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Aujourd’hui, loin du strass et des licornes, j’ai envie de vous partager une tranche de vie. La vie d’un entrepreneur n’est pas “cool, on est notre propre boss, on fait ce qu’on veut”. Derrière chaque homme et chaque femme qui entreprend, il y a souvent une vie de couple sacrifiée sur l’autel de la productivité. Ça m’est arrivé il y a déjà plus de deux ans, et je pense que tout entrepreneur peut se retrouver confronté à ça.
Dans la vie, il y a ceux qui entreprennent et les autres
Mon histoire prend place au début de mon aventure, en pleine lune de miel entrepreneuriale. Le démarrage a quelque chose de grisant, on sort d’une routine salariale et on se met à avoir des ailes. Toutes les choses sont neuves et l’on prend plaisir à conter ce nouveau monde, rempli de possibilités, d’argent “facile” et d’émancipation. Nos amis et notre famille nous poussent dans ce nouvel eldorado car l’herbe y semble plus verte.
Notre entourage rêve pour nous, projette sur nous toutes sortes de désir : “quand tu seras riche, tu pourras…” ou encore “j’ai toujours su que tu avais les capacités pour…”. L’avenir est radieux, chaque rencontre est un moyen de se sentir membre d’un “tout ». Nous y voyons des pairs, des mentors, des personnes à qui on veut ressembler. Nous sommes désormais différents car nous faisons partie des “pionniers”.
Comme un sentiment de déjà vu
Déjà 6 mois sont passés et les saveurs du début s’étiolent au fur à mesure des meetups. Rien n’a changé pourtant… justement, rien n’a changé. En 6 mois, ces personnes, ma “startup family”, semble s’être enracinée dans quelque chose d’étrange. Les sourires sont les mêmes, les pitchs se ressemblent et les promesses ne se concrétisent jamais. J’entends certains, après quelques verres, évoquer de bien plus sombres histoires.
“Déjà 30K de claqués et pas un client”, “Ça fait 4 mois que j’attends son paiement, toujours rien”, “On n’avance pas, et bientôt plus de chômage”. Jour après jour, comme sortie d’une longue nuit d’ivresse, c’est la gueule de bois. Le monde qui m’a fait renaître commence à s’effriter. Mais je tiens bon, je me dis que l’échec c’est pour les loosers.
Je ne sortirai pas ce soir
“Mais ça fait 6 mois que tu ne sors plus… tu avais promis”.
Les yeux de celle qui partage ma vie m’assassinent. Elle semble déçue mais ça n’a pas d’importance : elle ne peut pas comprendre. Mon ordinateur sera mon compagnon de fortune. Encore une nuit à m’esquinter les yeux : refaire les maquettes, finir le dossier, envoyer des mails. Cette nuit je me coucherai seul. Pas pour dormir, mon cerveau a encore mille choses à traiter. La douceur de la nuit laisse place à l’angoisse. Celle qui vient du ventre et qui remonte tout doucement vers le crâne. L’argent, le produit, les clients, payer le loyer, compter les mois avant la fin du chômage… La spirale de m*rde qui te mènera à l’insomnie.
“Demain sera un autre jour”
Tu te lèves fumer une dernière cigarette en espérant attirer le sommeil.
“Alors les vacances, c’est comment”
C’est un mec cerné qui sortira ce soir : tu as l’impression de te présenter sous ton pire jour mais la vie sociale c’est important, au moins ça te fera sortir la tête de l’eau.
“Bon alors, t’en es où ?”
Encore et toujours cette question. Les mots se traduisent par “qu’est ce que tu fous ?”. Tu répondras qu’entreprendre ça prend du temps, que construire un produit et travailler avec des développeurs ne se fait pas en un claquement de doigts. Au fond, c’est encore la même rengaine car tu ne sais pas où tu vas. “Entreprendre c’est fun » qu’il disait”… Tu parles, je n’ose même pas demander de la thune à mes parents car je n’arrive plus à boucler mes fins de mois. Tu rentres frustré, distant.
Elle, toujours à côté, n’a plus vraiment de lien avec toi. Chacun essaie de se battre de son côté mais ça fait un moment qu’on se la joue perso. Entre deux disputes, tu balances un “tu ne comprends rien, ma priorité c’est le boulot”. Tu sens que c’est la phrase de trop, que tu viens de taper dans les fondations du pont alors que t’es encore dessus. Ce soir, tu dormiras mal, mais les 3 pintes de bières t’en feront oublier la cause.
“Demain sera un autre jour”
Oui mais en attendant, j’ai mal au crâne.
