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Jean-Luc Maria, cofondateur d’Exotrail, devient le nouveau CEO de cette start-up spatiale. L’occasion de revenir avec lui sur ses dernières perspectives de développement et obtenir sa vision sur l’avenir de l’Europe dans le spatial, face à des concurrents américains et asiatiques en plein essor. Dernier projet en date : l’initiative YEESS, un syndicat regroupant des start-up européennes du spatial qui souhaite convaincre les institutions européennes de privilégier la commande publique.
Quelle conviction derrière le lancement du projet Exotrail ?
Jean-Luc Maria : Nous avons commencé le projet en 2015, puis avons été soutenu en 2016 par la Société d’Accélération du Transfert de Technologies (SATT) de Paris-Saclay. La SATT nous a sélectionné et financé un programme de maturation et de transfert de technologie de 24 mois avec le CNRS, l’UVSQ, l’école Polytechnique et le Synchrotron Soleil.
En 2017, à la suite de résultats techniques prometteurs mais surtout d’une analyse détaillée du marché en ébullition des petits satellites, David Henri, Paul Lascombes, Nicolas Heitz et moi avons décidé de créer Exotrail. L’objectif était de porter le projet à une échelle d’entreprise, et de se positionner sur un marché du spatial qui ne devait plus exclusivement être l’apanage des acteurs institutionnels et des filières industrielles historiques.
Pouvez-vous me donner plus de détails sur vos deux produits ExoOPS™ et ExoMG™ ?
J.-L. M. : Nous commercialisons en effet deux produits : une suite logiciel en mode SaaS de simulation de missions et de gestion des opérations satellites (ExoOPS™), et une gamme de systèmes de propulsion électrique pour les satellites de classe petite à moyenne (ExoMG™).
Concernant ExoOPS™, notre approche est tout d’abord de convaincre les fournisseurs de services spatiaux de l’intérêt d’utiliser la propulsion électrique (plus efficace, plus compacte, plus flexible) pour optimiser leurs performances économiques, puis de démontrer le besoin d’automatiser la gestion des “constellations” de satellites. Il est évident que quand ces satellites se comptent par centaines voire milliers, le nombre d’opérateurs au sol ne peut pas croître de façon équivalente, ceci pour pouvoir maintenir la rentabilité du service fourni. Les acteurs du spatial ont donc de plus en plus besoin de ces logiciels capables d’agréger de grandes quantités de données et d’automatiser les opérations.
Pour ExoMG™, l’enjeu est de proposer des produits le plus modulable possible pour être compatible d’une grande variété de plateformes, tout en s’interfaçant de la façon la plus simple possible avec les systèmes de puissance, de contrôle-commande et d’orientation des satellites. Pour adresser le marché des petits satellites dans son ensemble (satellites de quelques kg à quelques centaines de kg), nous développons donc une gamme de propulseurs. Il faut aussi surveiller en permanence l’évolution du marché, car les coûts d’accès à l’espace sont en train de se réduire très significativement, avec pour conséquence une masse des petits satellites qui repart à la hausse et des besoins de puissance de propulsion qui doivent suivre.
C’est cette complémentarité totale entre nos deux produits qui rend notre positionnement unique sur le marché : aujourd’hui Exotrail assure une cohérence complète entre le hardware et le software nécessaires pour garantir une mobilité spatiale optimale, alors même que les acteurs historiques avaient pour habitude de déléguer chacune de ces tâches à des acteurs différents, et n’étaient pas confronté à la problématique de gestion de ces nouvelles constellations de satellites.
La Deeptech nécessite par nature de gros investissements et la mise au point des produits technologiques s’avère d’autant plus longue
Pourquoi le modèle des SATT est intéressant à creuser ?
J.-L. M. : Les SATT (réparties sur tout le territoire national) sont venues combler un manque de financements de projets à très bas niveau de maturité, mais néanmoins aptes à adresser de nouveaux marchés. Il y avait en effet jusque-là un écart entre la maturité des travaux académiques et la capacité de ces travaux à intéresser des fonds d’investissement qui financent généralement les projets à des étapes de développement plus avancées. Les SATT permettent donc de soutenir des projets à fort potentiel en prenant certes plus de risques dans le financement de ces innovations issues de la recherche, mais assurant ainsi la continuité vers les fonds d’investissement. Cette continuité aujourd’hui effective est une véritable réussite française !
Est-ce dur d’être rentable dans le Newspace ?
J.-L. M. : La Deeptech nécessite par nature de gros investissements et la mise au point des produits technologiques s’avère d’autant plus longue. La rentabilité n’est donc pas forcément plus difficile à obtenir mais elle peut prendre plus de temps que pour les produits de la grande consommation. Il faut donc arriver à convaincre les fonds d’investissement de s’inscrire dans des temps plus longs, et surtout adopter une méthode de développement agile (aussi bien pour le hardware que pour le software) afin de pouvoir commercialiser au plus vite et régulièrement des versions intermédiaires des produits aptes à satisfaire des premiers clients.
Où en est l’écosystème français du spatial ?
J.-L. M. : Lorsque nous avons créé Exotrail, le paysage des start-up françaises du spatial était clairsemé (4 ou 5 tout au plus). Plus récemment, un écosystème de soutien thématique s’est mis en place (incubateurs, accélérateurs, pitch days .. etc) grâce à des acteurs comme le CNES, Starbust, les SATT et d’autres. Une nouvelle génération de start-up est donc en train de naître, bien plus fournie qu’à nos débuts, et c’est une excellente nouvelle pour le spatial français et européen !
