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Coup de frein brutal sur le business du bio en 2021. En recul de 3,1% par rapport à 2020 (-6% sur les oeufs, -7% sur le lait, -11% sur les fruits et légumes, -12% sur le beurre, -19% sur la farine)(1), les ventes en valeur régressent, en particulier dans la grande distribution, après plusieurs années de forte croissance et jettent le trouble. Alors qu’une surproduction menace concrètement des exploitations agricoles, prenons un peu de recul pour analyser ce renversement de tendance.
Comparer 2021 à 2020 comporte déjà un premier biais. L’année 2020 a été marquée par des épisodes de confinement qui ont dopé artificiellement l’offre bio. En effet, face à des rayons pris d’assaut, certains consommateurs ont acheté des produits bio dont ils n’étaient pourtant pas consommateurs. Mais allons un peu plus loin dans les explications.
Déminons un présupposé : non, demain, tout le monde ne consommera pas bio !
Le bio est souvent présenté comme l’alternative star en matière de consommation en opposition à l’offre dite « conventionnelle ». Derrière ce choix binaire, le bio a bénéficié d’une véritable sur- médiatisation s’attirant les foudres de ses plus virulents détracteurs.
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Le bio, un phénomène médiatique.
Ainsi, on a cru que le mouvement serait non seulement sans fin, mais qu’il pourrait entrainer l’ensemble de la consommation. En invoquant, sondages à la clé (« 9 français sur 10 consomment des produits bio »(2)), des français toujours plus accros au bio, on a confondu au passage les occasionnels avec les exclusifs.
L’offre alimentaire s’est alors développée à un rythme effréné via le réseau de la grande- distribution avec des offres parfois jusqu’à deux fois plus chers que le conventionnel, mais en revanche avec des performances en rayon franchement en deçà. Le bio, qui rencontre ses meilleurs performances sur les offres de produits frais ou le plus brut possible, s’est parfois même dilué dans certaines catégories où sa valeur ajoutée pouvait poser clairement question.
Dans l’angle mort, le décalage entre nos aspirations de citoyens portées par les sondages et nos actes de consommateurs dont la variable n’est autre que la contrainte du pouvoir d’achat de plus en plus sous tension. En témoigne un recul du bio chez les ménages les plus modestes déjà sous-consommateurs de bio alors que dans un sondage de 2021, 80% des français envisageaient de maintenir leur consommation de produit bio et ce malgré la crise (3).
Eclaircissons un malentendu : le bio, une aspiration qui dépasse un simple label
Alimentés par ce récit puissant autour du bio, les consommateurs projettent dans cette voie des aspirations nombreuses et diverses. Ces aspirations qui se combinent (santé et environnement mais aussi restriction des additifs, origine France, justice sociale, bien-être animal(4)) se trouvent alors confrontées parfois à certains paradoxes.
Les consommateurs projettent énormément d’attentes dans le bio.
On peut ainsi trouver des produits bio provenant de l’autre bout de la planète ou avec beaucoup d’emballage plastique ou encore pas franchement nutritionnellement correct.
En parallèle de cela, de nouvelles offres se sont développées avec des promesses autour du local, de l’équitable, du bien-être animal ou encore du durable. Autant de nouvelles concurrences pour l’offre bio pour des consommateurs aux aspirations toujours plus spécifiques et segmentées.
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La concurrence avec l’offre locale est certainement la plus forte, car elle apporte une réponse au besoin de réassurance en jouant la carte de la proximité et de l’incarnation, ce qui est une véritable tendance de fond pour restaurer la confiance.
En face, les consommateurs toujours plus défiants, accordent un indice de confiance de 6,1/10 en 2020 selon l’agence Bio.
Côté production : un modèle de « conversion » ultra impliquant
Il faut également chausser les bottes et revenir dans les champs pour comprendre ce modèle de production très exigeant et surtout moins rémunérateur avec des rendements plus faibles et une exposition plus forte aux aléas climatiques pour des agriculteurs qui se lancent souvent par convictions personnelles fortes dans ce que l’on appelle la « conversion ».
Bruno Parmentier, expert de l’agriculture et de l’alimentation souligne le fait qu’en se convertissant au bio « on va travailler davantage, avec plus de risques et d’incertitudes et au final souvent, on gagnera moins, malgré les subventions ». Selon lui, pour connaître la marge de progression du bio en France, il faut regarder du côté de la Suisse et l’Autriche, où le bio représente 15 à 20% de parts de marché (5).
Le bio est confronté au risque de conformisme marketing
Le bio s’est développé à l’origine via des marques spécialistes dans des réseaux spécialisés, mais aussi par les marques de distributeur de la grande distribution qui y ont vu un levier stratégique en termes d’image globale. Le développement récent a été réalisé quant à lui par les marques dites conventionnelles qui ont choisi de se décliner en bio. Mais ce contexte de démocratisation de l’offre questionne à la fois la profondeur de l’offre et la façon dont la marketer.
Les enseignes de la grande distribution ont déjà commencé à rationaliser les assortiments en privilégiant des tailles d’offres plus courtes autour de leurs propres marques de distributeur et des versions bio de produits « conventionnels » historiquement installés, privilégiant ainsi les marques leaders ou celles arrivées en premier sur le segment. Les enseignes développent également des assortiments d’offres locales, pouvant ne pas être bio.
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Multiplication des signes de réassurance sur les offres bio
Le bio est devenu une véritable marque avec ses codes de mises en scène graphique et de narration, un véritable repère mental sur les marchés de grande consommation. Comme sur de nombreux sujets, la question de la confiance est clef. Quel tiers de confiance est le plus légitime pour rassurer le consommateur ? Le label AB censé authentifier l’offre se trouve complété par des marques et par une foule de réassurances qui frôle parfois l’overdose, rendant l’acte d’achat complexe. C’est sans compter la dimension plaisir qui là encore reprend toute sa place comme driver clef de l’alimentaire. Exit donc les discours trop techniques ou rigoristes, place à un bio qui a du goût, qui doit être gourmand, voir ludique. Au final, en empruntant tous les codes de l’offre conventionnelle (je ne parle même pas de la promo), il y a un risque de dilution de l’offre bio dans une forme de conformisme marketing aux antipodes des ambitions de rupture du départ.
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Ce récent coup de frein sur le bio doit nous alerter sur le réel coût de nos exigences alimentaires. Mieux manger, que cela passe par le bio, le local ou encore le moins transformé, a un coût, nous devons en prendre conscience. Le bio, comme modèle agricole plus vertueux, se trouve confronté aujourd’hui à l’épineuse question de la massification de son modèle. Peut-on vraiment concilier masse et qualité ? C’est clairement le challenge de la transition alimentaire qui se profile devant nous avec un risque majeur, la fracture alimentaire. Ce qui est désormais certain c’est que cela passera par le bio, une des grandes voies, mais certainement pas la voie unique.
Sources : IRI (1), Agence Bio Spirit Insight (2)(3)(4), Nourrir Manger (5)
Par Stéphane Brunerie, Créateur du Sens de l’Alimentation et rédacteur en chef de StripFood, le média qui déshabille le food.
L’ancien directeur marketing des biscuits St Michel et créateur du média Stripfood se lance dans l’entrepreneuriat. Il crée Le Sens de l’Alimentation, une entreprise qui veut accompagner les acteurs de l’agro-alimentaire et du monde agricole face aux enjeux de transformations des modes de consommation.
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