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L’année 2019 sera incontestablement l’année de la Lune. Alors que la dernière mission sur la Lune — qui était soviétique — date de 1976, les missions spatiales concernant notre unique satellite naturel ne manquent pas cette année et pour celles à venir. La Chine a ouvert le bal le 3 janvier dernier, en faisant atterrir sa sonde Chang’e 4 sur la face cachée de la Lune, l’hémisphère jamais visible depuis la Terre. Une société israélienne SpaceIL s’apprête à lancer un atterrisseur sur la Lune ce vendredi 22 février. En avril, ça sera au tour de l’Inde de lancer son atterrisseur Chandrayaan-2, qui embarque une sonde censée mesurer la température sous la surface lunaire et un rover chargé d’identifier sa composition chimique. Une autre mission chinoise, Chang’e 5, est quant à elle prévue pour la fin de l’année pour rapporter des échantillons sur Terre.
Et c’est sans parler d’autres missions en préparation pour les années à venir : les Etats-Unis pourraient renvoyer des hommes sur la Lune, en plus de son projet de station en orbite lunaire (LOP-G) développée avec l’aide de l’Europe, les Russes comptent envoyer chaque année à partir 2031 une mission pilotée sur la Lune, les Coréens envisagent également d’envoyer une sonde en orbite vers 2020 et les Japonais une sonde avec alunisseur une année plus tard. Par ailleurs, il y a aussi les sociétés privées : celles spécialisées dans le spatial comme SpaceX et Blue Origin comptent faire voyager des particuliers près de la Lune, tandis que d’autres comme Audi, Red Bull ou encore Vodafone s’intéressent aux projets sur la Lune pour une autre raison.
Les objectifs de chacun de ces projets ne sont pas les mêmes, a confirmé à Yalayolo Magazine France Francis Rocard, responsable des programmes d’exploration du Système solaire au Centre national d’études spatiales (CNES) : « Il y a des raisons diverses et indépendantes qui créent en effet un point de convergence vers la Lune ». « C’est souvent un mélange de raisons politiques, scientifiques, techniques et désormais économiques, avec la recherche de ressources comme l’eau, les terres rares, de volonté de coopération pacifique entre Etats, d’inspiration des citoyens et d’éducation du jeune public », a ajouté pour sa part Pr. Bernard Foing, directeur du groupe international d’exploration lunaire et astrophysicien de l’Agence spatiale européenne (ESA).
Pour certains, la Lune représente une étape obligatoire avant d’aller sur Mars, pour d’autres, elle représente une source potentielle de ressources — eau, terres rares voire hélium 3 — ou encore une destination de choix pour faire la publicité de sa marque.
Voici les huit raisons qui expliquent pourquoi les Etats et sociétés privées s’intéressent tant à la Lune.
Un point d’étape incontournable pour aller sur Mars.
L’un des objectifs des Etats-Unis est l’Homme sur Mars au XXIe siècle. Mais l’agence spatiale américaine a la certitude que cela n’est possible que via un passage par la Lune au préalable. « C’est un choix stratégique. La Lune représente une étape essentielle pour apprendre et développer les techniques et l’expérience nécessaires pour envoyer l’Homme sur Mars », nous a expliqué Francis Rocard, responsable des programmes d’exploration du système solaire au CNES.
Cela devrait se faire dans le cadre du projet de station orbitale Lunar Orbital Platform-Gateway (LOP-G) dont le premier module devrait être lancé en 2022 et le second en 2026. L’ESA, l’agence spatiale russe Roscosmos, l’agence spatiale japonaise JAXA et l’agence spatiale canadienne participent également à ce projet. L’idée serait d’en faire une passerelle de ravitaillement en carburant d’atterrisseurs lunaires réutilisables grâce à des vaisseaux-cargos envoyés depuis la Terre.
Développer le tourisme spatial comme le souhaitent SpaceX, Blue Origin ou encore Virgin Galactic.
SpaceX a déjà trouvé son premier passager privé — le milliardaire japonais Yusaku Maezawa — qui devrait voyager autour de la Lune vers 2023 à bord de la Big Falcon Rocket (BFR), accompagné de six ou huit artistes. Le prix du ticket n’a pas été révélé. Virgin Galactic, la société spatiale de Richard Branson, vend aussi des billets, à 250 000 dollars l’unité, pour flotter en apesanteur pendant quelques minutes au-dessus de l’atmosphère terrestre et la société de Jeff Bezos Blue Origin compte le faire dans l’année.
A la recherche de ressources précieuses que ce soit l’eau, les terres rares ou encore l’hélium-3.
Il y a trois ressources que l’on va chercher sur la Lune et les astéroïdes qui passent régulièrement au voisinage de la Terre : l’eau, les terres rares — utilisées dans les smartphones, panneaux solaires… et que seule la Chine produit actuellement car l’extraction est polluante — et l’hélium-3, ce gaz extrêmement rare sur Terre mais présent sur le sol lunaire et idéal pour la fusion nucléaire.