Votre sentence est irrévocable
Une réunion de trop, c’est l’annonce. Il faut débrancher la machine. On tourne en rond, on s’enfonce mais personne n’ose prendre les décisions. Tout arrêter c’est avouer qu’on a chié, qu’on a passé les 12 derniers mois à blanc. À faire, défaire, refaire pour rien. La rencontre tardive de clients nous a mis une claque. On faisait fausse route depuis un long moment. Je ne peux m’empêcher de compter toutes les erreurs qu’on aurait pu éviter. Le deuil prendra quelques jours, pour ne pas avoir à se l’annoncer en face, on laissera mourir à petit feu. Malheureusement, la vie et la mort du projet ne rentrent pas en compte dans la vie perso. On ne peut pas invoquer le “deuil de l’entrepreneur” comme une raison suffisante de mise en quarantaine.
Avec Elle, les tensions augmentent jusqu’à l’implosion. Ça fait déjà un moment qu’on ne se comprend plus, alors autant tout foutre en l’air maintenant. La énième dispute se soldera par un “c’est ton boulot ou moi”. Mauvaise question ou mauvaise réponse ?
Là au moins, tu peux réellement donner des airs dramatiques à la situation. La séparation entraînera le tri des meubles et des fréquentations. Surtout à celles qui ne tenaient qu’à la notification d’anniversaire par Facebook. Ce fameux moment où le fil de discussion Messenger est composé d’un :
Et rien d’autre.
Vegan et early morning
À ce moment précis, l’entrepreneuriat va combler le manque affectif. Tu passes par des phases euphoriques où tu te lances dans de nouveaux projets et l’instant d’après, une vague de déprime te cloue au lit (merci l’hypersensibilité). Mais tu n’es pas du genre à te laisser aller et tu cherches des repères chez ceux qui réussissent. “Lève-toi à 6h, fais du sport, médite, arrête de fumer et mange sainement et sans viande, c’est la recette des champions”. Si eux réussissent, pourquoi pas toi ? La reconstruction passe par l’autodiscipline parfois avec pertes et fracas.
Sans base stable, il est facile de tomber dans les extrêmes. Tes lectures t’inspirent, tu performes et tu accomplis des journées de 12h OKLM. Mais ça, c’est sans compter sur une vie sociale : pas le temps. Tu prends toutes les missions de freelance qui te tombent sur la main car à 6 mois de la fin du chômage, tu as une main devant, une main derrière. Mais la vie est fourbe : progressivement les missions remplaceront le sport matinal, puis la méditation. Le cendrier plein sera le constat de ton échec sur l’arrêt de la cigarette. Un fastfood de temps en temps et le manque d’argent te feront dire que “le prix des légumes, c’est abusé”.
La réconciliation
“La vie c’est comme une boîte de chocolat…”
Et un jour, un ami vient te trainer hors de ta tanière. Il est avec une fille. Super, je vais tenir la chandelle. La soirée avance et pour une fois, je n’ai plus envie de parler de startup, de développeur, de client. J’ai envie d’avoir une discussion simple, boire et rigoler “juste pour voir”. Sur le chemin du retour, je m’aperçois que finalement, ces personnes n’étaient pas si “ensemble » que ça. Au moment des adieux, elle me sourit. Quelques rendez-vous plus tard, elle deviendra celle qui partage mon appartement. Quelques ajustement ont été nécessaires avec ma 2e femme et le travail, histoire de ne pas se retrouver dans les trio malsains de Confessions Intimes. C’est avec elle que j’ai enfin pu retrouver le sommeil.
Conclusion
Aujourd’hui, avec le recul, j’ai pu constater 2 choses :
- L’échec est un passage obligatoire vers la réussite,
- L’expérience est une inertie. Que ce soit dans le travail ou ailleurs, du moment que vous êtes en mouvement, les temps de repos ne seront jamais des temps morts mais une prise de recul.
J’ai l’angoisse du vide. Un besoin de remplir par n’importe quoi mes journées pour ne pas me sentir inactif et donc inutile.
J’ai la sensation qu’on ne parle pas assez de la dépression des entrepreneurs, des douleurs qui se cachent sous la carapace. On pense que la facilité donne envie d’entreprendre. Je pense qu’il faut être honnête : entreprendre est difficile. Vous aurez des passages à vide, le risque de perdre votre compagne/compagnon, vous ferez des mauvais choix en étant persuadé que ce sont les bons. Et un matin, peut-être que vous vous réveillerez comme moi, à devoir fermer une boîte alors qu’elle vous a tout coûté ou presque.
Pourtant c’est le retour de toutes ces expériences qui a été à l’origine de mon projet actuel : la Spartan Week. C’est un format difficile et exigeant car il oblige les apprenants à affronter leurs peurs en un temps très court. Comment : en les faisant travailler sur des outils de production. Le résultat est à la hauteur de ce qu’ils ont réalisé.
Je conclurai cet article par une des mes citations préférées :
“Un entrepreneur est quelqu’un qui se jette d’une falaise et construit un avion sur le chemin de la descente”
Reid Hoffman, fondateur de Linkedin
Republication du 4 septembre 2018, article originel publié sur Medium
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