, l’industrie française de la mode devrait se préoccuper d’avantage du prêt-à-porter.
Le secteur du luxe français, et notamment la haute couture, est un succès industriel et économique incontestable. La filière luxe affiche notamment de très bonnes performances économiques, avec une progression des exportations de 9% entre 2018 et 2019, pour un montant de 55,9 Md€. Avec un excédent commercial de 27 Md€, le luxe est le deuxième fleuron de l’économie française juste derrière l’aéronautique. Cependant, comme le souligne le rapport annuel du commerce extérieur de la France de 2020, la moitié des exportations de la filière correspond à la cosmétique, les parfums et les boissons (vins, champagne et cognac). L’autre moitié se compose du cuir et bagagerie, de la bijouterie-joaillerie et des objets d’art.
Concernant le textile et l’habillement, les performances sont beaucoup moins glorieuses. En dépit d’une croissance des exportations de 7,7 % entre 2018 et 2019, le déficit commercial s’élève à 12,4 Md€, ce qui représente plus de 15% du total du déficit commercial français (79,8 Md€ en 2019) et presque 35% du déficit commercial français hors énergie. Pourtant, le modèle économique des maisons de haute couture dépend en partie des ventes du prêt-à-porter. Alors que la création et la confection des pièces de haute couture à lieu en France au sein des ateliers des marques, il n’en est pas toujours de même pour la production des collections de prêt-à-porter. Pour les marques premium et grand public, celle-ci est généralement délocalisée dans des pays émergents. De plus, une certaine opacité règne dans le secteur. En effet, il est extrêmement difficile de retracer les chaines d’approvisionnement, l’origine des matières premières, des tissus et les lieux de confection. En outre, l’étiquette « made in France » est souvent trompeuse. Celle-ci peut être appliquée à des produits dont la dernière étape de transformation a été faite en France. Autrement dit, les pièces dont les matières premières et les principales étapes de production sont d’origine étrangère peuvent très bien s’afficher « made in France ». Par conséquent, la garde-robe de la plupart des français est principalement importée. Pourtant, certaines marques françaises, parmi lesquelles le Slip Français, 1083 et Splice, prouvent qu’il est bien possible de relocaliser la production du prêt-à-porter en France et de proposer des produits de bonne qualité.
Enfin, les enjeux environnementaux sont encore plus préoccupants. L’industrie du textile est aujourd’hui la deuxième industrie la plus polluante au monde. Selon l’Ademe, l’industrie du textile génère à elle seule 10% du total des gaz à effets de serre et consomme 25% des produits chimiques produits chaque année. L’impact de l’industrie de la mode sur l’environnement ne se limite pas à la production de gaz à effets de serre ou à son empreinte carbone. En effet, celle-ci a un impact considérable sur la consommation d’eau. Le rapport Pulse of the Fashion Industry souligne que l’industrie de la mode consomme plus de 79 milliards de mètres cubes d’eau à l’échelle mondiale, alors même que la production du textile s’effectue principalement dans des zones de forte sècheresse. L’eutrophisation de l’eau, c’est-à-dire la modification chimique de l’eau à cause des polluants qui y sont déversés, est aussi un fléau. En Chine, 70% des cours d’eau sont pollués à cause de l’industrie textile. Selon la fondation Ellen McArthur, la gestion des déchets et l’absence de filière de recyclage constituent aussi un problème fondamental. Aujourd’hui, moins de 15% des vêtements sont recyclés.
Face à ce double constat, l’industrie française de la mode se doit de réagir. Pour cela, plusieurs leviers d’action semblent indispensables à mettre en place rapidement.
Le consommateur final doit impérativement pouvoir évaluer la qualité et la provenance des produits. Pour cela, les marques doivent adopter une démarche de transparence vis-à-vis des différentes étapes de confection et des matières premières utilisées. Pour cela, il serait judicieux de décomposer les étapes de fabrications sur les étiquettes afin d’identifier les réelles provenances : origine des matières premières, origine des principales étapes de transformation (filature, tissage et teinture), origine de la confection. Pour la vente sur internet, ces informations devraient pouvoir être consultées en ligne par les consommateurs. Pour aller plus loin, il serait intéressant de supprimer totalement la mention « made in France » afin de promouvoir les labels « Origine France Garantie » et « Entreprise du Patrimoine Vivant ».
