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Orange a beau remporter des prix d’opérateur mobile de l’année et disposer d’une communication bien rôdée, l’Arcep n’entend pas se laisser duper. L’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes est revenue à la charge face au groupe français la semaine dernière avec une nouvelle mise en demeure. Orange est accusé de ne pas respecter ses obligations vis-à-vis des autres opérateurs lorsqu’il leur met à disposition la boucle locale, son réseau cuivré historique. L’opérateur risque rien de moins qu’une (nouvelle) amende équivalente à 5 % de son chiffre d’affaires, soit 1 milliard d’euros. Avant d’en arriver là, plusieurs mises en garde ont récemment été formulées à l’encontre de l’héritier de France Télécom. Mais ce dernier ne semble pas vouloir plier face au gendarme des télécoms, ni à céder du terrain à ses rivaux.
Première mise en demeure
L’Arcep publiait le 17 octobre dernier les résultats de sa 19e enquête annuelle d’évaluation de la qualité de service des opérateurs mobiles métropolitains (Orange, Bouygues Telecom, SFR, Free Mobile). L’étude, qui portait sur la navigation web, la lecture de vidéo, le transfert de données, les SMS et les appels vocaux, se basait sur plus d’un million de mesures en 2G, 3G et 4G réalisées sur l’ensemble du territoire, dans tous les départements (à l’intérieur et à l’extérieur des bâtiments) et dans les transports. L’enquête concluait qu’Orange affichait les meilleurs résultats sur l’ensemble de la campagne de mesures, devant ses concurrents. Mais les éloges allaient s’arrêter au mobile.
Quelques jours plus tard, le 23 octobre, l‘Arcep annonçait mettre Orange en demeure de respecter son obligation de qualité de service, en tant qu’opérateur du service universel du téléphone fixe en France. La décision découlait d’une instruction ouverte en juin 2018 : l’Autorité déplorait alors une « dégradation progressive de la qualité de service » de l’opérateur, censé proposer un service de téléphonie abordable et pour tous. La mise en demeure faisait notamment suite à de nombreux signalements de la part d’utilisateurs, mais aussi de collectivités territoriales. Par un arrêté du 27 novembre 2017 du ministre de l’économie et des finances, Bruno Le Maire, l’ancien France Télécom avait été désigné pour trois ans comme opérateur chargé de fournir les prestations « raccordement » et « service téléphonique » du service universel.
Pour étayer ses accusations, l’Arcep citait douze critères de qualité de service précis de son cahier des charges, comme le délai maximum pour traiter 85 % des dérangements d’abonnés. Il devait être de 48 heures, mais ce délai avait atteint 70 heures au premier trimestre 2018, puis 63 heures au deuxième.
« Orange doit rectifier le tir de toute urgence, dès la fin de l’année. Peu importent les moyens, nous voulons des résultats », mettait alors en garde le président de l’Arcep Sébastien Soriano dans un entretien avec Le Figaro. Pour remédier à cette situation, l’Arcep avait alors imposé à Orange des « paliers » à respecter trimestriellement.
Le problème concernait en particulier les zones rurales, où les critiques contre l’opérateur ne sont pas nouvelles. Déja en 2017, des élus de Lozère avaient par exemple déploré « l’effroyable abandon par Orange du réseau de téléphonie fixe et par là, de l’accès à Internet ».
Si la mise en demeure de l’Arcep ne concernait que le téléphone fixe, les implications allaient au-delà. « Dans les faits, d’un point de vue technologique, cela aura un impact sur tout ce qui est supporté par le cuivre, c’est-à-dire aussi bien Internet via l’ADSL que les services de télésurveillance ou les sites touristiques qui sont parfois coupés du monde», a ainsi souligné M. Soriano.
Premier risque d’une sanction d’un milliard d’euros
Orange risquait en théorie une sanction pouvant atteindre jusqu’à 5 % de son chiffre d’affaires national, soit près d’un milliard d’euros. Elle pouvait même monter à 10 % en cas de récidive. « Si l’injonction n’est pas traitée sérieusement, Orange est sanctionnable dès le début de 2019 », prévenait Sébastien Soriano.
Orange avait aussitôt réagi en se disant « conscient des difficultés rencontrées » et se disait « pleinement engagé à mettre tout en oeuvre pour que la situation du service universel revienne à un niveau conforme à ses obligations dès 2019 ».
Pour se défendre, le groupe évoquait notamment des facteurs indépendants de sa volonté « qui se sont multipliés depuis plusieurs mois » : aléas météorologiques, vols de câbles de grande ampleur ou encore travaux d’infrastructure, de forage ou de construction qui sectionnent accidentellement des câbles.
