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Ces dernières années, les entreprises tech les plus influentes au monde — de Google à Facebook en passant par Microsoft — se sont focalisées sur l’intelligence artificielle et comment celle-ci pourrait être intégrée à presque tous leurs produits. Google a rebaptisé sa division recherche en « Google AI » avant sa conférence de développeurs cette année, où l’IA avait une place centrale. Mark Zuckerberg a lui détaillé, lors de la conférence F8 en mai, comment Facebook utilise l’IA dans le but de réprimer les discours de haine sur sa plateforme.
Le marché de l’IA est en pleine expansion, tandis que les grandes entreprises continuent d’investir dans des dispositifs logiciels cognitifs. Selon l’IDC (International Data Corporation), les dépenses globales sur les systèmes d’intelligence artificielle devraient atteindre les 77,6 milliards de dollars en 2022, soit plus de trois fois les 24 milliards de dollars prévus en 2018. Mais l’industrie a encore un long chemin à parcourir, et une grande partie de son évolution pourrait dépendre de la capacité des acteurs du secteur industriel et académique à trouver le moyen de doter les algorithmes informatiques de capacités d’apprentissage semblables à celles d’un humain.
Les systèmes utilisés par l’intelligence artificielle, si l’on se réfère aux algorithmes utilisés par Facebook afin de détecter du contenu inapproprié, ou encore aux assistants virtuels Google ou Amazon qui alimentent vos enceintes connectées, ne peuvent toujours pas appréhender un contexte de la même manière que les humains peuvent le faire.
Une telle avancée pourrait être essentielle pour Facebook, qui intensifie ses efforts pour détecter le harcèlement en ligne et identifier le contenu lié au terrorisme sur ses plateformes.
« Il y a des cas très évidents où l’IA peut être utilisée pour filtrer du contenu, ou au moins pour permettre aux modérateurs de décider quel contenu filtrer », a déclaré Yann LeCun, responsable de l’IA pour Facebook AI Research, dans un récent entretien avec Yalayolo Magazine. « Il y a un grand nombre de cas où l’on fait face à un discours haineux, mais il n’y a pas de moyen facile de le détecter à moins d’avoir un contexte plus large… Pour ce problème, la technologie actuelle de l’IA est encore assez limitée. »
Il faudra s’assurer, pour l’avancée de l’intelligence artificielle et particulièrement du deep learning, que le matériel informatique est capable de la supporter. C’est le grand thème que Yann LeCun a abordé à la conférence internationale Solid-State Circuits ce lundi, où il a également annoncé un nouveau travail de recherche mettant en exergue les tendances clés qui seront importantes pour les fournisseurs de puces et les chercheurs au cours des dix prochaines années. « Tout ce qu’ils construiront va influencer l’avenir de l’IA sur les dix prochaines années » a-t-il déclaré.
En amont de la conférence, Yann LeCun avait discuté avec Yalayolo Magazine des perspectives pour l’IA, ce qu’elle pourrait apporter à nos appareils du quotidien, son état actuel et les plus gros défis auxquels elle doit faire face. Voici quelques points importants à retenir de notre conversation:
Les machines doivent mieux gérer leur consommation d’énergie afin que l’IA s’améliore
Imaginez un aspirateur qui serait non seulement assez intelligent pour nettoyer votre salon en faisant en sorte de ne pas nettoyer deux fois au même endroit mais également capable d’éviter les obstacles pour ne pas s’y heurter. Ou encore une tondeuse qui pourrait éviter les parterres de fleurs et les branches de manière intelligente lorsqu’elle tond votre pelouse.
Pour que des gadgets de cette sorte fonctionnent et deviennent monnaie courante, il faudrait en plus des technologies dans lesquelles les géants tels que Facebook et Alphabet investissent, comme la réalité augmentée ou les voitures autonomes, un matériel informatique à faible consommation d’énergie, selon Yann LeCun.
Une telle amélioration est non seulement nécessaire au développement de ces technologies mais également pour améliorer la façon dont les entreprises comme Facebook identifient le contenu de photos et vidéos en temps réel. Comprendre ce qui se passe dans une vidéo, transcrire cette activité en texte et traduire ce texte dans une autre langue afin que l’on puisse la comprendre partout dans le monde, cela requiert une « énorme » quantité d’énergie informatique, affirme Yann LeCun.
Nous continuerons à voir les avancées de l’IA dans les smartphones à moyen terme avant que les améliorations ne soient visibles partout
Yann LeCun a déclaré qu’au cours des trois prochaines années, la plupart des smartphones seront doté d’une IA directement implantée dans les pièces à l’intérieur de l’appareil, via un processeur dédié à cet effet, ce qui rendra des options telles que la traduction vocale instantanée beaucoup plus prévalantes dans les smartphones.
Ce n’est probablement pas une surprise pour les personnes qui ont observé l’industrie du smartphone ces dernières années, puisque des sociétés telles qu’Apple, Google et Huawei ont incorporé l’IA de manière régulière dans leurs appareils mobiles, ce qui va permettre l’apparition de « toutes sortes de nouvelles applications », selon Yann LeCun.
Donner du « bon sens » aux machines sera le principal focus de la recherche IA au cours de la prochaine décennie
Alors que l’apprentissage du monde se fait pour les humains via des observations générales, les ordinateurs sont eux entrainés à effectuer une tâche bien précise. Si vous voulez concevoir un algorithme qui sait détecter un chat sur une photo, vous allez devoir l’aider à comprendre à quoi ressemble un chat en l’exposant à une base de données importante, qui inclurait des milliers de photos estampillées comme contenant des chats. Mais le Saint-Graal de cette prochaine décennie qui permettra de faire avancer l’IA sera de perfectionner la technique dite du self-supervised learning (auto-apprentissage), selon Yann LeCun. En d’autres termes, permettre aux machines de mieux comprendre le fonctionnement du monde à l’aide de données plutôt que leur apprendre simplement à résoudre un problème en particulier — comme identifier des chats.
« Si nous entraînons réellement [les algorithmes] à faire cela, la capacité des machines à saisir un contexte et à prendre des décisions plus complexes va considérablement progresser », a déclaré Yann LeCun, qui a ajouté que cette technique ne fonctionne actuellement que de manière fiable pour le texte, mais pas pour des vidéos ni des images. Une telle innovation pourrait être ce dont des sociétés telles que Facebook ont besoin afin d’améliorer leur système de modération de contenu sur les plateformes, même si l’on ne sait pas encore quand cette solution va survenir, dit Yann LeCun : « Ce n’est pas quelque chose qui va arriver du jour au lendemain ».
Version originale : Yalayolo Magazine/Lisa Eadicicco
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