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Depuis mai 2019 et l’instauration de la loi PACTE, les entreprises disposent enfin d’un cadre normatif dans lequel mener leurs actions RSE. Socle d’un capitalisme responsable, la » raison d’être « , qu’elles peuvent dès lors inscrire dans leurs statuts, doit faire office de boussole donnant un cap pour imaginer et mettre en place ces actions, ou de catalyseur pour amplifier l’impact des initiatives existantes. Las, deux ans plus tard, et malgré un » appel d’air incontestable » qui a poussé plus de deux tiers des entreprises du CAC 40 à formaliser leur raison d’être, beaucoup d’entre elles » sonnent creux « , pour reprendre les termes de Bruno Fradin, co-président de l’agence St John’s, qui, en mai 2021, signe une tribune éponyme dans Stratégies et Les Échos. Il regrette notamment des formulations vagues, qui ne font que décrire le métier historique des entreprises concernées ou leurs » engagements extra-financiers préalables « , et ne poussent pas en réalité l’entreprise à changer de modèle.
Après les premières actions menées en faveur de l’environnement, puis l’avalanche de » manifesto « , aussi opaques pour le grand public que leur nom, la tendance des raisons d’être ne serait qu’une énième vague de pseudo-engagements qui, à son tour, relance le tambour de la grande lessiveuse des marques, celle qui a donné naissance au » greenwashing « , » pinkwashing « , » goodwashing » ou enfin » wokewashing « . En octobre 2019, le Trust Barometer d’Elan Edelman nous apprenait que 60 % des Français trouvaient que les marques parlaient trop de RSE, sans vraiment en faire. On n’a donc eu de cesse de répéter que l’engagement devait se traduire par des actes plus que par des mots. Problème : la défiance est installée et, alors que les marques placent désormais dans toutes leurs communications – pour caricaturer – des champs de blé et des couples homosexuels, chaque initiative devient suspecte pour de nombreux consommateurs. Alors, comment éviter le procès en » washing » et surtout sortir de la masse ?
» Les projets de transformation ne se mènent pas du jour au lendemain ! Il faut bien commencer quelque part et chaque initiative doit être saluée si elle va dans le bon sens. La loi PACTE est un bon départ, car elle permet de se questionner. Tant mieux si la raison d’être s’est banalisée ! « , avance Luc Wise, fondateur de l’agence The Good Company. Il est rejoint par Lucas Duquenne, planneur stratégique pour l’agence 1969 : » La crise sanitaire a été salutaire, car elle a permis à de nombreuses entreprises de revenir à l’essentiel. Déconstruire l’entreprise, pour mettre à nu sa raison d’être et trouver les fondations qui lui permettent d’être résiliente. Désormais, il s’agit de reconstruire la machine autour de ce noyau dur pour redonner un souffle pour les prochaines décennies. » Un processus qui peut prendre du temps, ce qui est salutaire à l’heure où les tendances sur lesquelles s’engager se bousculent. Pour Luc Wise, il est en effet dangereux de vouloir mener plusieurs combats de front : » L’ONU distingue 17 objectifs de développement durable, mais une entreprise ne doit s’engager que sur ceux sur lesquels elle aura un vrai impact. Ainsi, quand il s’agira d’en parler, elle pourra plus facilement se différencier, tout comme on décide de mettre en avant un attribut produit plutôt qu’un autre. Patagonia ne lutte pas contre la pauvreté ou la faim dans le monde, mais pour la préservation de l’environnement et de la biodiversité. » Une fois sa légitimité construite sur ce sujet, la marque peut ensuite lutter contre la faim ou la pauvreté dans le monde, dès lors qu’il y a par exemple un lien avec la déforestation et la mise en culture de nouvelles terres. Sauf à être une DNVB qui se lance à partir d’une page blanche, une marque historique devra ainsi choisir son combat. Reste à en avoir le courage !
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La prime aux pionniers
Après des années à prêcher dans le désert, une marque comme Patagonia fait aujourd’hui figure de précurseur, incontournable dès lors qu’il s’agit de parler d’environnement. La tentation de faire un coup, en étant la première marque à dénoncer une problématique peut alors être tentante. » On peut faire un parallèle avec la transformation digitale il y a quelques années. Les pionniers du digital sont ceux qui en tirent les bénéfices sur le long terme « , note Luc Wise. Encore faut-il avoir des propositions concrètes derrière, mais aussi être certain de ne pas contribuer soi-même au problème, de pouvoir faire face aux critiques et d’avoir… un peu de chance. Sans quoi, il ressortira que la marque s’empare d’une cause comme de n’importe quelle tendance (au choix : un challenge TikTok, un chatbot ou un NFT), ce qui, au mieux, ne construit pas son capital sur le long terme, et au pire, laisse transparaître sa mauvaise foi et son manque de créativité.