Orange a en outre dénoncé une communication « objectivement erronée » de la part de l’Arcep, et lui a reproché une publication deux jours avant la présentation ses résultats trimestriels. Dans un entretien avec Les Echos, le président-directeur général d’Orange Stéphane Richard avait par la suite annoncé le déploiement d’un plan exceptionnel pour revenir dans les clous en 2019. Celui-ci comprenait le recrutement de 200 techniciens supplémentaires, ainsi que le doublement d’une « force d’intervention rapide », dont les effectifs devraient atteindre 500 salariés au cours de l’année.
Nouvelle mise en demeure, mais un risque de sanction « très hypothétique »
Le 16 janvier, trois mois après cette première mise en demeure, l’Arcep est donc revenue à l’offensive, cette fois-ci pour non-respect de ses obligations en termes de qualité sur les offres de gros à destination du marché entreprises, mais également concernant l’accès à la boucle locale. La décision suivait d’un jour une plainte déposée par le député LREM du Gard Olivier Gaillard contre Orange pour « atteinte grave, manquements répétés et discriminatoires à l’obligation de garantir l’égal accès au service universel, la continuité, et l’adaptabilité de ce service ».
Je dépose plainte ce jour contre @orange pour atteinte grave, manquements répétés et discriminatoires à l’obligation de garantir l’égal accès au service universel, la continuité, et l’adaptabilité de ce service. @bleugardlozere @totem_radio @Midilibre @objectifgard @F3Languedoc pic.twitter.com/9Q13jRcqfi
— Olivier Gaillard (@OliveGaillard30) 15 janvier 2019
La mise en demeure de l’Arcep, en date du 18 décembre mais publiée mi-janvier, reproche à Orange de ne respecter la date de livraison d’une ligne de cuivre, dans le cas du marché de gros destiné aux entreprises, que dans 80% des cas durant l’année 2018, alors que l’objectif était à 90%.
L’Arcep a également reproché à l’opérateur, sur la boucle locale cette fois, une « qualité de service dégradée de façon significative » et des délais de dégroupages qui « atteignent des niveaux anormalement élevés » , aux dépens des opérateurs concurrents.
Contacté par FrenchWeb, Orange a réitéré ses propos : la « dégradation est principalement liée à des facteurs exogènes ».
L’autorité a également demandé au groupe de M. Richard de rentrer dans les clous avec des seuils à respecter chaque trimestre de 2019, faute de quoi l’amende serait infligée. Pour l’opérateur français, le risque de sanction est toutefois « très hypothétique, surtout si, grâce à nos efforts, on revient dans les clous ». Le groupe précise en outre qu’il « a des contrats privés sur le marché de gros et paye des pénalités s’il y a des manquements contractuels ».
Comme pour la première mise en demeure, plusieurs indicateurs seront vérifiés (voir annexes A et B de la décision de l’Arcep du 18 décembre, pages 47 et 48) par l’Autorité, à la fin du premier trimestre 2019. Dans un cas comme dans l’autre, le régulateur a imposé à Orange de « respecter des valeurs intermédiaires, dès le premier trimestre, menant au respect des objectifs définis ». Dans sa décision, l’Autorité a rappelé que l’opérateur historique « doit répondre aux demandes raisonnables d’accès relatives au marché de gros des accès de haute qualité avec une qualité de service élevée, susceptible d’assurer l’effectivité de l’accès » aux autres opérateurs. Concernant la boucle locale, Orange est tenu d’ « assurer l’effectivité de l’accès en garantissant aux opérateurs tiers la capacité de fournir leurs propres offres dans des conditions appropriées ».
Un plan d’action insuffisant ?
Si Orange a bien mis en place un plan d’action (qui inclut un volet opérationnel et un volet budgétaire) pour l’amélioration de la qualité de service, tant sur les aspects production que SAV des prestations de gros sur le réseau cuivre, l’Arcep a indiqué ne pas considérer que ces mesures « soient suffisantes pour remédier à l’ampleur de la dégradation de la qualité de service observée ». En plus de constater que des effets correctifs annoncés en 2017 pour une échéance à l’horizon 2018 n’ont à ce jour « pas donné lieu à une amélioration des indicateurs », l’Autorité a noté que les nouvelles mesures « n’ont en tout état de cause pas d’incidence sur la qualification du manquement d’Orange à ses obligations qui est constaté à date ».
Orange a, à l’inverse, soutenu à FrenchWeb que la mobilisation porte ses fruits sur le service universel : « sur les sept indicateurs de la mise en demeure de l’Arcep, nous sommes à l’objectif pour les mois de novembre et décembre ». Concernant le recrutement de 200 techniciens supplémentaires, 90 % des offres de poste ont été publiées et le groupe indique étudier des centaines de candidatures. La majorité des recrutements devraient être conclu d’ici la fin du mois de mars. L’opérateur a également décidé de nommer une « vigie du SU » dans chaque unité d’intervention pour prioriser les interventions sur le service universel.
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Yalayolo Magazine