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Tous les entrepreneurs, ou presque, ont déjà entendu parler des BSPCE (bons de souscriptions de parts de créateur d’entreprise). Pour autant, leur mécanique prête encore parfois à confusion. Commençons par un rappel pratique !
Des BSPCE, pourquoi ?
Attribuer des BSPCE à un salarié, c’est lui donner le droit de souscrire à terme à des actions de la société, à un prix arrêté au jour de l’attribution. C’est la clé pour comprendre l’intérêt des BSPCE.
Un exemple vaut mieux qu’une longue explication :
- 2019 : La société Y, jeune startup, est évaluée à 2 millions d’euros ; son capital étant décomposé en 10 000 actions, chaque action vaut 200 euros ;
- La société souhaite fidéliser et motiver un salarié clé, et lui attribue 100 BSPCE ; le salarié les reçoit gratuitement, il n’a rien à verser, mais attention, il n’est pas encore associé de la société : les BSPCE lui donnent le droit de souscrire à terme (selon les périodes et conditions fixées) à de nouvelles actions ;
- 2022 : la société a poursuivi sa croissance et vaut désormais 15 millions d’euros ; la valeur de l’action a été multipliée par 7,5, elle vaut désormais 1 500 euros ;
- Le salarié décide d’en profiter et d’exercer ses BSPCE : il peut souscrire 100 nouvelles actions de la société pour un prix de 20 000 euros (200 euros par action), là où elles sont désormais évaluées 150 000 euros !
- Tout cela bien sûr en vue d’une cession future avec une valorisation encore supérieure… (!)
Les BSPCE sont devenus des outils de fidélisation et motivation incontournables pour les startups :
- Fidélisation car dans la plupart des cas, si le salarié quitte l’entreprise, il perd ses droits sur les BSPCE…
- Motivation car les BSPCE ne présentent un intérêt pour le salarié que si l’entreprise est dans une dynamique de croissance. L’intérêt personnel du salarié converge avec celui de la société : il n’aura intérêt à exercer les BSPCE que si la société a pris de la valeur.
Pour le salarié, l’attribution de BSPCE ne présente aucune garantie mais reste un pari à tenter : il n’a rien à débourser au jour de l’attribution et cela peut lui rapporter gros !
Le développement de la pratique des « BSA Administrateurs »
Dans de nombreuses sociétés, et notamment les sociétés de biotechnologies et de santé (dites « biotechs » et « medtechs »), il est apparu essentiel de pouvoir proposer des outils d’incentive équivalents pour intéresser les personnalités extérieures qualifiées composant les conseils d’administration et conseils de surveillance, et ainsi maintenir leur implication dans le projet.
Problème : les BSCPE ne pouvaient jusqu’à aujourd’hui être attribués qu’aux salariés de la société ou à ses dirigeants soumis au régime fiscal des salariés (en SAS, le président et le ou les DG et DG délégués). Les membres du board ne sont ni des salariés ni des dirigeants éligibles aux BSPCE… alors comment les intéresser de la même manière ?
Le mécanisme le plus proche est celui des BSA (pour « Bons de Souscriptions d’Actions »). Le principe est le même, à une différence près (de taille) : le bon est payant, là où le BSPCE est gratuit !
Les BSA doivent être émis à des conditions de prix qui reflètent leur valeur de marché (notamment selon la probabilité de gain). La valeur des bons est fonction de la durée des options et des risques encourus. En pratique, le prix du bon se situe souvent autour de 10-15 % de la valeur de l’action. Dans notre illustration, cela signifierait que chaque bon devrait par exemple être payé 20 euros. Pour 100 BSA, il faudrait ainsi immédiatement verser 2 000 euros (pour ensuite ouvrir droit à la souscription des actions à leur prix de 200 euros), et ce sans aucune garantie.
