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De plus en plus interpellés par les actionnaires et toutes les parties prenantes, les administrateurs doivent justifier leur stratégie et leurs décisions, la prise en compte des enjeux sociétaux et environnementaux, la raison d’être qu’ils décident d’insuffler à l’entreprise. Ce nouveau tropisme de la contradiction, relayé et porté par l’outil digital, prend la forme notamment de ce qu’on nomme communément le dialogue actionnarial. Regards croisés entre Caroline Ruellan et Muriel Goldberg-Darmon, Avocate associée du cabinet Cohen & Gresser.
Caroline Ruellan : Tous les lieux de pouvoir, qu’ils soient publics ou privés, l’école, l’autorité parentale, l’entreprise, l’Etat, font l’expérience de l’affaissement des mécanismes d’autorité formelle. Nous sommes passés subrepticement des décisions imposées aux décisions négociées.
Dans l’entreprise qui fait l’expérience de la fluidité de la circulation de l’information, ce phénomène se prolonge pas le triomphe du modèle horizontal et collaboratif, devenu un puissant vecteur d’attraction des talents.
L’actionnaire minoritaire, longtemps négligé tant que non agrégé, n’accepte plus un traitement purement capitalistique de son influence.
Côté majoritaire, la seule suprématie numérique ne suffit plus à asseoir de façon incontestable le pouvoir.
Le conseil d’administration n’échappe pas à ce phénomène de redevabilité. Passé brutalement de l’ombre à la pleine lumière, il est désormais observé, surveillé, exposé, voire défié.
Il suffit d’égrainer quelques noms pour en prendre la pleine mesure : Barclays, Pernod Ricard, Renault, ThyssenKrupp, Telecom Italia, Suez, Lagardère, Scor.
De plus en plus interpellés par les actionnaires et toutes les parties prenantes, les administrateurs doivent justifier leur stratégie et leurs décisions, la prise en compte des enjeux sociétaux et environnementaux, la raison d’être qu’ils décident d’insuffler à l’entreprise.
Ce nouveau tropisme de la contradiction, relayé et porté par l’outil digital, prend la forme notamment de ce qu’on nomme communément le dialogue actionnarial.
Cette pratique, initiée depuis déjà plusieurs années par certains fonds comme Blackrock, présente de nombreux avantages et répond à une demande pressante des investisseurs.
Muriel Goldberg-Darmon : Pour autant, ce dialogue actionnarial soulève pour les sociétés cotées des problématiques juridiques liées à la règlementation relative aux abus de marché.
Rappelons en effet et en résumé que la transmission ou l’utilisation indue d’une information privilégiée – à savoir une information à caractère précis qui n’a pas été rendue publique et qui serait susceptible d’influencer de façon sensible le cours de bourse – est interdite et peut être sanctionnée soit par la juridiction pénale, soit par l’autorité des marchés financiers (AMF).
Ainsi, le dialogue actionnarial sera nécessairement limité, sauf à rétablir l’égalité de traitement des actionnaires par la diffusion d’un communiqué.
Caroline Ruellan : Au regard de ces contraintes majeures, il y a donc lieu de distinguer selon que l’investisseur siège au sein du conseil d’administration ou n’y siège pas.
Le conflit opposant SCOR à Covéa rappelle à cet égard les possibles conflits d’intérêt qu’amène le statut d’administrateur.
En l’espèce, Thierry Derez, Président du groupe Covéa mais également administrateur de SCOR, proposait en août 2018 à son Président Denis Kessler d’entrer en discussion en vue d’un « rapprochement » entre le réassureur et le groupe mutualiste. Dénonçant un conflit d’intérêt majeur en conséquence de son statut d’administrateur, le réassureur avait fini par obtenir la démission de Thierry Derez du conseil d’administration de SCOR.
Ces situations de conflit expliquent ainsi que de nombreux investisseurs, notamment les fonds activistes, ne souhaitent pas, le plus souvent, rejoindre le conseil d’administration, préférant exercer une influence de l’extérieur.
Muriel Goldberg-Darmon : Rares sont en effet les fonds qui demandent la nomination d’un administrateur au conseil d’administration. La règlementation sur les abus de marché limitent en effet la capacité des fonds activistes à acheter ou vendre des titres de la société une fois qu’ils sont membres du conseil d’administration puisqu’ils sont par définition détenteurs d’informations privilégiées. Ainsi, même en cas d’investissement à long terme, il pourrait être difficile pour le fonds activiste de revendre sa participation au moment qu’il jugera opportun.
La pratique actuelle est que les fonds activistes ont plutôt tendance à proposer lors de l’assemblée générale des actionnaires la nomination d’administrateurs indépendants. Ces nominations sont néanmoins le plus souvent rejetées (Amber Capital chez Lagardère ou Eliott chez Vivendi) et on peut en outre s’interroger sur leur réelle indépendance vis-à-vis du fonds activiste.
Rappelons à cet égard qu’en droit français des sociétés, il n’existe pas de principe de proportionnalité, ce qui signifie qu’il n’y a aucun droit à l’obtention d’un siège au conseil d’administration du seul fait qu’un actionnaire détient une participation dans le capital social.
Caroline Ruellan : Le dialogue actionnarial prend d’autres formes, les road show de gouvernance désormais sous haute surveillance ou encore, les nombreux échanges informels entre proxy, émetteurs et investisseurs, ce qui soulève au demeurant les questions désormais cardinales du poids des proxy, dont il faut rappeler qu’ils ne courent pas le risque social à la différence des investisseurs, et de l’égalité de traitement entre actionnaires.
Une fois encore, si on ne peut que se réjouir de cette évolution, elle doit être balisée afin d’éviter des transmissions indues d’informations privilégiées qui risqueraient à terme de compromettre le principe même du dialogue actionnarial.
Muriel Goldberg-Darmon : A cet égard, le Président de l’AMF, dans sa récente “Contribution de Robert Ophèle aux réflexions sur l’activisme en bourse” (publié le 11 juillet 2019), suggère que “afin d’améliorer la communication des sociétés cotées avec leurs actionnaires, l’AMF pourrait établir un guide sur le dialogue actionnarial, afin de renforcer la promotion de celui-ci et d’exposer comment il peut s’insérer et se développer dans le contexte de la règlementation boursière.” Face aux incertitudes règlementaires évoquées précédemment, on ne peut que saluer et soutenir cette position.
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