Afin d’identifier, d’évaluer et de quantifier les impacts environnementaux il faudrait généraliser les méthodes d’analyse de cycle de vie à l’échelle des différentes collections. Ces analyses permettront de mesurer les effets quantifiables des produits sur l’environnement en fonction du cycle de vie des produits (matières premières, fabrication, transport, distribution, utilisation, valorisation, etc.). Ces résultats devraient permettent de mettre en évidence les principales actions à entreprendre afin de réduire l’impact environnemental. D’autre part, ces analyses permettraient aussi d’évaluer l’effort et l’engagement des marques sur la durée et de réduire les procédés marketing de greenwashing.
La France est le premier producteur de chanvre (50% de la production mondiale) et de lin (75% de la production mondiale). Ces matières premières bénéficient de propriétés particulières intéressantes pour les applications textiles (thermorégulation, absorption de l’humidité, résistante, antibactériennes, etc.). Pourtant elles sont très peu utilisées en comparaison du coton et des fibres artificielles et synthétiques. La France dispose donc d’une formidable opportunité de développer une industrie du prêt-à-porter à partir de ces deux matières premières naturelles. Enfin, sur le plan écologique, la culture du lin et du chanvre est particulièrement avantageuse pour l’environnement. Elle est peu gourmande en eau (20 fois moins que le coton), ne nécessite que très peu d’engrais et pas de pesticides.
Force est de constater que la recherche scientifique et technologique est la grande absente de ce secteur industriel. Pourtant, la plupart des secteurs industriels se sont appuyés sur la recherche scientifique pour assurer leur développement. Dans la mode et le luxe, très peu sont les marques qui possèdent un département de recherche et développement. Pourtant, les enjeux sont considérables. Aujourd’hui la filière doit entreprendre une réindustrialisation et pas simplement une relocalisation. Pour cela, la filière doit s’appuyer sur les nouvelles technologies de l’industrie 4.0 afin de reconquérir des avantages comparatifs. Concernant la traçabilité des produits et la préservation des savoir-faire, le secteur doit intégrer de nouvelles technologies telles que la blockchain et l’intelligence artificielle. Enfin, les enjeux de recyclage, de fabrication écoresponsable, d’économie circulaire, d’analyse de cycle de vie sont autant de sujets qui mériteraient d’être explorés en partenariat avec des centres de recherche. Fort heureusement, quelques initiatives ont émergé récemment. C’est notamment le cas du programme Carats des instituts Carnot M.I.N.ES, MICA et Ingé[email protected].
Comme souvent en France, le pays dispose d’une myriade d’institutions, d’associations, de syndicats professionnels et de fédérations qui sont positionnées plus ou moins sur les mêmes thématiques. Par exemple, la Fédération de la Haute Couture et de la Mode rassemble les marques de mode privilégiant la création et le développement international, la Fédération Française du Prêt à Porter Féminin a pour mission de rassembler et de représenter les entreprises de mode, DEFI Mode accompagne le développement des jeunes créateurs de mode via des fonds collectés par la taxe sur l’habillement. On peut aussi mentionner l’existence de l’Institut Français du textile et de l’Habillement, l’Union des Industries Textiles, l’Union française des Industries de la mode et de l’habillement, l’Union des Constructeurs de Machines Textiles de France ou encore la Fédération des Enseignes de l’Habillement, la Fédération Nationale de l’habillement et la Fédération de la Maille, de la Lingerie & du Balnéaire. A cela s’ajoutent, les fédérations régionales parmi lesquelles Mode Grand Ouest, l’Union des Industrie Textiles du Nord, l’Union des Industries textiles du Sud, l’Union des Industries Textiles Roanne et Régions et Unitex. Si toutes ces institutions françaises sont légitimes, la multiplication des acteurs ne permet surement pas une meilleure gouvernance de la filière. Cette situation devrait donc être l’une des préoccupations principales du Comité Stratégique de Filière des industries de la mode et luxe du Conseil National de l’Industrie. A titre de comparaison, le Royaume-Uni dispose d’une seule association, UK Fashion & Textile Association, dont les prérogatives vont du développement industriel à la formation en passant par le développement commerciale et international de toute la filière.
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