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Après 10 ans d’engagement associatif, une expérience en cabinet présidentiel à l’Elysée et un poste de directrice de la communication et du développement à la Fondation la France s’engage, Flora Ghebali lance en 2019 Coalitions, une Agence d’innovation sociale. Dans son livre « Ma génération va changer le monde, s’engager pour un futur désirable » publié aux éditions de l’Aube, l’auteur, sélectionnée parmi les 30 under 30 de Yalayolo Magazine, consigne ses expériences et idées pour réenchanter notre pacte social. Entretien avec une entrepreneure bien décidée à faire bouger les lignes.
Comment est née l’idée de ce livre ?
Flora Ghebali : Au départ, je voulais écrire sur ce qu’on appelle l’ESS, l’économie sociale et solidaire, pour apporter une critique constructive à ce secteur qui représente 10% du PIB et qui est trop souvent perçu à la marge. Puis, le premier confinement est arrivé, et ce temps de solitude imposé m’a permis de débuter la rédaction de ce livre dans lequel je consigne mon expérience sur ce secteur en plein développement.
Quel message voulez-vous faire passer ?
Flora Ghebali : C’est avant tout un essai témoignage. Je crois que la plupart des questions que je pose sur le monde qui nous entoure sont assez symptomatiques de ma génération et qu’il est temps d’ouvrir des espaces d’expression sur notre vision de la société. Contrairement à ce qui est souvent dit, la jeunesse n’est ni désabusée, ni égoïste, elle est pleine d’espoirs et de solutions innovantes pour en améliorer le fonctionnement. J’ai aussi la chance d’avoir une expérience hybride entre les univers de la politique, de l’associatif et de l’entreprise, aussi je voulais partager mes idées pour mieux fonctionner ensemble et réenchanter notre pacte social.
Vous dites que « nous assistons aujourd’hui à un changement de paradigme » au sein de la société. Comment se manifeste-t-il ?
Flora Ghebali : Je crois que nous sommes à un point de bascule, que l’urgence écologique nous dicte un changement de conduite systémique. La crise sanitaire a d’ailleurs été un catalyseur du besoin de changer. Je suis toutefois positive et optimise car je suis partisane de l’idée qu’il y a une convergence entre le bien-être individuel et le bien-être collectif. Il faut comprendre cette idée pour être partisan du changement, sinon nous n’y arriverons jamais. C’est pour cette raison aussi que je défends une vision rentable de l’engagement dans le livre, car il faut rappeler la corrélation entre les enjeux collectifs et individuels.
Vous déplorez le fait que la jeunesse de notre pays, qui croit encore à l’action collective, est en réalité « empêchée d’y prendre part par l’archaïsme et l’inadaptation du système syndical ». Justement, n’a-t-elle pas dépassé cet obstacle en utilisant la voie de la création d’entreprise pour s’engager autrement ?
Flora Ghebali : Tout à fait, si les jeunes se sont largement détournés de l’engagement syndical et politique, c’est en partie car ils ont trouvé des moyens plus efficaces et constructifs. La digitalisation de la société permet à chacun de devenir solutionneur et d’avoir un impact sur son environnement. C’est formidable les outils dont ma génération dispose pour changer le monde !
Vous pointez du doigt la façon dont tout un microcosme s’est approprié le sujet de l’économie sociale et solidaire : des médias de niche, des think tanks, plus occupés à réfléchir qu’à agir. Quelles pistes proposez-vous pour que ces sujets se démocratisent ?
Flora Ghebali : Oui, je critique l’économie sociale et solidaire car elle ne met pas en œuvre les efforts suffisants pour communiquer et s’ouvrir vers l’extérieur. Pourtant, je crois que toute l’économie pourrait devenir sociale et solidaire, cette dichotomie entre économie et ESS n’a pas de sens. Je pense qu’il faut commencer par instaurer un dialogue entre leurs acteurs pour dépasser les clichés et les a priori. La clé, à mon sens, est dans l’hybride.
Au sujet de la RSE, vous expliquez que son problème, c’est sa place au sein de l’entreprise. Quelle place faut-il lui donner ?
Flora Ghebali : La question de l’impact d’une entreprise sur la société est transversale et fondamentale. Elle doit être pilotée au plus haut niveau de l’entreprise, et organisée en transverse, car c’est dans son intérêt autant que dans l’intérêt collectif. Malheureusement, la RSE est encore trop souvent un sujet de niche, qu’on traite dans un coin, alors qu’il s’agit d’un sujet majeur.
Sur la nouvelle génération, vous écrivez qu’en « refusant ce qu’elle considère comme l’ancien monde, elle accentue le clivage ». N’est-ce pas là notre prochain défi, mis en exergue par la crise, que celui d’œuvrer à la réconciliation des générations ?
Flora Ghebali : Je suis inquiète d’une rupture générale entre les différentes communautés, comme par la possibilité que la croyance puisse remplacer un jour l’information, et que nous n’ayons plus de vérité commune. Il y a urgence à récréer du commun, et à redonner du sens à nos actions. Je développe ce point sur les trois derniers chapitres du livre où je tente de trouver quelques solutions à cette menace qui pèse sur notre pacte social.
Pour qu’elle puisse changer le monde, la jeunesse doit être éduquée. Un point que vous abordez en mettant en avant le problème de méthode de l’Éducation Nationale. Que faudrait-il faire évoluer ?
Flora Ghebali : Pour moi, c’est le cœur du problème. Non seulement, nous sommes chaque année parmi les derniers de l’OCDE du classement PISA en termes d’égalité des chances, mais notre système cherche à uniformiser les enfants au lieu de s’enrichir par la diversité. L’école a trop souvent tendance à brider, à décourager alors que parfois, une rencontre avec un professeur suffit à changer l’avenir d’un élève.
Vous dites qu’en 2020, « on n’a toujours pas réussi à conjuguer bien-être et salariat ». Pour faire bouger les lignes, vous développez des solutions comme le concept de « soft profit » pour changer la façon dont une entreprise fonctionne. En quoi cela consiste-t-il ?
Flora Ghebali : J’ai découvert naïvement un jour en cours d’économie, que « le seul but de l’entreprise était le profit ». Je pensais au contraire qu’il s’agissait de créer un collectif, de conduire des projets communs et que le profit était plutôt un moyen qu’une fin. Je ne nie pas sa nécessité, mais je crois qu’il y a beaucoup d’autres dimensions encore trop peu prises en compte. Le soft profit, c’est justement la façon dont le groupe interagit, la vision que porte le collectif sur le monde et sa conception de l’impact.
En 2019, vous avez créé votre propre agence d’innovation écologique et sociale pour accompagner les acteurs économiques dans leurs parcours de transition. Vous citez d’ailleurs dans votre livre de nombreuses entreprises portées par des citoyens engagés. Sont-ce ces parcours qui vous donnent foi en l’avenir ?
Flora Ghebali : Oui mais à vrai dire, dans chaque entreprise, nous rencontrons des personnes extraordinaires qui portent haut de belles valeurs. Sur les questions écologiques et sociales, il ne s’agit pas forcément d’être décideur pour changer les choses. Nous voyons de plus en plus de changement partir d’en bas et avoir un réel impact sur l’entreprise. Ce sont ces personnes qui transforment leurs entreprises de l’intérieur, ces fameux « intrapreneurs ». En tant qu’agence, nous sommes là pour les soutenir et mettre à leurs disposition les meilleurs outils.
Propos recueillis par Marie-Caroline Selmer
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