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Créée en 2017, Epsor est une fintech française qui a fait de l’investissement responsable son credo. Pour preuve, parmi les 40 fonds d’investissement proposés par la start-up au sein de ses gammes d’épargne salariale et retraite, 15 d’entre eux sont labellisés ISR (Investissement socialement responsable). Entretien avec son cofondateur Benjamin Pedrini pour en apprendre plus sur la progression de l’épargne responsable.
D’où vous est venue l’idée de lancer Epsor ?
Benjamin Pedrini : Notre projet remonte à 2017, au moment où Julien Niquet et moi étions encore chez Société Générale. Nous avions pour objectif d’investir l’épargne salariale et retraite, un marché qui représente en moyenne un quart du patrimoine financier des salariés qui y ont accès. Face au constat d’une culture financière assez faible en France, nous souhaitons replacer les salariés au cœur du dispositif et leur donner plus de conseils.
Nous avons lancé la commercialisation de notre offre en 2018, de manière indépendante et autofinancée, notamment en lançant le premier robo-advisor dédié à l’épargne salariale, qui fournit un conseil personnalisé aux salariés. Aujourd’hui, nous travaillons avec plus de 500 entreprises, qu’elles soient grandes et petites.
Fin 2018, nous annoncions notre première levée de fonds auprès de Partech Ventures dans le but d’accélérer notre phase de commercialisation. Puis, un nouveau tour de table en 2019 nous a permis de mieux adapter nos dispositifs retraite vis-à-vis de la loi Pacte.
Plus récemment, vous avez annoncé le 25 mai dernier une levée de 20 millions d’euros auprès de Revaia (anciennement connu sous le nom de Gaia Capital Partners). Ce fonds est connu pour son engagement en matière de RSE…
Notre mission est de faciliter le partage de la valeur en entreprise. Mais nous pouvons aussi être moteurs d’action positive sur la partie environnementale et sociale. Et c’est ce qui justifie notre dernier tour de table auprès de Revaia. Nous souhaitons apporter encore plus d’innovations dans le sens de la transparence grâce à cette levée de fonds.
Notre robo-advisor est aussi un outil qui poursuit ces objectifs : ce dernier permet aux salariés de choisir la thématique d’investissement qui leur convient le mieux. Cela permet d’apporter plus de transparence et de favoriser notre orientation vers des financements ISR – étant donné qu’ils sont de plus en plus demandés. Résultat : nous observons que la moitié des épargnants choisissent un profil de placements 100% ISR.
L’épargne responsable est donc amenée à grandir selon vous ?
B. P. : C’est un phénomène qui va évidemment grandir à mesure que les sujets responsables deviennent prégnants. La démarche responsable devient de plus en plus exigeante et nous devons aider les entreprises dans leur transition. Comme je l’évoquais, les attentes et les convictions des salariés sont à ce jour très fortes : plus de la moitié des épargnants souhaitent que les enjeux durables soient inclus dans les produits d’épargne.
Il faut maintenant leur donner les clés de compréhension de leur épargne en faisant plus de pédagogie. Et cela vaut aussi pour les gestionnaires d’actifs. Chez Epsor, nous avons développé le baromètre Fundscanner qui analyse plus de 330 fonds ISR et en fait un classement. Cela permet aux épargnants d’avoir une meilleure vision des fonds et leur donner de la visibilité sur les entreprises qu’ils financent.
À titre d’exemple, 45 % des entreprises du CAC 40 sont représentées au sein de plus de 330 fonds labellisés ISR et 14 % des fonds ISR que nous avons étudiés ont Total dans leurs premières lignes d’investissement. Il y a bien des fonds qui se démarquent par des démarches réellement positives mais dans certains cas, les épargnants ne comprennent pas pourquoi des entreprises comme Total ou Air Liquide apparaissent au sein de fonds durables.
Il est à ce titre nécessaire de mieux encadrer les pratiques autour de ce label pour offrir plus de transparence aux épargnants. Il faut trouver des voies normatives afin de mieux qualifier les efforts faits en matière d’ISR car dans les faits, un fonds labellisé peut essentiellement travailler sur la gouvernance sans se soucier du volet environnemental. Il est à ce jour difficile de savoir dans le détail ce que les fonds soutiennent.
Les salariés souhaitent remettre du sens dans leur épargne mais ont-ils pour autant la connaissance nécessaires des mécanismes financiers en jeu ?
B. P. : Il existe encore trop de salariés novices sur ces questions. Puisque de plus en plus d’entreprises offrent l’accès à un Plan d’Épargne Entreprise (PEE) à leurs collaborateurs et que cette enveloppe d’épargne est réellement l’une des plus intéressantes du marché, il est crucial d’apporter plus de pédagogie pour que les collaborateurs puissent prendre des décisions éclairées – notamment dans le choix des fonds d’investissement.
C’est bien le chef d’entreprise ou la direction des ressources humaines qui choisit les fonds au début mais avec la consultation des représentants du personnel. Et une fois que le salarié détient son propre PEE, il peut encore décider où placer son argent parmi les fonds proposés.
