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Les matériaux capables de cicatriser, c’est-à-dire de faire disparaître des fissures ou des déchirures sans intervention extérieure, constituent une sorte de graal après lequel courent de nombreux laboratoires. L’un d’eux est parvenu à réaliser un matériau prometteur et qui peut même servir de capteur de pression et de flexion. Idéal pour une peau de robot, entre autres applications.
À l’université de Stanford aux États-Unis, Zhenan Bao et son groupe viennent de présenter un matériau grisâtre, assez mou, et doté d’une propriété spectaculaire. Si on le coupe en deux morceaux puis qu’on les rapproche, les bords de ces deux moitiés se recollent spontanément jusqu’à faire disparaître la cicatrice, au point de récupérer les propriétés initiales de résistance mécanique. De plus, ce polymère est (faiblement) conducteur et sa résistance électrique varie lorsqu’on lui inflige une pression ou une déformation. On peut admirer ce tour de force sur une vidéo montrant cette véritable cicatrisation.
La notion de peau artificielle n’est pas loin et les chercheurs titrent d’ailleurs leur publication scientifique dans Nature Technology en parlant de « properties for electronic skin applications », c’est-à-dire de propriétés utiles pour réaliser une sorte de peau pour systèmes électroniques.
Cette voie de recherche est ardemment explorée aujourd’hui. De nombreux chercheurs travaillent sur les matériaux autocicatrisants, comme Jeffrey Moore qui a inventé un plastique qui fait voir ses fissures. En France, l’équipe de Ludwik Leibler (ESPCI, École supérieure de physique et de chimie industrielles de la ville de Paris) a déjà montré une matière plastique autocicatrisante, avant de présenter le vitrimère, sorte de caoutchouc façonnable comme du verre.
Une cohésion retrouvée grâce aux liaisons hydrogène
Le groupe de Zhenan Bao s’est déjà fait connaître en 2011 avec un matériau souple qui capte une pression exercée sur lui. Comme un certain sens du toucher. Ce prototype, complètement différent, exploitait les propriétés des nanotubes de carbone.
Le matériau présenté aujourd’hui par l’équipe de Stanford cumule les deux fonctions : sensibilité et cicatrisation. Il est réalisé avec des polymères organiques agencés en structures supramoléculaires, grâce à des liaisons hydrogène (comme celles qui attirent entre elles les molécules d’eau liquide) qui maintiennent ensemble les molécules organiques. C’est la clé de la cicatrisation : entre les lèvres d’une déchirure, ces liaisons peuvent se reconstituer.
Pour rendre le matériau conducteur, les chercheurs ont ajouté du nickel, sous forme de petites particules métalliques, ce qui augmente aussi la résistance mécanique. Quand le matériau est déformé, les particules de nickel changent de place les unes par rapport aux autres et l’électricité passe différemment entre elles, d’où une modification de la résistance électrique. Les scientifiques observent une réduction de cette résistance quand s’exerce une flexion ou une pression. Voilà donc le moyen de mesurer une déformation…
Des applications en robotique, en médecine…
La cicatrisation semble bien fonctionner : après une déchirure, la conductivité est récupérée à 90 % en 15 secondes et les propriétés mécaniques sont partiellement retrouvées en 10 minutes, et à 100 % après une demi-heure. Cette capacité à se réparer semble maintenue après une cinquantaine de blessures au même endroit.
Les chercheurs sont satisfaits de leur prototype mais soulignent que le nickel, s’il augmente la résistance mécanique et la conductivité électrique, réduit l’efficacité de la cicatrisation. Il leur faudra encore quelque temps pour ajuster la composition de ce matériau composite…
En revanche, les applications de cette peau artificielle sont aisément imaginables : en robotique, pour donner une sensibilité au toucher, ou en médecine, pour la réalisation de prothèses autoréparables et conférant peut-être une certaine sensibilité. Quant aux mécaniciens, ils sont toujours preneurs de matériaux capables de faire disparaître criques et fissures, ou de fournir en direct des informations sur les contraintes mécaniques qu’ils subissent.
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