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Amer Sunna dirige l’un des groupes les plus florissants d’Irak, Asiacell. Son parcours est une belle leçon de résilience et d’humilité dans un pays où les défis sont innombrables. Qu’est-ce qu’être entrepreneur en Irak et réussir malgré les vents contraires ? D’une région géographique à l’autre, la réussite reste-t-elle avant tout une histoire de vision, de volonté et de valeurs humaines ? Yalayolo Magazine vous propose de balayer les clichés. Entretien.
Rien ne vous prédestinait à devenir l’un des chefs d’entreprise les plus en vus d’Irak. Un pays très compliqué pour faire du business, encore plus lorsque l’on est un immigré parti de rien…Finalement, la réussite entrepreneuriale n’a qu’une seule barrière, le mental ?
Amer Sunna : Complétement ! Sur le papier, je n’étais pas du tout destiné à devenir le PDG d’une des entreprises les plus florissantes d’Irak. En tant qu’immigré jordanien, je n’étais toutefois pas « lost in translation » du fait de ma proximité culturelle et historique avec ce pays voisin. La présence de certains membres de ma famille m’a aussi facilité l’intégration. Après, c’était une question de philosophie à adopter : qui veut-on être ? Quels objectifs se fixe-t-on dans la vie et quels moyens se donne-t-on pour y arriver ? J’ai voulu devenir entrepreneur pour accompagner le développement et la croissance d’une entreprise. C’était ma vocation. Quel que soit le pays, j’aurai suivi cet objectif. J’entends sinon le sens de votre question : vous pensez que l’on a forcément un état d’esprit différent quand on évolue dans un pays en voie de développement ? Je vous dirai que non, lorsque l’on est dans l’action : sky is the limit ! (le ciel est votre limite, NDLR).
Diriez-vous que l’Irak offre un terreau propice à l’entrepreneuriat ?
A.S : La clé du succès est de regarder au-delà des stéréotypes et de transformer les défis en opportunités. Ici, la population fait régulièrement preuve d’innovation, de détermination, d’adaptabilité et d’ingéniosité pour se relever des nombreuses épreuves. Il y a un désir de créer les conditions de la réussite face aux enjeux. Il est donc plus facile d’embarquer ses collaborateurs dans l’aventure car chacun se sentira solidaire et, plus encore, en confiance.
Asiacell a été fondé en 1999 et sous votre présidence démarrée en 2005, l’entreprise a connu un essor très important. Comment avez-vous fait pour changer d’échelle ?
A.S : Avant d’accéder aux plus hautes fonctions, d’être distingué ‘CEO de l’année’ par l’Asia Communications Awards, j’ai commencé en bas en tant que technicien et me suis orienté par la suite vers le domaine commercial. Ces expériences de terrain m’ont permis d’avoir une bonne compréhension de l’entreprise, de son écosystème, mais aussi de muscler mon sens du business. Rien ne remplace le terrain ! Un cadre peut manquer de réalisme qui le sanctionnera en matière de flexibilité et de réactivité, il est clef d’avoir une bonne vue d’ensemble. En prenant le leadership, j’ai acquis la capacité à ajuster rapidement les procédures mises en place. Au-delà de cet aspect, il y a la direction stratégique. Si Asiacell est devenu l’un des poids lourds de l’économie irakienne, c’est qu’il y a eu une vision, celle de fixer les priorités du groupe, d’orienter les investissements, d’anticiper l’avenir, de fédérer les équipes autour de valeurs communes que sont l’inclusion, la confiance, la performance.
Très important aussi, il faut savoir inspirer. Notre philosophie a toujours été de dominer le marché en termes de numérisation, d’innovations et de tendances technologiques afin de rester toujours en phase avec les mutations de notre secteur. Nous investissons en permanence dans le développement du réseau de fibre optique et dans les centres de données du pays pour surmonter ces défis et fournir le meilleur service durable. Objectif : répondre aux attentes des clients. Ceci indépendamment du fait que ces investissements seront, selon la loi, la propriété du gouvernement. Jusqu’à aujourd’hui, Asiacell a investi plus de 30 millions de dollars dans la fibre optique irakienne et continuera de le faire. Asiacell est le seul télécom en Irak avec des centres de données de niveau III.
