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Si on peut considérer que la lutte contre le changement climatique devrait être l’affaire de tous, la Banque centrale européenne (BCE) préfère, elle, ne pas prendre d’initiatives sur le sujet.
Le Luxembourgeois Yves Mersch, membre du directoire de l’institution, a expliqué pourquoi dans un discours prononcé mardi 27 novembre à Francfort et retranscrit sur le site de la BCE.
L’ex-gouverneur de la Banque centrale du Luxembourg a invoqué six raisons, à quelques jours de l’ouverture de la COP24 en Pologne lundi 3 décembre:
Les enjeux climatiques sont trop éloignés de la politique monétaire.
« La littérature économique sur les impacts des chocs climatiques est relativement nouvelle et moins développée que pour d’autres types de chocs économiques », constate Yves Mersch.
Elle suggère que s’ils pénalisent généralement à court terme la production, « les événements climatiques ne sont guère pertinents pour la politique monétaire car leurs impacts sont similaires à ceux associés à d’autres chocs majeurs tels que les guerres ou l’innovation technologique de rupture ».
Les catastrophes naturelles pèsent trop peu sur l’inflation.
Les catastrophes attribuables à l’évolution de notre climat ont peu de répercussions sur l’inflation. Or, la mission principale de la BCE est de maintenir la hausse des prix à un niveau proche de 2%, sans les dépasser.
« Dans l’ensemble, l’impact des catastrophes climatiques sur l’inflation dans les économies avancées semble relativement limité. Alors que les tempêtes et les sécheresses peuvent faire augmenter les prix des denrées alimentaires à court terme, l’effet est de courte durée et s’inverse généralement en un an ».
La BCE ne veut pas contribuer à la formation d’une bulle spéculative sur les actifs financiers « verts ».
« La sous-évaluation des risques liés aux nouveaux produits financiers verts pourrait entraîner des bulles de prix« , prévient Yves Mersch.
Avant d’ajouter: « Une banque centrale ne devrait pas essayer de piquer une bulle spéculative en train de gonfler avec l’épée émoussée de la politique monétaire – les dommages collatéraux sur l’économie et l’inflation pourraient être trop graves. De même, les banques centrales ne doivent pas contribuer à gonfler une telle bulle. »
La BCE ne peut pas privilégier les énergies renouvelables aux dépens d’autres secteurs de l’économie.
Dans le cadre de son programme d’achats d’actifs, la Banque centrale européenne ne peut pas financer en priorité les entreprises investissant dans les énergies solaires ou l’éolien.
« Concentrer les achats sur les obligations vertes irait à l’encontre de l’obligation de respecter le fonctionnement d’une économie de marché ouverte et équivaudrait à une politique industrielle. Le programme d’achats d’actifs est un outil de stabilisation macroéconomique et non de ré-allocation microéconomique. S’écarter de la neutralité du marché et s’ingérer dans les politiques économiques risquent d’exposer la BCE à des litiges », estime l’ex-gouverneur de la Banque centrale luxembourgeoise.
Pour lui, c’est aux gouvernements élus de décider de mesures de soutien à telle ou telle industrie. « L’efficacité de la politique monétaire a été renforcée en s’abstenant de jugements normatifs sur la moralité des marchés et des industries. »
La BCE ne peut pas contraindre les banques à financer la transition énergétique et une économie verte.
« Nous ne sommes pas des régulateurs, ni pour les marchés financiers ni pour les banques. La BCE exerce la surveillance bancaire dans le cadre du mécanisme de surveillance unique (MSU), en vertu de la directive sur les exigences de fonds propres, adoptée par le Conseil de l’Union européenne et le Parlement européen, avec des réglementations complémentaires définies par l’Autorité bancaire européenne, rappelle Yves Mersch.
« Nous ne sommes pas libres de modifier les exigences de fonds propres des banques supervisées pour prendre en compte leurs risques climatiques, ou pour encourager le financement climatique.«
La problématique du réchauffement climatique n’entre pas dans le mandat de la BCE.
« Trouver – ou financer – la solution aux problèmes du changement climatique semble, à première vue, un peu à l’écart du mandat principal d’une banque centrale », considère Yves Mersch.
« Le mandat étroit de la BCE limite sa capacité à apporter une contribution — un fait qui, à mon avis, n’est pas toujours bien compris par nos détracteurs sur le sujet. »
L’avocat luxembourgeois enfonce le clou: « Il ne suffit pas de faire le lien avec des articles de journaux, ni de citer un rapport du Forum économique mondial qui a classé les risques climatiques à la fois comme des événements à fort impact et à forte probabilité pour créer un nouveau mandat ou objectif pour une banque centrale. »
Des « détracteurs » pas convaincus
La Banque centrale européenne se réfugie donc derrière son mandat et justifie son inaction en faveur du climat par la neutralité qu’elle se doit de respecter vis-à-vis des différents secteurs de l’économie. « Aller au-delà de ces conditions strictes saperait notre légitimité, ce qui pourrait menacer notre indépendance future et réduire notre capacité à réaliser notre mandat à long terme », avertit Yves Mersch.
Parmi les obligations privées que rachète l’institution, dans le cadre de son programme d’achats d’actifs, figurent des industries polluantes, comme les groupes pétroliers Total ou Shell. Une situation déjà dénoncée par plusieurs ONG, rappelle Le Monde.
En décembre 2017, plusieurs économistes et personnalités, dont le climatologue Jean Jouzel, avaient proposé dans les colonnes du quotidien un pacte européen pour le climat, suggérant qu’une partie du quantitative easing —programme d’achats d’actifs qui se sera élevé à près de 2600 milliards d’euros au total — soit mis au service du climat.
Selon eux, la BCE pourrait prêter massivement de l’argent à la Banque européenne d’investissement (BEI) pour que celle-ci investisse ensuite dans des projets durables.
Yves Mersch rappelle qu’en vertu du principe de neutralité du marché, la BCE a acheté divers actifs financiers, dont des obligations vertes. « Nous détenons actuellement environ 24% des obligations vertes éligibles émises publiquement et environ 20% des obligations vertes du secteur privé« , a-t-il précisé. Mais ces pourcentages portent sur des montants de seulement 48 milliards et 31 milliards d’euros d’obligations vertes émises par les Etats et les entreprises.
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