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Les défis des marques pour capter l’attention sont plus nombreux que jamais. Pour concevoir des campagnes mémorables, les annonceurs et leurs agences doivent désormais appliquer de nouvelles recettes, sans oublier les bases.
« Pour rendre une campagne mémorable, il faut orchestrer deux facteurs : le média et la création », résume François Lienart, directeur des études de l’agence My Media, qui détaille : « La façon dont les publicitaires construisent un discours narratif doit répondre à nos schémas cognitifs : il faut quelques millisecondes pour que le cerveau détecte une information, puis quelques secondes de plus pour évaluer si l’information mérite un stockage à plus ou moins long terme ». En 2017, AOL et illigo ont ainsi fait le lien entre émotion et mémorisation : 300 personnes ont été exposées à huit spots publicitaires et étudiées avec la reconnaissance faciale. Conclusion : plus l’émotion générée est forte, plus la mémorisation du message est élevée. De toutes les émotions, la joie est celle qui suscite le plus d’efficacité. Mais, pour générer de la mémorisation, la qualité de la création est rarement suffisante : la répétition du message devient alors clé. « Raconter quelque chose en trente secondes est extrêmement compliqué. Alors qu’en répétant le message, il est possible de faire entrer les gens dans l’histoire », explique le publicitaire Gilles Fichteberg, cofondateur et directeur de la création de Rosapark, à l’origine, notamment, de la campagne anniversaire de Monoprix, « #LaitDroleLaVie », en 2017. Celle-ci a marqué les esprits malgré son tout petit plan média, avec seulement 15 diffusions en télévision… mais un format de 4 minutes, qui permettait d’installer l’histoire.
En télévision comme en digital, le « capping » optimal – le nombre maximal de fois où un individu sera exposé à un même message – est à prendre en compte : inutile de sur-exposer sa cible à une campagne, au risque de dépenser son budget média en pure perte, voire de susciter le rejet à cause d’une pression publicitaire trop importante. Un numéro d’équilibriste, notamment dans le digital, car comme l’explique Franck Farrugia, président de l’agence Re-mind PHD : « Avant de pouvoir espérer être mémorisé, il faut déjà être vu. Et si la campagne n’est pas comprise, il n’y a aucune chance qu’elle soit attribuée ». Et de souligner : « En télévision, les règles de mémorisation et d’attribution sont maîtrisées depuis longtemps, mais elles sont plus que jamais d’actualité. En ligne, nous recherchons des environnements où les temps d’exposition sont longs et les contextes propices à la mémorisation. C’est un exercice de media planning bien spécifique ».
Les nouvelles lois de l’attention
Les réseaux sociaux et le mobile ont en effet imposé de nouveaux usages de consommation média. Avec les fils d’actualités, le scroll infini est devenu la norme et les temps d’exposition aux campagnes sont réduits. Quant aux campagnes achetées en programmatique, la maîtrise du contexte d’exposition est souvent complexe. Comment émerger dans ce flux de contenus textes, visuels et vidéos souvent indifférenciés ? « Nous utilisons les différents outils du marché pour mesurer la visibilité des formats, en nous appuyant notamment sur le nouvel indicateur qu’est la durée d’exposition. Mais il s’agit d’un indicateur cumulé : pour 10 secondes d’exposition sur une vidéo, on ne sait pas si l’individu l’a visionnée pendant 10 secondes d’affilée ou 10 fois une seconde. La création doit donc permettre à l’annonceur d’être très vite identifiable », souligne Jeremy Fritsch, directeur des opérations digitales chez Re-mindPHD. Afin de maximiser la mémorisation des campagnes vidéo sur mobile, Facebook fournit une série de conseils à ses annonceurs : montrer la marque ou ses éléments de reconnaissance (logo, égérie, mascotte…) dès les trois premières secondes ; adopter le format vertical, pour occuper un maximum d’espace sur l’écran ; avoir en tête que la plupart des vidéos ne sont vues que quelques secondes, souligne Brice Vinocour, Marketing Manager chez Facebook France, qui prend en exemple les campagnes Actimel de Danone : « La marque est identifiable rapidement, les vidéos ont été créées de manière à pouvoir être visionnées sans le son, à la verticale et avec une narration dynamique. » Autre annonceur mis en avant dans ce domaine : Louis Vuitton, qui a généré une augmentation de 28 points de la mémorisation publicitaire avec une campagne de Stories Instagram créées directement au format vertical.
Quant aux campagnes « carrousel », qui intègrent une série d’images fixes, leur logique créative doit se rapprocher de celle de l’affichage. La clé du succès : un texte et un visuel qui intriguent, pour espérer arrêter le scroll de l’utilisateur. Et une marque (ou ses attributs) bien visibles, pour favoriser l’attribution et la mémorisation.