Comme Lucas Duquenne, Luc Wise cite l’exemple de Gillette, qui a marqué les esprits début 2019 avec sa campagne » The Best Man Can Be « , dénonçant la masculinité toxique. Un tournant pour la marque historique du » The Best Man Can Get » : » Gillette a été critiquée pour être « opportuniste », car après avoir proposé une certaine vision de la masculinité pendant 40 ans, elle fait un virage à 180° et donne des leçons à sa clientèle historique ! Mais on voit qu’elle en a tiré les bénéfices et qu’elle est en train d’assurer sa pérennité. Il faut avoir le courage de se positionner. Mais derrière, on s’en souvient. Il suffit de regarder le cas de Benetton sur la diversité, ou encore de Dove qui était dans une situation similaire à celle de Gillette. En 2004, la marque a commencé à lutter contre les stéréotypes de la beauté féminine. Beaucoup ont critiqué l’initiative, en disant que cela n’allait durer que le temps de gagner un prix aux Cannes Lions… Vingt ans plus tard, la marque a construit toute sa légitimité, et même sa sincérité, sur cet engagement. »
Pour autant, de l’aveu de Christine Cabon, directrice de la communication chez Procter & Gamble, Gillette ne cherchait pas particulièrement à faire un coup en s’emparant à bras-le-corps du sujet : » Gillette a été créée au début du 20e siècle et, comme toutes les marques historiques, elle a évolué avec son temps et véhiculé les stéréotypes de son époque. Dans les années 1980, notre marque véhiculait ce qui a été considéré comme un idéal de la masculinité en Occident : un homme blanc, beau, sportif, avec une belle femme, de beaux enfants et qui affichait tous les signes matériels de la réussite dans son travail. » Mais alors que la marque arrivait ces dernières années au bout d’une logique de mise en avant des attributs produits – et d’ajout de lames à ses rasoirs -, la nouvelle plateforme » We Believe » devait s’inscrire sur des valeurs : » Tout Procter & Gamble s’engage dans la lutte contre les stéréotypes. Nous avions déjà mené, avant janvier 2019, des campagnes fortes sur ce thème. « The Best Men Can Be » était à l’origine une activation digitale destinée au marché américain, qui prenait la forme d’un mea culpa. Les trolls s’en sont emparés, ce qui a attiré l’attention des médias et a donné à la campagne une exposition mondiale, avec des réactions diverses selon les pays. Nous savions alors qu’en voulant au départ simplement passer d’une image de la réussite basée sur la possession à une réussite basée sur les valeurs et l’accomplissement personnel, nous avions touché quelque chose de profond et de juste, et qu’il fallait continuer à déconstruire les stéréotypes de la masculinité, alors que beaucoup d’hommes ne se reconnaissent pas dans les représentations classiques de la virilité. » Ainsi, si la marque ne peut plus être taxée d’opportunisme aujourd’hui, c’est qu’elle a continué à » creuser le sillon de son engagement « , pour citer Luc Wise, en mettant par exemple en avant les histoires vraies de personnes transgenres, afin de rendre inclusive sa signature » La Perfection au Masculin « .
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Assumer ses engagements
Pour Lucas Duquenne, il faut avoir le courage de préparer demain en prenant position sur de grandes valeurs, sans avoir peur d’être moins performant sur le court terme, à l’instar de Dove quand la marque casse les canons de beauté publicitaires. » Dans le marketing, on s’enthousiasme souvent pour de grands principes sans les appliquer. Je pense, par exemple, au « Less is more », qui revient depuis des années en matière de publication sur les réseaux sociaux : ceux qui veulent s’y distinguer publient de plus en plus, d’où une surenchère. Mais ça ne sert à rien de s’obliger à diffuser plusieurs fois par jour un contenu qui n’intéresse personne, là où on pourrait créer de vrais rendez-vous avec des gens engagés. Tout le monde en est convaincu, mais personne n’ose être le premier à réduire la voilure, de peur d’y perdre. » Ainsi, vouloir bousculer les codes de la publicité peut être un bon début et un moyen de s’engager, sans pour autant prendre le risque de choisir un combat plutôt qu’un autre, et de se tromper. » Il faut en finir avec ce modèle productiviste que l’on peut retrouver dans d’autres secteurs, comme dans l’alimentaire, entre autres : produire toujours plus pour moins cher n’est pas une solution durable « , indique Luc Wise, rejoint par Lucas Duquenne : » Quand on voit le succès de Veja, qui a décidé de ne pas faire de publicité pour proposer des produits plus abordables et mieux rémunérer ses producteurs, on se dit qu’il y a quelque chose à creuser. » Il cite également C’est qui le patron ?!, qui ne fait pas de publicité, ou Moët Hennessy, qui a décidé de réduire sa présence numérique.
