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C’était le Noël de tous les dangers. L’immense Toys’R’Us de la Défense, qui s’étendait sur 4000 mètres carrés, avait mis les bouchées doubles pour cette fin d’année.
« Nous réalisons la moitié de nos ventes à cette période, nous expliquait il y a quelques mois son directeur, Guillaume Subra. Nous sommes fin prêts! »
Le plus grand magasin de la chaîne en Europe vivait alors une fin d’année tendue. Selon le cabinet Xerfi, Toys’R’Us y avait en effet vu ses ventes s’éroder pour descendre à 343 millions d’euros et ses comptes sont dans le rouge depuis 2014 (11,5 millions d’euros de déficit cumulé depuis). Elle avait même laissé sa place de numéro 1 du marché national, acquise depuis les années 1990, à son concurrent JouéClub.
Mais c’est surtout à Wayne, siège de Toys’R’Us dans le New Jersey, que l’on abordait la période des fêtes avec angoisse. Le plus gros distributeur de jouets au monde, avec quelque 1600 magasins, dont la moitié aux Etats-Unis et 48 en France, avait en effet été placé dès la mi-septembre sous la protection du chapitre 11 de la loi américaine sur les faillites.
Ce qui lui laissait environ un an pour restructurer la dette de 4,2 milliards d’euros consécutive au rachat de l’entreprise par trois fonds d’investissement, selon la très décriée méthode du LBO (« leveraged buy out »). Ce type d’opération permet aux investisseurs de rembourser la dette en pompant les profits de leur cible.
Mais le chiffre d’affaires avait chuté de 15% en cinq ans. Quant aux pertes, elles devraient s’élever à 1,3 milliard en cumulé sur la même période. Car au-delà de l’équation financière, l’Américain a été dépassé par la révolution numérique.
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En retard sur le commerce en ligne et les jeux vidéos
Un changement majeur a chamboulé la distribution du jouet depuis une quinzaine d’années: toute la croissance du secteur — soit 14% depuis 2012 sur les cinq grands pays européens, selon NPD — est accaparée par les ventes en ligne, celles du monstre Amazon en tête, au détriment des enseignes classiques.
Internet a quasiment doublé son emprise sur la distribution et contrôle, toujours selon NPD, 30% des parts de marché en Europe de l’Ouest et 25% aux Etats-Unis. Toys’R’Us, qui réalise, selon les pays, entre 5 et 8% de son chiffre d’affaires sur la Toile, risquait ainsi de se retrouver progressivement poussé hors du jeu.
L’Américain n’était d’ailleurs pas le seul à souffrir de cette situation. Aux Etats-Unis, toutes les autres enseignes nationales ont fermé. Plusieurs chaînes françaises connaissent aussi des coups de mou, dont La Grande Récré, qui vient d’être placée en redressement judiciaire, ou Maxi Toys, qui, selon de bonnes sources, serait à vendre.
Autre tendance de fond qui explique la chute du chiffre d’affaires de Toys’R’Us, les loisirs numériques détournent les jeunes du jouet proprement dit. Ainsi, selon les études du CNC sur « Les pratiques de consommation des jeux vidéo des Français », 78% des 7 à 9 ans s’y adonnent déjà et 84% des 10-14 ans. Et à chaque fois, ils y passent entre 1 heure 25 et 1 heure 48.
Ce phénomène est observable partout, au point que les ventes mondiales de jeux vidéo (64 milliards d’euros en 2016) croissent trois fois plus vite que celles du jouet (76 milliards d’euros) et sont désormais en passe de les rattraper.
Ce n’est pas un hasard si les emblématiques Lego et Mattel connaissent des difficultés commerciales. « Même les dépenses de jouets pour les plus petits diminuent, note Frédérique Tutt, analyste monde pour le jouet, du cabinet NPD. Alors qu’elles représentent près de 30% du business des enseignes spécialisées. » Pour le distributeur américain, dont le rayon numérique pèse pour moins de 10% des ventes, ce n’était donc pas vraiment une bonne nouvelle.
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Catalogues à l’ancienne et magasins démodés
Faute d’avoir appréhendé le virage numérique, le géant américain n’a pas su non plus utiliser Internet pour sa promotion. « Toutes les enseignes de jouets, Toys’R’Us en tête, continuent de distribuer des catalogues papier pour Noël, alors que 70% des acheteurs de jouets vont sur le Net pour repérer les bonnes affaires », déplore Dan Gomplewicz, cofondateur d’Armis Tech, spécialiste de la communication numérique locale.
Même si elle ne revient pas trop cher (le coût d’un prospectus, distribution comprise, est de l’ordre de 1 euro), cette façon de faire de la « réclame » semble totalement dépassée. Et le ciblage est très aléatoire, comme le confirme le taux de transformation: seuls 2% des destinataires des prospectus distribués dans les boîtes aux lettres passent à l’acte d’achat, selon une étude de Balmétrie, groupement des professionnels du courrier publicitaire.
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L’agencement des magasins de Toys’R’Us était aussi mal adapté aux tendances du commerce. Leur format (1000 mètres carrés minimum) et l’abondance des produits exposés avaient leur charme à l’américaine quand la chaîne a débarqué. Mais ces cavernes d’Ali Baba qui ressemblent à des hangars sont passées de mode.
« C’est vrai que l’atmosphère est un peu froide, reconnaît Jean Charretteur, le directeur général France et péninsule Ibérique, un ancien de chez Metro et Tesco, arrivé au printemps dernier. Mais nous avons commencé à y remédier. » De fait, la mise en scène du magasin de la Défense est assez impressionnante, avec des décors renversants — voiture de Batman, Yoda et Playmobil en version king size. Surtout, les rayons ont été allégés et sont moins hauts, ce qui rend l’ensemble plus accueillant.
Les points de vente de Vélizy et de Bourges ont aussi été relookés de la sorte. « C’est bien, mais il leur reste du boulot avant que leurs boutiques deviennent chaleureuses, tempère Alain Bourgeois-Muller, PDG de JouéClub, qui mise de longue date sur le côté cosy dans des boutiques plus petites.
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