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Scrutés dans leurs moindres faits et gestes, les patrons milliardaires apportent un soin extrême à leur communication, tout en adoptant des stratégies radicalement différentes. Du fantasque Elon Musk au très réservé Bernard Arnault, en passant par Steve Jobs ou Jeff Bezos, tour d’horizon de ces grandes fortunes qui sculptent leur image pour la postérité.
Elon Musk parviendra-t-il à racheter Twitter ? Après avoir annoncé son entrée tonitruante au capital de l’entreprise américaine, le fantasque milliardaire a semblé, vendredi 13 mai, vouloir faire machine arrière – du moins, selon lui, tant que la question de la proportion de « faux comptes » actifs sur le réseau social ne serait pas tranchée. Une péripétie de plus dans le véritable vaudeville qui tient, depuis plusieurs semaines, la planète tech en haleine ; ainsi qu’une illustration supplémentaire du caractère haut en couleur de l’homme le plus riche du monde (219 milliards de dollars) qui, au-delà de son incontestable génie des affaires, a su s’imposer comme un communicant aussi redoutable qu’irascible.
Suivi sur Twitter par plus de 93 millions de followers, Musk y cultive, à coup de plusieurs publications quotidiennes, son image de patron « cool » et provocateur à l’envi. Accro aux réseaux sociaux, le fondateur de Tesla et SpaceX en a fait son mode de communication privilégié, n’hésitant pas à partager avec ses fans tant ses réflexions personnelles que ses interrogations stratégiques et industrielles. Si sa com’ intuitive et spontanée a beaucoup fait pour l’image de marque d’Elon Musk, son aspect anti-conformiste a néanmoins pu, à l’occasion, se retourner contre son auteur. Ainsi lorsque l’homme d’affaires a fumé, lors d’un entretien accordé en 2018 à une chaîne YouTube, un joint de marijuana en direct, s’attirant les foudres immédiates de la Nasa, qui n’a pas hésité à diligenter une enquête de sécurité chez SpaceX.
Jeff Bezos, ou de la difficulté de fendre l’armure
A double tranchant, la stratégie de communication d’Elon Musk détonne au sein du cercle très fermé des multi-milliardaires. Elle incarne une approche radicalement différente de son grand rival dans la course à la conquête spatiale : Jeff Bezos, le fondateur d’Amazon et patron de Blue Origin. Ayant longtemps souffert d’une image froide, celui qui est régulièrement accusé de favoriser de mauvaises conditions de travail chez ses employés s’évertue, depuis peu, à corriger sa réputation. Misant sur une humanité qui semblait lui faire cruellement défaut, Bezos est ainsi récemment apparu dans un certain nombre de clips promotionnels faisant tant sa publicité personnelle que celle de son entreprise de voyages dans l’espace.
« Par le biais de son storytelling personnel, Jeff Bezos place la notoriété de sa marque versus celle de la société SpaceX fondée par Elon Musk », analyse Fabien Contino, de l’agence Shan. En se mettant en scène avec sa famille dans ces vidéos, le fondateur d’Amazon adopte « une manière de jouer sur l’émotion, voire de casser l’image d’un personnage froid presque mégalo qui veut se lancer dans une aventure partagée », poursuit le spécialiste.
Problème, pour Vincent Dujardin, du cabinet Alquier Communication : tout cela fait « hyper fake, car on a l’impression que la scène a été reconstituée. Nous sommes proches des codes de la télé-réalité ». Calibrée au millimètre, peu spontanée voire déplacée, la communication de Jeff Bezos demeure donc un tantinet hors-sol – ce qui n’est pas nécessairement un inconvénient quand on vend des tickets pour l’espace.
Bernard Arnault, la discrétion au rang d’art
Musk, Bezos : quand l’un communique jusqu’à l’outrance, quitte à assumer ses bourdes et leurs colossales conséquences financières, l’autre semble donc empêtré dans une communication comme téléguidée. Un écueil qu’évite un troisième multi-milliardaire : Bernard Arnault. Lui aussi suivi, bien que plus discrètement, par une véritable communauté d’admirateurs, le PDG du géant du luxe LVMH brille en effet par une communication au compte-gouttes, ultra-maîtrisée.
Une sobriété délibérée, qui n’empêche pas le patron français de susciter une sincère admiration, notamment au sein du monde artistique, où le silence de l’une des plus grandes fortunes mondiales fait de chacune de ses prises de parole un événement.
Cette admiration transparaît par exemple dans les mots de l’artiste japonais Takashi Murakami qui, dans une récente interview accordée à WWD, déclare que le patron de LVMH « devrait créer sa propre marque Bernard Arnault. Je regarde son travail depuis 20 ans et il est tellement bon dans ce qu’il fait ». « C’est presque comme un talent artistique, poursuit celui que d’aucuns considèrent comme le digne successeur d’Andy Warhol. Mais les gens n’y prêtent pas vraiment attention parce qu’ils sont distraits par la façon dont il réussit dans les affaires. (…) Je pense vraiment qu’il devrait créer une marque à son nom pour que (celui-ci) reste dans l’histoire. C’est juste mon opinion en tant que créateur », conclut Murakami. Loué par les artistes, Bernard Arnault sait cependant que cette communication minimaliste prête le flan aux critiques ou, plutôt, qu’elle laisse la place à ses détracteurs pour occuper le brouhaha médiatique.
Steve Jobs, l’indétrônable gourou de la Silicon Valley
Communication spontanée, communication calibrée ou communication raréfiée : trois stratégies pour bâtir trois images bien différentes les unes des autres. En dépit du soin qu’ils apportent à leur image, aucun de ces patrons milliardaires n’atteint cependant le pinacle sur lequel s’est hissé, de son vivant, le fondateur d’Apple. Véritable gourou adulé par ses fans, Steve Jobs avait, jusqu’à son décès en 2011, bâti une image qui provoquait chez ses fidèles un état proche de la ferveur religieuse.
Un lexique spirituel auquel ses fameuses keynotes empruntaient abondamment, le charismatique patron tenant son public comme un pasteur ses ouailles jusqu’à la révélation finale de la dernière innovation de la marque à la pomme. Une aura que sa disparition n’aura en rien entamée, les groupies du fondateur d’Apple se répandant depuis, sur Internet, en superlatifs comparant le patron à Léonard de Vinci, voire…à Dieu lui-même. Vous avez dit culte de la personnalité ?
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