Le marché irakien a-t-il besoin de telles installations de haute technologie alors que l’écosystème n’y est pas encore numérisé ? Pourquoi est-ce prioritaire ?
A.S : Cet investissement est certainement l’un des plus judicieux. Assurer la disponibilité et la durabilité de nos services et fournir une couverture réseau fiable à nos clients accélérera clairement la croissance des données sur le marché. Asiacell s’est donné la responsabilité d’investir dans les infrastructures pour développer son leadership dans les domaines de la voix, des données, de la numérisation, de l’IoT, du B2B et au-delà. La croissance d’un pays est corrélée à la modernité et au maillage national de ses infrastructures. Les télécommunications, en tant qu’industrie, dépendent fortement de la disponibilité d’une infrastructure solide et fiable. De fait, cette vision a permis de faire d’Asiacell l’un des acteurs majeurs de l’économie irakienne.
Même si l’Irak n’est pas un marché aussi mature et développé qu’un pays comme la France, comment Asiacell stimule-t-elle l’économie de votre pays ?
A.S : En tant qu’opérateurs télécom, nous avons un rôle à jouer pour aider à connecter les populations, pas seulement dans notre territoire, mais également avec le monde extérieur. C’est un fait connu, en France, en Irak ou ailleurs : l’industrie mobile participe à favoriser l’inclusion numérique en connectant plus de personnes chaque jour. Aujourd’hui, la couverture d’Asiacell atteint 99% de la population et a été analysée par la société américaine Ookla comme offrant la meilleure couverture en Irak. Ookla fait partie des agences de référence mondiale en matière de tests Web et de diagnostic de réseau.
Nous aspirons toujours à être un pilier majeur de la croissance et du déploiement de l’économie. Notre engagement envers les Irakiens est de déployer notre service 4G pour 100 % de nos sites au premier trimestre 2022. Cette tâche remarquable a été accomplie moins d’un an après le lancement officiel de la 4G en Irak.
L’Irak a des tarifs parmi les plus élevés au monde en matière de data. Bien que Asiacell fournisse la connexion la plus rapide et la meilleure couverture du pays, comment justifiez-vous – quand même – d’être dans la fourchette la plus haute ? Quand on se réfère au classement Cable, des pays arrivent à proposer des prix moindre.
A.S : Votre question est double. Premièrement, il convient de pointer le principal facteur en jeu : la propriété intellectuelle. En Irak, elle relève du monopole d’état. Concrètement, cela signifie qu’Asiacell et d’autres opérateurs achètent la propriété intellectuelle aux ministères concernés (la Communication, l’Information et les Télécom) et ce, par l’intermédiaire de ses partenaires FAI (fournisseurs d’accès internet) avant de pouvoir la revendre aux clients finaux. Les prix de vente sont directement affectés par les prix de revient qui, en Irak, sont les plus élevés de la région. Par exemple, Asiacell achète de l’IP (propriété intellectuelle) à 26 $ par Mbps (megabits par seconde) auprès de ses deux partenaires précédemment cités, alors que la tendance des prix régionaux se situe entre 1 et 5 $. Cela vous donne donc des éléments d’appréciation concrets.
Gardez à l’esprit que le prix était beaucoup plus élevé ces dernières années, mais grâce à des négociations directes et des efforts continus, nous avons réussi à réduire les coûts. En outre, cela allait de pair avec les millions de dollars que nous avons investis dans nos infrastructures et dans la fibre optique pour le compte du gouvernement dans l’intérêt des clients.