Est-il assez fort pour s’imposer face aux concurrents américains et asiatiques ?
J.-L. M. : Oui. Plus cette volonté entrepreneuriale sera importante et soutenue, couplée à un terreau technologique fertile en Europe, et plus les solutions proposées par cet écosystème auront des chances de concurrencer directement des projets américains et asiatiques.
En complément des acteurs historiques qui sont aussi indispensables pour défendre cette indépendance et cette compétitivité, Exotrail a participé avec des start-up européennes à la création du syndicat YEESS (Young European Enterprises Syndicate Space) pour convaincre les institutions (la Commission Européenne et l’Agence spatiale européenne en particulier) de privilégier la commande publique aux subventions. C’est en faisant confiance de cette façon-là à de nouveaux acteurs comme nous pour fournir des solutions et produits opérationnels et innovants que nous pourrons continuer à nous développer et à convaincre nos investisseurs. C’est par un soutien de type commercial que l’Europe fera naître de nouveaux futurs champions du spatial, capables de conquérir les nouveaux marchés de l’espace.
L’Europe a été longtemps dans le peloton de tête des domaines spatiaux et a aussi toujours été un bon partenaire des autres puissances spatiales. L’accélération actuelle des Etats-Unis, de la Chine et de la Russie sur fond de souveraineté doit être un électrochoc pour l’Europe de l’espace
Quelles sont les nouvelles du côté des activités d’Exotrail ?
J.-L. M. : Côté ExoMGTM, l’activité est en très nette croissance depuis notre mission de démonstration réussie fin 2020. Nous avons plusieurs contrats en cours, qui géographiquement adressent désormais les Etats-Unis, l’Europe et l’Asie. Nous venons par exemple d’annoncer tout récemment la signature d’un très beau contrat aux Etats-Unis avec la société York Space Systems. Dès le deuxième trimestre 2022, nous leur fournirons nos systèmes de propulsion électrique dans le cadre d’une mission de télécommunication lunaire. Nous pouvons donc être fier, car nos propulseurs seront bientôt en orbite autour de deux corps célestes ! Ce contrat est aussi emblématique de la nouvelle course à la Lune qui se profile. Enjeu géopolitique majeur de cette nouvelle décennie, la Lune se verra à terme dotée d’infrastructures spatiales similaires à celles de la Terre (réseaux de télécommunications, d’observation de la surface …).
Côté ExoOPSTM, nos premiers clients sont très satisfaits des possibilités offertes par le logiciel en conception et optimisation de missions spatiales, et nous déployons dans les prochains jours une première version des fonctionnalités d’opérations satellites. Ce volet opérationnel est très attendu !
Au-delà de ces réussites de nos produits historiques, notre aspiration est de devenir progressivement le leader de la logistique spatiale, des services en orbite. Notre prochain relai de croissance consiste à mettre sur le marché le SpaceVan™ : un convoyeur spatial qui permettra dès 2024 d’assurer le déploiement des infrastructures en orbite.
Qu’en est-il de la dépollution spatiale ?
J.-L. M. : La dépollution spatiale est typiquement un cas d’usage de nos produits ExoMG™, mais aussi du SpaceVan™. Un satellite doté d’un propulseur efficace pourra en fin de vie soit rejoindre des orbites non utilisées, soit se rediriger dans l’atmosphère pour se consumer, évitant ainsi la multiplication des débris en orbite. A l’opposé, un objet inerte (débris, satellite mort) pourra être désorbité grâce au SpaceVan™. C’est un cas d’usage prometteur car évidemment la part d’objets non opérationnels dans l’espace va croître fortement. Même s’il reste encore compliqué de fonder sur ce type d’activité un business model solide, il est évident que le besoin et le marché associé émergeront à moyen terme.
Comment dépasser les Intérêts géopolitiques en cours sur le spatial ?
J.-L. M. : Les tensions géopolitiques sont évidentes aujourd’hui dans le spatial. Souveraineté des solutions technologiques (système de positionnement, télécommunications, observation …) et conquête de nouveaux horizons (la Lune en particulier) sont deux exemples évidents.
À notre niveau, l’enjeu est d’abord de répondre aux besoins du marché, au-delà des considérations géopolitiques. C’est notre principale préoccupation en tant qu’entreprise privée et c’est ce qui explique pourquoi nous vendons aujourd’hui nos produits sur la plupart des continents. Mais cela ne veut pas dire que les enjeux de souveraineté sont laissés de côté. C’est ce qui explique aussi notre démarche vers l’Europe (voir l’initiative YEESS décrite ci-dessus), pour pouvoir être acteur du ré-équilibrage nécessaire des forces.
L’Europe a été longtemps dans le peloton de tête des domaines spatiaux (lanceurs, satellites, exploration), et a aussi toujours été un bon partenaire des autres puissances spatiales. L’accélération actuelle des Etats-Unis, de la Chine et de la Russie sur fond de souveraineté doit être un électrochoc pour l’Europe de l’espace qui peine à prendre sa place dans cette course. Il faut construire une feuille de route ambitieuse, claire et partagée au-delà des intérêts nationaux, et mettre en place les bons mécanismes de soutien aux laboratoires et aux entreprises, petites et grandes. C’est l’enjeu qui nous attend, et Exotrail compte bien être moteur de cette transformation !
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