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Renault a confié mardi soir les rênes du groupe au losange à un tandem composé de l’administrateur référent Philippe Lagayette, qui assurera la présidence du conseil d’administration, et du directeur général adjoint Thierry Bolloré, promu directeur général délégué.
Le conseil d’administration du constructeur automobile, ébranlé par l’arrestation de Carlos Ghosn au Japon, n’a en revanche pas voulu destituer officiellement ce dernier de ses fonctions de PDG.
« A ce stade, le conseil n’est pas en mesure de se prononcer sur les éléments dont disposeraient Nissan et les autorités judiciaires japonaises à l’encontre de M. Ghosn. M. Ghosn, temporairement empêché, demeure Président-Directeur général », a déclaré Renault dans un communiqué.
S’il reste PDG, Carlos Ghosn, arrêté lundi au Japon sur des accusations de fraude fiscale et d’utilisation à des fins personnelles de fonds de Nissan et qui pourrait rester incarcéré près de trois semaines, ne peut plus présider le conseil, une tâche que Renault a donc confiée à Philippe Lagayette.
Les administrateurs ont également nommé, à titre provisoire là encore, Thierry Bolloré au poste de directeur général délégué. « Il exercera à ce titre la direction exécutive du groupe, disposant ainsi des mêmes pouvoirs que M. Ghosn », a expliqué Renault.
L’alliance reste la priorité de Renault
Nissan, partenaire de Renault au sein de l’alliance Renault-Nissan-Mitsubishi, a provoqué un coup de tonnerre lundi en annonçant son intention d’évincer Carlos Ghosn de son poste de président. Mitsubishi, troisième partenaire de l’alliance franco-japonaise, lui a emboîté le pas, tout en estimant que l’alliance serait difficile à gérer sans Carlos Ghosn.
Le conseil d’administration de Nissan doit se réunir jeudi pour statuer sur le sort de son président, et celui de Mitsubishi la semaine prochaine.
« Le conseil (de Renault) partage le soutien exprimé par la direction de Nissan au développement de l’alliance Renault-Nissan-Mitsubishi, qui reste la priorité du groupe », a ajouté Renault dans son communiqué.
Mais le renforcement de l’alliance, déjà fragilisée par l’arrestation de son architecte, risque de se heurter aux conclusions de l’enquête de Nissan.
Selon trois sources au fait du dossier, les investigations du groupe japonais sur des malversations présumées de son président se sont en effet élargies pour inclure la structure néerlandaise Renault-Nissan BV, qui supervise les activités de l’alliance, signe que Nissan pourrait chercher de nouveau à réduire l’influence de son actionnaire français sur leur partenariat automobile.
Les accusations de Nissan et l’irruption des attaques en règle du directeur général du groupe japonais contre le règne de Carlos Ghosn, alimentent des craintes sur l’état des relations entre Renault et Nissan, et sur l’avenir de leur alliance scellée trois ans après l’entrée du groupe au losange au capital du constructeur japonais en 1999.
Dans son communiqué de mardi, soir, Renault demande d’ailleurs à Nissan « sur le fondement des principes de transparence, de confiance et de respect mutuel de la Charte de l’Alliance, de lui transmettre l’ensemble des informations en sa possession » sur les enquêtes en cours.
Les doutes apparus sur la solidité de l’alliance ont entraîné une chute de plus de 8% du titre Renault à la Bourse de Paris lundi. Ce recul s’est poursuivi mardi, l’action du groupe français perdant encore 1,19%.
Entretien entre Le Maire et son homologue japonais
L’affaire Ghosn a aussi pris une tournure politique avec les interventions du ministre français de l’Economie, Bruno Le Maire, et de son homologue japonais, Hiroshige Seko, qui ont réaffirmé dans un communiqué commun « leur important soutien » à l’alliance.
Bruno Le Maire a toutefois reconnu que chez Renault, Carlos Ghosn devait s’effacer au profit d’une direction intérimaire, sans aller toutefois jusqu’à réclamer son départ.
Carlos Ghosn « n’est de fait plus en état de diriger le groupe », a-t-il dit en début de journée sur Franceinfo. « En revanche, nous n’allons pas demander le départ formel de M. Ghosn du conseil d’administration pour une raison qui est simple: nous n’avons pas de preuve et nous sommes dans un Etat de droit. »
L’Etat français est le premier actionnaire de Renault avec 15,01% du capital.
Interrogé sur un éventuel volet français de l’affaire, Bruno Le Maire a précisé qu’il n’y avait « rien de particulier à signaler » sur la situation fiscale du PDG de Renault et de Renault-Nissan en France.
Cette crise majeure intervient alors que l’alliance a lancé fin 2017 un tout nouveau plan stratégique visant à renforcer la complémentarité et accélérer les synergies entre les trois constructeurs. L’objectif affiché est de porter les ventes à 14 millions de véhicules en 2022.
Un cadre dirigeant au siège de Nissan a déclaré à Reuters, sous couvert d’anonymat, craindre que le processus de décision ne soit freiné en l’absence de Carlos Ghosn, qui incarnait l’alliance et assurait sa cohésion.
La tempête survient également à un moment crucial pour une industrie automobile engagée dans une course de vitesse pour accélérer l’électrification de ses modèles afin de répondre aux futures normes d’émission et confrontée à des vents contraires en Chine, premier marché mondial du secteur.
La CFE-CGC, premier syndicat de Renault, a publié lundi soir un tract pour exprimer sa préoccupation, demandant à la direction de Renault « de mettre tout en oeuvre afin que soient préservés les intérêts du groupe Renault et de l’alliance ».
« Les liens tissés en 19 ans sont tels qu’un retour en arrière ne serait pas sans conséquences pour chacun des constructeurs », a prévenu de son côté le syndicat Force ouvrière.
Lire aussi : Bruno Le Maire considère que Carlos Ghosn ‘n’est plus en état de diriger le groupe’ Renault — il demande une gouvernance intérimaire
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