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GettyImages-142020092 | Source : GettyImages
OPINION | Par une simple écriture comptable, les capitaux propres des entreprises pourraient augmenter de 425 Mds euros d’ici 2022. Une modification temporaire du traitement fiscal de la réévaluation comptable des actifs des entreprises pourrait en effet les inciter à inscrire à leur bilan les plus-values qui résultent notamment de la tendance haussière des prix du foncier. Les recapitalisations comptables induites pourraient faciliter l’accès des entreprises au financement et soutenir leur capacité d’investissement.
La crise et les pertes qu’elle engendre pour beaucoup d’entreprises met à mal le niveau de leurs capitaux propres, c’est-à-dire la valeur résiduelle de l’entreprise revenant aux actionnaires quand tous les créanciers ont été remboursés. La restauration de solides coussins de capitaux propres est un facteur déterminant de la capacité d’investissement des entreprises dans les années à venir. Le dispositif de prêts participatifs annoncé récemment par le ministre de l’économie poursuit cet objectif en proposant un outil de financement en quasi-fonds propres bénéficiant d’une garantie publique partielle doté d’une capacité de financement de 20 Mds euros.
Une disposition de la loi de finance pour l’année 2021, moins commentée, pourrait également accroitre très sensiblement le niveau des capitaux propres comptables des entreprises. La neutralisation fiscale de la réévaluation libre des actifs jusqu’en décembre 2022 permettra aux entreprises qui le souhaitent de réévaluer leurs actifs à leur valeur de marché sans que l’écart de réévaluation ne soit réintégré immédiatement au résultat imposable. En temps normal, cette intégration est désincitative puisqu’elle implique une surcharge d’impôt sur les sociétés à court terme. Le surcroît de valeur à l’actif, résultant de la réévaluation, engendre une hausse des capitaux propre au passif par le biais de la hausse du résultat net.
Cette disposition n’est en rien anecdotique. Les actifs des entreprises sont le plus souvent comptablement valorisés à leur valeur historique minorée des amortissements cumulés quand ils sont amortissables. Or la dynamique des prix de l’immobilier depuis le début des années 2000 implique une divergence croissante entre la valeur de marché et la valeur comptable des actifs détenus par les entreprises.
Si l’on se cantonne aux actifs fonciers, les comptes de patrimoine de l’INSEE, reflétant les prix de marché, indiquent que les entreprises détenaient 1358 Mds euros de terrains supportant des bâtiments en 2019. Dans une étude publiée avec Denis Fougère et Remy Lecat, nous montrions que l’âge moyen des actifs immobiliers des entreprises est d’environ 14 ans. Selon l’indice de référence de l’INSEE, les prix de l’immobilier ont augmenté en France de 45 % entre 2005 et 2019. La différence entre la valeur de marché et la valeur comptable de l’actif des entreprises s’élèverait donc à près de 425 Mds euros au seul titre des terrains.
Leur réévaluation pourrait réhausser d’autant les capitaux propres comptables des entreprises françaises du fait de son impact sur le résultat net comptable. Cette inflation des capitaux propres comptables est de nature à améliorer significativement les ratios de leviers qui rapportent la dette financière aux capitaux propres – pour rappel, la dette nette des entreprises françaises s’établit aujourd’hui à 1 002 Mds euros.
Cette recapitalisation massive, fruit d’une écriture comptable performative, peut-elle contribuer au rebond des entreprises ?
L’objectif de cette disposition de la loi de finance est d’améliorer la capacité de financement des entreprises en leur permettant d’afficher un bilan plus flatteur, mais fidèle à leur situation actuelle.
Les résultats de l’étude préalablement citée, qui établit un lien causal entre la valeur de marché de l’immobilier des entreprises et leur capacité d’endettement, suggèrent que les financeurs sont en mesure de voir au-delà de la valeur comptable de l’actif. Ceci n’implique cependant pas que la revalorisation comptable de l’actif et sa recapitalisation corollaire seront sans effet sur le financement. L’amélioration du ratio de dette sur capitaux propres peut améliorer la cotation de crédit (l’évaluation externe de la probabilité de défaut d’une contrepartie, notamment celle délivrée par la Banque de France) qui influe sur les décisions d’octroi de crédit et sur le coût du crédit.
Plusieurs incertitudes demeurent cependant quant aux bénéfices macroéconomiques à attendre de cette disposition.
À court terme, le potentiel de revalorisation des actifs, hétérogène entre les entreprises, n’est pas nécessairement corrélé aux possibles difficultés de financement à l’issue de cette crise. Une telle décorrélation serait notamment observée si les entreprises détentrices de foncier avaient mieux traversé la crise du fait de charges fixes moins élevées. Cette corrélation entre le potentiel de revalorisation et l’anticipation de difficultés de financement déterminera en outre la propension des entreprises à se saisir de l’option puisqu’il est probable qu’elles ne revaloriseront leur actif que si elles perçoivent un bénéfice en matière de financement.
À plus long terme, le fait de procéder à une réévaluation exceptionnelle des actifs à un moment où les valorisations de marché sont historiquement élevées fait peser le risque, en cas de retournement des valorisations, d’altérer la fiabilité de l’information reflétée par les bilans comptables, et ce potentiellement au détriment de l’efficacité du financement de l’économie.
Simon Ray, économiste chez BSI Economics et enseignant à Paris-Dauphine
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