En mai dernier, le directeur d’investissement du fonds Revaia Morgan Kessous partageait à l’Agefi : « Le marché de l’épargne retraite et salariale représente dans l’Hexagone près de 400 milliards d’euros et est à ce jour sous le joug d’un oligopole formé par les quelques gestionnaires d’actifs et des grands réseaux bancaires. Cette concentration est responsable de la faible évolution de l’offre de produits au cours des dernières décennies. » Etes-vous d’accord avec cette remarque ?
B. P. : Je partage évidemment cette conviction et c’est une des raisons pour lesquelles nous nous sommes investis sur ce marché. Sur la question de l’épargne salariale, cela fait quasiment trente ans que des leaders comme Amundi et Natixis se partagent 70% du marché.
J’apporterais en revanche une nuance car les acteurs traditionnels semblent tout de même se réveiller après de longues années de retard. Et c’est une bonne nouvelle car certaines organisations moins en avance en sont encore à proposer une gestion papier de l’épargne salariale. Le marché de l’épargne retraite est d’ailleurs encore plus archaïque sur ce sujet que l’épargne salariale, certains acteurs ne proposant même pas de plateforme en ligne pour la gestion de l’épargne.
De notre côté, nous proposons un produit tech et financier assez différenciant qui replace le salarié au cœur du dispositif et lui apporte de la pédagogie et de la transparence. Nous travaillons avec une vingtaine de sociétés de gestion afin de rendre visibles des fonds que les épargnants n’ont pas pour habitude de voir (Echiquier Positive Impact et Ecofi Choix Solidaire qui sont labellisés ISR ou encore Finansol). Prochainement, nous allons également offrir un référencement de nouveaux fonds ISR pour compléter nos offres.
Comment qualifiez-vous justement vos relations avec ces sociétés de gestion investies depuis longtemps dans le marché de l’épargne salariale ?
B. P. : En 2017, nous avions du mal à nouer des partenariats avec ces sociétés de gestion mais aujourd’hui c’est plutôt l’inverse : à mesure que nous devenons un acteur de référence, nous devenons sur-sollicités. Il y a plusieurs critères quant au choix de nos fonds : la performance financière d’une part, mais également des critères extra-financiers et parmi eux notamment la politique ESG du gérant ou encore la part d’engagement responsable lié aux valeurs du fonds. Ce dernier point prend de plus en plus de place et nous souhaitons faire évoluer notre gamme en intégrant uniquement des fonds ISR.
Comment convaincre les entreprises encore en retard sur la question de l’épargne salariale ?
B. P. : Pour les retardataires, il faudrait rappeler que l’épargne salariale est un formidable outil pour le partage de valeur en entreprise. Dès lors qu’une organisation souhaite engager l’ensemble de ses collaborateurs dans sa propre démarche de croissance, les mécanismes offerts par l’épargne salariale restent les plus avantageux.
L’attractivité sur le plan fiscal est indéniable : imaginons qu’une entreprise dispose d’un budget de 1000€ à dépenser sous forme de salaires. Après déduction des charges sociales et patronales, il ne restera au salarié que 379€. En revanche, si ces sommes sont versées par le biais d’une prime d’intéressement et de participation et placées sur le PEE ou le PER, le salarié touchera 903€. C’est un avantage non négligeable pour rétribuer ses collaborateurs.
Le PEE peut paraître compliqué à mettre en place mais ce n’est pas le cas et chez Epsor nous pouvons les aider simplement à passer le pas. Notre application permet d’ailleurs de faciliter la gestion du PEE : elle est notamment chargée d’alerter les salariés sur l’abondement non consommé sur l’année écoulée.
Quels conseils donner aux salariés qui se posent des questions sur leur épargne salariale ?
B. P. : Pour le choix des fonds, mon conseil pour les salariés serait de se demander : “quel est votre objectif et votre horizon d’investissement ?” Si vous êtes déjà propriétaire, votre perspective de placement s’inscrit potentiellement dans un temps plus long. Pour anticiper l’avenir et la retraite, il existe des fonds plus ou moins dynamiques selon les besoins. Il y a encore de la pédagogie à faire sur ces sujets car encore trop de salariés perdent de l’argent quand il s’agit de leur épargne.
Il faut leur donner les clés pour s’orienter car l’entreprise n’oriente pas souvent les salariés sur ces questions. Il faut les accompagner pour leur permettre de faire des choix plus éclairés. Trop souvent ces salariés sont mobilisés sur ces questions au moment du versement des primes d’intéressement et de participation. Mais il ne faut pas hésiter à les challenger tout le long de l’année pour les réveiller sur ces enjeux. Et de la même manière, les entreprises doivent aussi se challenger sur leur choix de fonds d’investissement, qui parfois sont les mêmes depuis des années alors même qu’ils sous-performent.
Que la réforme des retraites ait lieu ou non, l’enjeu de sensibiliser les Français sur leur épargne reste le même. C’est d’autant plus important aujourd’hui avec l’allongement de la durée de vie. L’avenir de notre système de retraite reste incertain et il est urgent d’anticiper ces questions à titre individuel. À ce titre, l’épargne salariale est un excellent moyen de mettre le pied à l’étrier !
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