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Republication du 12 avril 2018
De l’adage populaire “le travail, c’est la santé” au slogan politique popularisé par Nicolas Sarkozy “travailler plus pour gagner plus”, la valeur travail est au coeur de la société française depuis l’avènement du libéralisme dans les années 1950. Le travail est valorisé comme moyen d’émancipation financière vis-à-vis d’un tout puissant État providence. Jusqu’à devenir un marqueur social primordial : le chômage est perçu comme un échec, rester au foyer constitue un choix minoritaire et le type de poste que l’on occupe détermine bien souvent le cercle social dans lequel on évolue… voire même le cercle familial que l’on se construit, puisqu’environ 30% des couples se forment sur leur lieu de travail.
Pourtant, en-dehors de quelques élites, la tendance n’est pas à travailler davantage, bien au contraire. Depuis l’instauration des deux premières semaines de congés payés en 1936 (passées à trois en 1956, à quatre en 1969 pour se stabiliser à cinq semaines depuis 1982), le temps passé au travail n’a eu de cesse d’être réduit par les autorités. Fixée depuis 1936 à 40 heures, la semaine de travail est ainsi passée à 39 heures en 1982, puis à 35 heures en 2000. Ces dernières années, des personnalités aussi différentes que le leader de la CGT Philippe Martinez, la figure de gauche Christiane Taubira, le cofondateur de Google Larry Page ou le milliardaire mexicain Carlos Slim ont publiquement soutenu l’idée de ramener le temps de travail hebdomadaire à 32 heures. Or, nous travaillons moins mais aussi mieux, grâce à l’automatisation des tâches qui a dopé la productivité des travailleurs et contribué à réduire le temps nécessaire pour réaliser une tâche, et mécaniquement la part du travail dans nos vies. “Le temps de travail salarial occupait 40% de la vie des hommes il y a un siècle. Aujourd’hui, il n’en représente plus que 10%…”, souligne Denis Pennel, directeur général de la World Employment Confederation, dans une tribune aux Echos. Dans les prochaines années, la robotisation devrait encore accentuer la baisse du temps de travail pour une part non négligeable des travailleurs. “L’automatisation menace directement la sécurité financière et l’intégration sociale procurées par l’emploi, tout comme la confiscation des terres menaçait directement la subsistance et l’intégration sociale du paysan au XVIIIe siècle”, confirme Jean-Eric Hyafil, membre fondateur du Mouvement français pour un revenu de base, persuadé que “l’emploi se fait de plus en plus rare et ne garantit plus un revenu décent”.
Une redéfinition des priorités
D’autres tendances interrogent elles aussi le lien entre travail et statut social. Le présupposé voulant que la rémunération du travail soit au coeur de notre société est ainsi battu en brèche par les défenseurs du revenu de base, dont les premières évocations remontent à Thomas More, auteur en 1516 d’Utopia. Qu’on le nomme revenu universel, allocation universelle, revenu d’existence ou même revenu citoyen, le revenu de base consiste à verser à tout citoyen d’un pays donné de manière individuelle, indépendamment de sa situation familiale et financière, une somme mensuelle fixe et cumulable avec d’autres revenus, notamment ceux du travail. “Chaque individu aurait la possibilité de travailler ou non, et pourrait occuper son temps comme il l’entend, en se consacrant à une ONG, une association, une activité culturelle ou encore à sa famille”, explique le journal Libération. Le revenu de base rémunérerait en quelque sorte le citoyen, avec l’idée que quelle que soit l’activité qu’il décidera d’exercer, elle sera suffisamment bénéfique pour la société pour mériter une rémunération. Le travail, qu’il soit salarié ou indépendant, ne serait donc plus la seule source de revenus dont les citoyens pourraient jouir.
La notion de lieu de travail comme cercle de socialisation est, elle, remise en question depuis un certain temps déjà par l’essor du travail indépendant et du télétravail mais aussi par le fait que les jeunes employés changent beaucoup plus régulièrement d’entreprise que leurs aînés. Le fameux “bureau” n’est désormais plus un espace relationnel suffisamment structurant pour que les travailleurs s’y ancrent durablement. Les jeunes générations construisent des carrières beaucoup moins linéaires que leurs parents et grands-parents, dans un contexte de chômage de masse. Le travail est aujourd’hui une activité comme une autre, que l’on pratique dans un lieu que l’on peut choisir, par intermittence selon un planning flexible. L’attachement des générations Y et Z à l’équilibre entre vies professionnelle et personnelle en dit long sur le déplacement de leurs priorités du travail vers les loisirs ou d’autres formes d’activité.
Créer de la valeur à l’échelle de la société
Ils anticipent, en fait, une révolution majeure portée par les robots et l’intelligence artificielle. Laurent Alexandre, auteur de La Guerre des Intelligences et spécialiste des nouvelles technologies, estime ainsi que “dans la société de demain, qui va être ultra complexe et avec une intelligence artificielle quasi gratuite, seuls les gens très intelligents seront complémentaires de l’IA” et pourront donc trouver du travail. La connaissance technologique serait ainsi l’un des seuls moyens d’accéder aux nouveaux postes que la robotisation créera, en parallèle des dizaines de milliers qu’elle détruira : ceux dédiés à la maintenance, la gestion, pourquoi pas la formation des robots. Des postes hautement qualifiés réservés à une élite intellectuelle. Mais cela ne signifie pas que d’autres connaissances ne puissent pas être valorisées dans la société de demain. Car repenser la société sans que le travail n’en soit le centre implique également de changer de système de “mesure” de la valeur de l’humain. Laurent Alexandre préconise ainsi de miser sur “les humanités et l’esprit critique” plutôt que sur les apprentissages techniques. Les connaissances et analyses historiques ou philosophiques seront d’autant plus valorisées qu’elles ne pourront jamais être déléguées à un robot, incapable – en l’état actuel de la recherche sur l’intelligence artificielle – d’en saisir toutes les nuances.
Les activités artistiques et créatives constituent, elles aussi, une alternative au travail que la robotisation ne devrait pas pouvoir menacer avant longtemps. La peinture, la danse, la musique mais aussi l’artisanat requièrent des qualités émotionnelles dont les robots comme les intelligences artificielles sont pour l’instant trop peu pourvus.
Il est également probable que, libérés du travail tel qu’on le connaît aujourd’hui, les citoyens dirigent leur énergie et utilisent leur temps à d’autres formes d’engagement : civique, politique ou associatif. Ces activités sont aujourd’hui sous-estimées par notre société, qui reconnaît certes la valeur du don de soi au service des autres mais reste régie par la notion de performance, en contradiction totale avec la temporalité des résultats que produisent les actions civiques, politiques ou associatives. Le basculement de la performance vers l’engagement est justement ce que traduit l’idée de revenu de base, qui permettrait aux citoyens de s’investir dans des activités non rémunératrices mais créatrices de valeur pour l’ensemble de la société. C’est le cas par exemple de l’économie collaborative, qui a émergé ces dernières années sans que ses utilisateurs puissent réellement en faire une source de revenus à part entière.
“L’économie post-industrielle dans son ensemble s’appuie de plus en plus sur l’échange d’informations et de connaissances (…) Il nous faut promouvoir les échanges gratuits de savoirs et l’économie collaborative en général, et c’est ce que favorise le revenu universel”, estime ainsi Jean-Eric Hyafil. La société de demain, plutôt que d’être obnubilée par le travail et la performance, pourrait ainsi bien redécouvrir les rapports humains sous un autre prisme que celui de la rentabilité et de la productivité.
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