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Il y a quelques jours, Patrick Pouyanné s’exprimait dans le cadre d’un « grand oral » fort remarqué, alors que Total vient d’enregistrer des bénéfices records pour 2018, d’un montant de plus de 13 milliards d’euros.
Cet exercice périlleux était d’autant plus observé que l’entreprise qu’il dirige depuis presque 5 ans est la première entreprise française par sa capitalisation boursière, que son activité se déploie dans une industrie sous haute surveillance, que son dirigeant enfin est un patron peu disert.
Occupant une place particulière dans l’environnement tant économique que sociétale, les décisions prises par le groupe Total en la personne de son PDG sont particulièrement commentées. C’est dire combien cette prise de parole, dans le contexte sans précédent du Grand Débat National, était très auscultée.
Le PDG s’est exprimé sur de nombreux sujets aussi sensibles qu’essentiels, notamment l’environnement et la transition énergétique, le prix du pétrole, le partage de valeur et le versement de dividendes aux actionnaires, la rémunération des dirigeants.
Si la maîtrise des sujets est évidente, ce qui retient l’attention est la clarté et plus encore, la pédagogie avec laquelle il a su énoncer des vérités et des réponses pour certaines, tranchées et parfois même peu convenues, notamment sur la question à haut risque de ses revenus.
Insistant sur l’exigence de transparence, Patrick Pouyanné s’inscrit ainsi de plein pied dans un réel profondément marqué par des exigences de transparence et de redevabilité. Ce tropisme d’hyper transparence et de redevabilité investissant nos démocraties occidentales, prend en France, sa source et ses ressorts profonds dans le long et puissant processus amorcé en mai 1968. Ces revendications ont en effet posé les bases d’une remise en cause profonde des processus d’autorité formelle.
Aucune sphère, qu’elle soit publique ou privée, n’échappe à cette invasion de la transparence et de la redevabilité, en vertu desquelles les décisions doivent être, pour être acceptables, justifiées et argumentées.
L’affaissement des mécanismes d’autorité formelle signifie que l’on passe des décisions imposées aux décisions négociées. Ce phénomène, qui signe un profond dérèglement de nos sociétés contemporaines, concerne tous les lieux de pouvoir, tant publics que privés, que ce soit l’école, l’autorité parentale, l’entreprise ou encore l’Etat.
La négociation envahit du coup tous les espaces, qu’il s’agisse de la convention collective par essence négociée, du divorce par consentement mutuel, de la procédure de conciliation de l’entreprise en difficulté organisant la négociation entre celle-ci et ses principaux créanciers, de la fabrication de la loi elle-même.
Le phénomène est sans précédent et induit une myriade de conséquences toutes plus puissantes les unes que les autres. Dans l’entreprise, il se prolonge par le triomphe du modèle horizontal et collaboratif, devenu un puissant vecteur d’attraction des talents. Quant à l’actionnaire, longtemps négligé tant que non agrégé, il n’accepte plus un traitement purement capitalistique de son influence. L’émergence des forums et plateformes spontanées structure et donne une portée inédite à la contestation minoritaire.
Le conseil d’administration enfin, longtemps enclavé, n’échappe pas à ce principe de redevabilité et de dialogue que les actionnaires sont de plus en plus nombreux à exiger, notamment les fonds activistes mais également les fonds indiciels.
Cette faillite des mécanismes d’autorité formelle amène un nouveau paradigme de gouvernance. Elle invite les dirigeants à repenser le modèle de leadership, où la vision l’emporte sur le management, la faculté de convaincre sur celle d’imposer.
La pédagogie se trouve de la sorte érigée comme socle d’un nouveau leadership, notamment dans l’entreprise. Or, il ne faut pas s’y tromper, ce tropisme de l’argumentaire présente une immense vertu : il place l’humain au cœur des organisations et des organes de pouvoir, signant une certaine revanche des sciences cognitives sur les sciences normatives.
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Yalayolo Magazine