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La nouvelle est tombée comme un couperet. LVMH annonce ce mercredi avoir décidé, en accord avec Rihanna, de suspendre les activités de la marque Fenty en attendant une amélioration de la situation. « Rihanna et LVMH ont pris conjointement la décision de suspendre l’activité RTW (ready to wear), dans l’attente de meilleures conditions », précise LVMH dans un communiqué. Une annonce qui a surpris tant le lancement de Fenty Beauty avait l’intérêt de ses fans et l’admiration des observateurs du secteur du luxe.
Rôle modèle pour des millions de femmes, avec sa marque Fenty, Rihanna additionnait pour l’occasion les » premières « . Rihanna est en effet la première femme noire à diriger une grande maison de mode de luxe, la première femme à lancer sa propre marque au sein de LVMH, elle est également la première femme de couleur à le faire.
Elle devait être à la fois dirigeante et inspiratrice de la marque sur le plan créatif, rompant avec la gouvernance habituelle des maisons de luxe fondée sur le tandem créatif/commercial.
Enfin, elle se distingue comme étant la première personne non issue du milieu très sélectif qu’est la mode à se voir accorder la confiance et le financement du groupe LVMH.
Car convaincu du potentiel de la marque, Bernard Arnault a pris 50 % de l’entreprise Fenty Beauty, aux côtés de Rihanna. » Techniquement, Fenty Beauty est une filiale de Kendo, l’incubateur du groupe où elle a vu le jour » explique un des patrons du groupe LVMH.
C’est en effet à San Francisco, plus précisément au 425 Market street, l’artère commerçante de la ville, que Fenty a été lancée. L’endroit accueille Kendo, le mantra de Can Do, une start-up d’un genre nouveau. Un laboratoire d’idée qui regroupe 300 experts dédiés aux activités parfumerie du groupe LVMH. » Nous avons lancé Kendo pour lancer des produits déclenchant un fort engouement dans nos boutiques » explique David Suliteanu, son CEO. Et selon cet expert de la cosmétique, ancien patron de Séphora aux Etats-Unis, ce qui s’est passé avec Fenty Beauty est hors norme !
Depuis son lancement le 8 septembre 2017, la marque de cosmétiques de Rihanna cartonne. Distribuée par Séphora, Fenty Beauty a généré un chiffre d’affaires estimé à 570 millions de dollars l’an dernier, après seulement 15 mois d’activité. La marque vaudrait déjà plus de 3 milliards de dollars selon une estimation Forbes.
À 31 ans, Rihanna n’en était pas à son coup d’essai dans le business, elle est copropriétaire de la ligne de lingerie Savage X Fenty avec TechStyle Fashion Group, une société de mode en ligne de Los Angeles. Quelques jours avant l’annonce de LVMH, le fonds américain L. Catterton a pris une participation dans Savage X Fenty.
Chez Kendo, la structure dédiée aux futures pépites du groupe, elle a pu bénéficier du savoir faire en matière de création de marque. Du marketing au packaging en passant par la communication ou la distribution. C’est chez Kendo que sont nées, les Marc Jacobs Beauty, Karl Von D beauty ou encore Ole Heriksen.
Et le moins que l’on puisse dire, c’est que l’influenceuse aux 75 millions de followers, icône du féminisme et désormais capitaine d’industrie a voulu aller vite. Très vite.
La marque de cosmétiques n’était pas encore lancée qu’elle a voulu créer Fenty Fashion, sa marque de mode, avec les moyens et le » software » LVMH, mais à Paris, cette fois.
Fenty fashion veut vendre des habits, chaussures, accessoires et bijoux haut de gamme. » Ils m’ont fait cette proposition que je ne pouvais pas refuser, parce qu’il m’offre des moyens et un savoir-faire unique » a déclaré Rihanna au New York Times Style Magazine. » Bernard Arnault était si enthousiaste, il avait confiance en moi et en ma vision. «
La ligne de mode, lancée comprend des tailles allant jusqu’au 46, toujours dans un souci d’inclusion de toutes les femmes.
Pour le groupe français c’est une bonne occasion de tester et apprendre tout ce que le business model Rihanna peut révéler sur le futur digital et connecté du luxe. Car Fenty est une DNVB, une digital native vertical brand, une marque conçue pour les jeunes générations, les Millénials, vendu exclusivement sur Internet, avec quelques magasins éphémères seulement dans les endroits branchés de la planète, le quartier du Marais ou les Galeries Lafayette sur les Champs-Elysées, puis New York, Londres… » A Paris, Fenty a battu tous les records de vente aux Galeries Lafayette « , assure un observateur de la mode.
Dans ce type de modèle, les besoins en capital sont radicalement différents, et le retour sur investissement peut être plus rapide, les coûts fixes étant plus bas.
Las, la crise sanitaire a douché les espoirs du groupe. La mise en sommeil de la marque de prêt-à-porter est le signal faible d’un lancement affecté par la crise. Elle est surtout révélatrice d’une difficulté pour le groupe LVMH à lancer des marques. Après Christian Lacroix et Jean Patou, c’est au tour de Fenty de subir la loi d’airain de l’industrie du luxe. Les critères de rentabilité sont tels qu’il est impossible pour une de leurs marques de ne pas connaître une croissance rapide. Ils ne laissent pas vraiment leur chance au produit !
Si le cocktail de départ était alléchant, la mayonnaise n’a pas pris car la marque s’est positionnée sur un créneau luxe sur lequel elle n’était pas forcément légitime. Fenty est une DNVB construite sur une communauté (les fans de Rihanna). Mais l’offre n’a pas vraiment rencontré ces clients.
Autre difficulté, le » tout social média » ne suffit pas pour construire une marque de luxe. Pour séduire les nouveaux consommateurs, les marques doivent se différencier par la technologie, une ultrapersonnalisation, une créativité encore plus forte ainsi qu’un retour à un artisanat ou un mode de production raisonnée. Pas facile de mettre en place tout cela en quelques mois ! D’autant que la crise sanitaire n’a pas permis à Rihanna de faire la promotion de sa marque dans le monde entier.
Si la vente en ligne de produits et de services de luxe explose, elle représentera 25 % du total des ventes du secteur en 2025, elle doit être boostée par des expériences en magasins offrant toujours plus d’expériences, de théâtralisation et de services à des consommateurs aux exigences toujours plus aiguisées. Encore une fois la crise sanitaire et les confinements ont réduit les ambitions de la marque.
Rihanna est la première » influenceuse » à la tête d’une maison de luxe qui ne sort pas du milieu. Pour LVMH, cette démarche semble être un test pour voir s’il est possible de créer une marque de luxe viable reposant sur l’image d’une personnalité. Pas très concluant pour l’instant !
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