« L’eau est nécessaire pour les missions habitées lointaines pour les astronautes, mais aussi car on peut produire avec du carburant (hydrogène et oxygène, par hydrolyse) pour alimenter les moteurs des fusées », explique Francis Rocard. On pourrait trouver de l’eau aux pôles de la Lune mais aussi dans les astéroïdes géocroiseurs — évoluant à proximité de la Terre — hydratées. « Acheminer un litre d’eau dans l’espace depuis la Terre coûte actuellement 40 000 dollars. Si l’eau est extraite depuis la Lune, et utilisée sur place ou envoyée dans l’espace , cela représenterait un gain de coûts conséquent », a affirmé le Pr Bernard Foing, directeur du groupe international d’exploration lunaire à l’ESA.
En revanche, l’extraction des terres rares, c’est une autre histoire, selon Francis Rocard. « C’est quelque chose de très spéculatif », a estimé le chercheur. « L’idée, c’est de se dire qu’on a tellement d’astéroïdes métalliques qu’on finira bien par trouver la perle rare qui contient des terres rares en grande quantité. C’est un pari, mais un grand pari », a poursuivi Francis Rocard. Quant à l’hélium-3, « c’est encore plus futuriste » — au-delà de 2050 —, selon le chercheur. D’autant plus qu’on ne sait même pas encore faire de fusion thermonucléaire contrôlée sur Terre.
Récupérer des données d’observation de la Terre et les vendre.
« La NASA serait prête à acheter des données récoltées par des sociétés privées », avance le Pr. Bernard Foing, directeur du groupe international d’exploration lunaire de l’Agence spatiale européenne (ESA), qui ajoute qu’il pourrait s’agir de « contrats de quelques millions de dollars ». L’ex-DG de l’Agence spatiale européenne, Jean-Jacques Dordain, avait expliqué à Yalayolo Magazine France que « tous les géants d’Internet sont très intéressés pour utiliser l’espace, d’abord pour sa capacité de récolter et distribuer légalement des données partout dans le monde, sa capacité de connecter des individus et des réseaux et, enfin, sa capacité de faire rêver ».
Faire de la publicité pour sa marque.
L’Allemand Audi veut pouvoir être le premier constructeur automobile à avoir un véhicule qui roule sur la Lune. Son Lunar Quattro devrait être transporté par le module allemand ALINA de PTScientists — qui avait participé au concours Google Lunar X-Prize — pour atterrir près du site d’atterrissage d’Apollo 17. La date du lancement est prévue pour le premier trimestre 2020. Vodaphone participe également au projet pour les systèmes de communication et Red Bull Media House s’occupera de la campagne média de la mission, en se chargeant de retransmettre l’événement en direct à travers le monde.
« Le but pour ces marques, c’est de montrer leur aspect innovateur et visionnaire et se faire de la publicité en nous apportant la Lune », a expliqué le Pr Bernard Foing à Yalayolo Magazine France. « Audi veut être le premier constructeur à rouler sur la Lune, c’est un gros défi pour les ingénieurs, et il y a aura un gros impact sur les produits dérivés aussi », a-t-il ajouté.
Pour donner de l’espoir aux générations futures et pour la fierté nationale.
« Il ne faut pas négliger le caractère de vitrine très important du spatial. C’est une fierté nationale de réussir de grandes choses désintéressées. Cela remonte le moral et donne de l’espoir aux générations futures », a estimé Francis Rocard. Cette dimension prend une part non négligeable dans la mission lunaire de la startup israélienne SpaceIL, alors que le pays est en plein conflit géopolitique.
Mais c’est aussi le cas pour la Chine : contrairement aux Etats-Unis ou à la Russie, « la Chine n’est pas allée sur la Lune et se poser sur la Lune n’est pas une mince affaire. Même si les Chinois mènent leur programme spatial tambour battant, avec de grands succès comme Chang’e 4, c’est symbolique d’aller sur la Lune », a indiqué le responsable du CNES. L’Empire du milieu compte d’ailleurs envoyer un taïkonaute (spationaute chinois) sur notre satellite naturel vers 2036.
Pour en apprendre davantage sur la Lune et la formation de la Terre.
Dans les échantillons ramenés dans le cadre de la mission Apollo 14 de 1971, les scientifiques ont retrouvé un morceau de la Terre vieux de quatre milliards d’années. Un reliquat d’un tel âge n’a jamais été retrouvé sur Terre. Son analyse devrait permettre d’en savoir plus sur les origines de notre planète. Par ailleurs, on connaît aujourd’hui beaucoup de choses sur la face visible de notre satellite naturel, mais pas sur ses pôles ni sa face cachée. Le retour d’échantillons de la face cachée pourrait permettre de statuer sur le grand bombardement tardif, cette période théorique de l’histoire du système solaire allant de 4,1 à 3,9 milliards d’années avant aujourd’hui, pendant laquelle se serait produite une augmentation des impacts météoriques ou cométaires sur les planètes telluriques dont la Terre et Mars.
Pour pouvoir s’y installer un jour, car la Lune représente notre 8e continent.
Mars n’est la seule planète où les hommes ont déjà envisagé de s’installer. La Lune est en fait considérée comme le 8e continent de la Terre, puisque celle-ci a été formée à partir d’un morceau d’atmosphère terrestre condensé de la Terre, selon une étude publiée dans Journal of Geophysical Research : Planets en mars 2018. Un groupe de chercheurs international travaillant sur l’exploration de la Lune avait d’ailleurs avancé une feuille de route qui indiquait qu’en 2050, environ 1000 enfants devraient être nés sur la Lune.
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Yalayolo Magazine