Par extension, s’emparer des problématiques liées au digital est aussi une solution pour les marques historiques qui ne savent pas par où commencer : relativement nouvelles, il est difficile d’accuser les marques » non-endémiques » d’en être la cause. Mais là encore, il faut être cohérent. Car c’est la cohérence qui permet d’éluder les critiques et, surtout, de pouvoir petit à petit élargir le front des combats à mener. » Back Market profite aujourd’hui, par exemple, de l’engouement des consommateurs pour les produits reconditionnés, mais l’entreprise s’est plus construite sur l’envie de consommer à moindre prix que de réduire son impact. Dans ses publicités, l’économie réalisée permet de prendre l’avion et de partir en vacances « , note Lucas Duquenne. Un constat qui pourrait également toucher une entreprise comme Vinted, dont l’activité induit une hausse des flux logistiques. » On décomplexe la consommation de masse plutôt que de chercher à la diminuer, ce qui rend difficile un discours de marque orienté sur l’économie circulaire. » À l’inverse, Orange, en s’emparant du thème de la déconnexion, se dote d’une plateforme de marque intéressante, qui peut autant adresser les problèmes liés à la santé ou à l’éducation qu’à l’écologie. Ce qui peut sembler paradoxal pour un acteur dont le but est justement de nous connecter : » En disant que nous n’avons pas besoin d’être toujours connectés, l’entreprise positionne son offre comme utile, et non pas comme vitale, là où de trop nombreux annonceurs font l’erreur de se croire ou de se présenter comme indispensables « , analyse Lucas Duquenne.
On retrouve cet engagement en apparence contre-productif chez Engie, qui a également fait de la problématique de la consommation numérique un cheval de bataille, comme l’explique Julien Marcaut, son vice-président digital communication : » Le digital pèse 10 % de la consommation énergétique mondiale et 4 % des émissions de gaz à effet de serre. Il y a bien sûr le poids de la production des devices ou des installations, mais la moitié de cette empreinte est liée aux usagers, de leur navigation à la mauvaise façon de charger leur smartphone, par exemple. » Partant de ce constat, l’entreprise n’a eu de cesse de réduire son impact et d’aider ses clients à faire de même : » Notre raison d’être, c’est d’accélérer la transition énergétique de nos clients. Nous le portons en BtoB depuis des années, entre autres en alimentant les centres de données de Microsoft ou de Google en énergie verte, ou en travaillant avec Cap Gemini à la création du data center le plus économe en énergie d’Europe. Jusqu’à présent ces initiatives étaient peu connues du grand public, mais nous leur donnons plus de visibilité afin de renforcer notre discours et notre ADN, mais aussi nos autres actions plus BtoC, qui ne peuvent pas être taxées de « greenwashing ». Les engagements doivent être pris dans la globalité de l’entreprise et nourrir la marque corporate, employeur et commerciale : collaborer avec Impact+ ou EcoAct pour rendre nos publicités plus responsables fait sens et est très bien perçu en interne. Cela nourrit notre raison d’être » , avance Julien Marcaut, qui cite encore la refonte du site Engie.com, devenu » le site le plus responsable du CAC 40 « , il y a deux ans, en étant notamment le premier à proposer un dark mode, ou enfin l’initiative » Mon Programme pour Agir « , qui permet aux clients d’Engie qui optimisent leur consommation de cumuler des KiloActs, c’est-à-dire des points à convertir en inancements pour des associations. » Cela peut paraître paradoxal de vouloir réduire la consommation d’énergie étant donné notre activité. Mais le but n’est pas tant de moins consommer que de mieux consommer. En ce sens, chaque action, aussi minime soit-elle, permet de passer d’un impact micro à un impact macro « , explique Julien Marcaut, qui revient enfin sur la création mi-mai du Mouvement pour la Publicité Raisonnable, en compagnie de La Poste, LinkedOut, Impact+, Goodeed, Dailymotion, Sublime, Social Régie, ExterionMedia, Fabernovel, YZ et Lilo. Le but de l’association est d’améliorer la mesure et l’optimisation des actions, de faire évoluer les normes légales et enfin d’évangéliser l’ensemble de l’écosystème publicitaire. De quoi construire un peu plus sa légitimité et sa sincérité, et de faire face à l’avenir à de nouvelles problématiques.
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