Les quatre questions d’Heineken
« Le mobile est le nouvel affichage, vous n’avez pas le temps de construire une histoire, il faut tout donner dès le début », expliquait Ron Amram, le Vice President of Media d’Heineken, lors d’une intervention au Web Summit de Lisbonne. « Nous créons des contenus faits pour le mobile, verticaux, qui remplissent tout l’écran et qui se jouent sans le son, souvent avec une célébrité pour capter l’attention. Mais vous arrivez toujours à comprendre l’histoire que nous voulons raconter. » Ron Amram invite d’ailleurs ses collaborateurs et agences à se poser quatre questions avant de publier une campagne sur Facebook : « le contenu capture-t-il l’attention dès les premières secondes ? », « le message clé est-il compréhensible sans le son ? », « la création est-elle adaptée au format mobile ? », « le message de la marque est-il bien véhiculé ? » Car oui, émerger et être mémorisé, c’est bien, mais encore faut-il que ce soit pour de bonnes raisons… Dans son étude « Cameleon », menée en 2017, Publicis Média notait ainsi que les formats vidéos « non évitables » et « non skippables » avaient des taux de mémorisation supérieurs aux autres formats. Mais au détriment de l’expérience utilisateur et des indicateurs « business »… En 2016, Numbate, LesMobilizers, Dentsu Aegis Network et la Mobile Marketing Association France avaient étudié les formats plébiscités par les mobinautes : sans surprise, ceux qui respectaient l’utilisateur, en évitant d’être trop intrusifs, étaient privilégiés.
Pour concilier impact publicitaire et respect des internautes, l’IAB livre d’ailleurs des recommandations aux annonceurs qui communiquent en vidéo et display : le son doit être désactivé par défaut lorsque la vidéo se déclenche en autoplay, les vidéos doivent intégrer un bouton « play/stop », les animations doivent se déclencher au clic ou au passage de la souris, et un bouton de fermeture doit être présent. Depuis 2017, de nombreux médias français ont aussi mis en place leur label « Digital Ad Trust », qui garantit notamment le respect de l’expérience utilisateur (« UX »).
Le « bêta » de mémorisation remis au goût du jour
Autre élément à prendre en compte : tous les médias n’ont pas le même impact sur la mémorisation. Dans les années quatre-vingt, Armand Morgensztern présentait le « bêta » de mémorisation qui porte son nom. En 2018, le département Business Intelligence de Dentsu Aegis Network le mettait à jour : celui-ci fixe à 18,4 % le bêta pour la télévision. Ce taux traduit le pourcentage d’individus qui, en moyenne, après avoir été exposé une seule fois au message à la télévision, a mémorisé le message de la marque. Pour la vidéo en ligne, ce bêta actualisé est de 5,7 % (contre 4,3 % en 2008), mais il peut monter jusqu’à 18 %, pour certaines campagnes optimisant le taux de visibilité et les qualités créatives du message. Les marques qui veulent maximiser leur taux de mémorisation doivent miser sur la qualité de la création et de la diffusion.
L’agence My Média travaille aussi sur un nouvel indicateur évaluant l’Attention -Alpha- et réactualisera simultanément les bêtas de mémorisation avec une méthodologie inédite. Harris Interactive a ainsi interrogé 4 000 Français sur leur niveau d’attention face à la publicité (alpha) sur différents segments médias (TV historique, TNT, TV payante, replay, radios généralistes, musicales, presse quotidienne nationale et régionale, presse magazine, presse gratuite, affichage, cinéma, digital bannières, vidéo pré roll et In stream). Puis, My Media a modélisé, à partir de ses données et algorithmes LeadsMonitor, le facteur alpha par chaînes TV et par tranche horaire. Résultats : « En télévision, l’attention et la mémorisation sont plus contrastées que ce que nous évaluions jusqu’ici avec le bêta de mémorisation historique, explique François Lienart. En radio, c’est plus surprenant : on observe des valeurs bien plus importantes qu’à l’époque des calculs d’Armand Morgensztern. Le seul média qui décroche est le cinéma. » Le smartphone et/ou les habitudes d’entrées en salle auraient-ils eu un impact significatif sur la mémorisation des publicités ? Et le digital ? « Le bêta du digital est plus proche du score attribué à la radio historiquement, mais la diffusion via les réseaux sociaux améliore légèrement la mémorisation. »
L’orchestration média, clé de la mémorisation
Pour certaines cibles, comme celles des « petits consommateurs TV », la stratégie média doit aussi associer les canaux pour renforcer la mémorisation : affichage, vidéo en ligne ou campagnes sur mobile sont alors mobilisés en compléments. « Les petits exposés TV vont avoir des niveaux de répétition plus faibles que la moyenne : il faut donc imaginer pour eux des spots qui ont un impact publicitaire plus fort, qui peuvent être mémorisés avec moins de répétitions », précise Franck Farrugia. Bonne nouvelle : les solutions de reciblage à travers différents médias se développent et facilitent la tâche des annonceurs et de leurs agences.
Les annonceurs ont aussi de nouveaux moyens de mesurer l’impact de leurs campagnes, y compris en télévision : en plus des pré-tests ou des tests de perception traditionnels, qui restent coûteux et ralentissent les processus de création, il est aujourd’hui possible d’analyser l’effet d’une campagne en quasi-temps réel, en mesurant les volumes de recherche en ligne ou le trafic sur le site de l’annonceur. Cette « hybridation » croissante entre télévision et digital ouvre de nouvelles possibilités pour maximiser la mémorisation, en attendant l’avènement de la télévision adressée, qui devrait permettre des ciblages plus fins des spots et des créations, en fonction des cibles.
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