Pour intéresser leurs administrateurs avec des outils aussi avantageux que les BSPCE, certaines sociétés se sont écartées de ces règles et ont commencé à émettre des BSA à des administrateurs à titre gratuit ou à des conditions de prix qui ne reflètent pas leur valeur de marché.
Loi PACTE : l’ouverture des BSPCE aux administrateurs
Cette pratique de « BSA Administrateurs » a été pointée du doigt par l’AMF (Autorité des Marchés Financiers) en juin 2018. Saisi de cette question, le Haut Comité Juridique de la Place financière de Paris a constitué un groupe de travail afin de mener une réflexion sur les moyens permettant de faciliter l’intéressement des administrateurs des sociétés dites « tech ».
La Loi Pacte, adoptée le 22 mai 2019, a concrétisé cette réflexion et a ouvert la possibilité d’attribuer des BSPCE aux membres des conseils de surveillance et conseils d’administration.
Selon l’amendement déposé, il s’agit de « répondre au même besoin qui avait conduit à la création des BSPCE : attirer dans des jeunes entreprises des administrateurs suffisamment motivés et qualifiés, sans avoir dans l’immédiat les moyens de leur offrir des rémunérations sous forme de jetons suffisamment attractives ».
Et en SAS alors ?
La plupart des startups (pour ne pas dire toutes) existent sous forme de SAS… au sein desquelles le Code de commerce ne prévoit pas l’existence d’un conseil de surveillance ni d’un conseil d’administration.
Fort heureusement, le législateur n’a pas oublié les SAS :
« les sociétés par actions peuvent attribuer des [BSPCE] […] aux membres de leur conseil d’administration, de leur conseil de surveillance ou, en ce qui concerne les sociétés par actions simplifiées, de tout organe statutaire équivalent ».
Prudence tout de même, car le texte est limitatif :
- l’organe de gouvernance en question doit être « statutaire », c’est-à-dire prévu dans les statuts de la SAS.
L’usage le plus répandu en SAS reste de prévoir les règles et organes de gouvernance dans le pacte d’associés, assurant ainsi une totale confidentialité vis-à-vis des tiers. Dans le cas précis, ses membres ne seront donc pas éligibles aux BSPCE. Il faudrait nécessairement insérer un article spécifique dans les statuts relatif au board.
Le texte soulève enfin certaines interrogations :
- En SAS, tout type d’organe de gouvernance peut être institué, avec toute forme d’appellation : conseil ou comité de surveillance, d’administration, stratégique, de pilotage, de direction, etc. Par « organe statutaire équivalent », le législateur entend-il alors ouvrir l’attribution des BSPCE à tous types de conseils ou comité, quel que soit son nom ? Un contrôle sera-t-il opéré quant aux pouvoirs du comité en question ?
Le législateur vise des organes « équivalents » et non « identiques » : il semble donc que l’appellation exacte de l’organe concerné ne devrait pas avoir d’incidence. En revanche, il convient d’être plus vigilant quant aux pouvoirs et au rôle exact de cet organe. Si les prérogatives et les pouvoirs de celui-ci s’éloignent fortement de celles d’un conseil d’administration ou de surveillance (imaginons par exemple un comité qui n’a en réalité qu’un rôle purement consultatif), alors gare au risque de requalification en cas de contrôle fiscal…
- Les membres des conseils d’administration et de surveillance de SA apparaissent sur l’extrait Kbis de la société. En SAS, rien n’impose de déclarer au greffe les membres d’un board prévu statutairement. Le législateur entend-il en faire une condition à l’attribution des BSPCE ? Rien ne semble le supposer, mais la question se pose malgré tout.
Autant de questions auxquelles la pratique apportera des réponses, et qui obligeront d’ici là à faire preuve de prudence !
Thomas Buffin, avocat associé, Département Fusions-Acquisitions, Droit des sociétés et Private Equity, et Tanguy Dubly, avocat, Fusions-Acquisitions, Droit des sociétés et Private Equity, chez Bignon Lebray.
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