Le deuxième facteur qui affecte nos prix est lié aux coûts opérationnels élevés en Irak qui incluent la sécurité, l’électricité, le carburant, les frais et les taxes. Ceux-ci, ainsi que d’autres, mettent définitivement la pression sur le prix de nos services exerçant de fait une hausse tarifaire.
Amer Sunna : « Aussi bien dans ma vie que dans ma carrière, la personne qui a eu un impact très important est le président d’Asiacell : Faruk Mustafa Rasool. Il est mon inspiration dans sa façon d’analyser, d’opérer et de gérer les défis. Je suis toujours reconnaissant pour son mentorat. »
De toutes ces réalisations, quelle est votre plus grand succès ?
A.S : Asiacell célèbre une histoire très riche dans la région, ce qui rend assez difficile pour moi de distinguer un événement spécifique. Cependant, si je devais choisir une étape clef, ce serait le lancement de la 4G en Irak. Asiacell est devenu GRAND sur ce projet. Huit mois après le lancement, nous avions déjà capté 51% de parts de marché 4G en Irak. Je pense que nous pouvons tous être d’accord avec le dicton de Benjamin Franklin : « Sans croissance et progrès continus, des mots tels que l’amélioration, la réussite et le succès n’ont aucun sens ».
La sécurité est également un sujet central dans votre pays. Quelle a été la décision la plus difficile que vous ayez eu à prendre alors que votre pays était ravagé par la guerre ?
A.S : Chaque dirigeant d’entreprise se trouve confronté à des décisions difficiles dans l’exercice de ses fonctions, aussi bien dans cette région du monde qu’ailleurs à Paris ou Singapour. Répondre aux demandes croissantes des clients, manager des équipes, collaborer avec les différentes parties prenantes…les impératifs ne manquent pas ! Mais en tant que PDG d’Asiacell exerçant son activité à une période ayant vu l’émergence du groupe terroriste DAECH, ma vie d’entrepreneur a forcément basculé ! Jamais, je n’avais été exposé à autant de défis ! Des défis inédits. J’ai été contraint de fermer mes bureaux à Mossoul, Anbar, Tikrit et Kirkouk, des lieux gangrénés par la violence et l’obscurité. Il a fallu rester debout en attendant la défaite de DAECH. Cette séquence est donc définitivement la période la plus difficile de ma carrière. C’est pourquoi, j’étais gouverné par l’objectif absolu de reprendre mes missions, de reconstruire le réseau de télécommunication, de triompher économiquement et humainement.
Bien sûr, ce genre d’épreuves vous rend plus fort, plus résilient car vous devez inspirer la renaissance et l’espoir à vos collaborateurs. Je leur rends hommage d’ailleurs car c’est leur engagement, leur loyauté et soutien qui a permis à Asiacell de rebondir jusqu’à devenir le leader dans notre secteur.
En cette ère de pandémie mondiale, comment incarner au mieux la figure de leader pour faire face aux crises multiples engendrées par le Covid ?
A.S : Le Covid soulève certainement un ensemble unique de défis. La chose la plus importante en tant que leader est de valoriser le dévouement de ses employés pleinement mobilisés dans leur mission, de leur fournir un environnement sûr et sain. Porté par cet état d’esprit collaboratif, Asiacell réussit à maintenir efficacement ses opérations, ses services et la disponibilité de ses produits. Asiacell est devenue une extension de ma famille. Je mets également un point d’honneur à rencontrer les employés. J’aime avoir leurs retours, vibrations et perspectives tout en soulignant leur contribution majeure au succès de l’entreprise. Mon leadership s’inspire des valeurs prônées par le président de notre groupe, Faruk Mustafa Rasool. Pour lui, Asiacell est une famille. Il est toujours disponible et accessible pour n’importe quel collaborateur dans l’organisation, que ce soit par un simple appel, une visite ou une réunion planifiée. Visionnaire dans tous les sens du terme, le président Rasool a ouvert la voie à un avenir plus prospère dans le monde de la technologie et des investissements avec intégrité et passion. Il est un modèle à suivre.
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