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La plateforme de vidéos au format court TikTok s’est imposée, en deux ans, comme le réseau social le plus inventif de la toile. Ce qui ne justifie pas d’y aller à tout prix et, surtout, n’importe comment, juste pour paraître « swag ».
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L’univers des médias sociaux tourne autour de TikTok. Preuve en est, c’est désormais la plateforme de vidéos au format court qui impose le « tic-tac » des fonctionnalités à la mode à ses concurrents. Avec Reels – vidéos de 15 secondes lancées à l’été 2020 – et Spotlight – plateforme de vidéos générées par les utilisateurs, inaugurée fin novembre -, Instagram et Snapchat font figure de copycats. Les 100 millions d’utilisateurs actifs mensuels du réseau social en Europe ne laissent pas, non plus, les marques indifférentes. De McDonald’s à Sephora, en passant par Undiz, Levi’s, Brossard, La Redoute ou Clarins, les marques se toquent peu à peu de la dernière-née des plateformes sociales pour entrer en contact avec la Gen Z ou, simplement, pour prouver à leurs challengers ce que Marcel Proust a le mieux exprimé : « L’audace réussit à ceux qui savent profiter des occasions ».
Alors, tout nouveau, tout beau ? Le réseau social n’est pas exempt de critiques, quant à la possible récupération des données de ses utilisateurs (voir encadré). Pour lever les fantasmes, TikTok publie des rapports de transparence semestriels. « Nous organisons des visites virtuelles de nos centres pour montrer comment nous traitons et sécurisons les informations des Européens, explique Arnaud Cabanis, Managing Director Global Business Solutions de TikTok France. Ce rapport nous aide énormément dans notre relation avec les marques. » Transparence est donc faite sur les actions garantissant la brand safety, qui mêlent algorithme et modération humaine. On apprend ainsi qu’à l’échelle mondiale, plus de 104 millions de vidéos ont été supprimées pour avoir enfreint les règles de la plateforme, soit moins de 1 % des contenus postés, et que parmi ces vidéos, 90,3 % ont été identifiées et modérées avant d’avoir été visionnées. La communication proactive de TikTok porte ses fruits. « Beaucoup d’analyses ont été réalisées par le groupe L’Oréal, auquel appartient la licence de parfums Cacharel, avant de donner le feu vert à la marque pour investir TikTok, explique Guillaume de Lesquen, directeur général des designer brands de L’Oréal. Il ne s’agissait pas d’engager la réputation de la marque, et donc du groupe, sans un maximum de réassurance de TikTok. Cela a été le cas et nous avons pu ouvrir le compte de Cacharel en juin 2020. » Reste à la plateforme à faire le nécessaire pour lever les derniers doutes pouvant naître en matière de brand safety, suite aux faits divers et reportages qui mettent en avant les dérives (arnaques, pornographie, challenges dangereux) touchant parfois ses jeunes audiences.
Prime à la créativité
Passé le feu des critiques, TikTok semble avoir beaucoup à offrir aux marques, notamment, pour séduire la Gen Z, des aficionados du réseau social – même si 67 % des utilisateurs TikTok dans le monde ont plus de 25 ans, selon Kantar. Pour peu d’en maîtriser les codes, différents de ceux en vogue sur le mastodonte Instagram. « Instagram reste un réseau social statutaire et incontournable, mais qui a un coeur de cible, les millennials, plus âgé que celui de TikTok où le nombre d’utilisateurs de la Gen Z, les 14-25 ans, explose, pose Christophe Huck, fondateur de Helmut, agence de publicité pour les marques de luxe. Cette tranche d’âge consomme les contenus de façon ludique et n’apprécie pas la publicité traditionnelle. TikTok s’avère alors le parfait terrain de jeu pour les marques qui adoptent une approche créative et contributive. »
S’il n’est pas impossible d’investir le réseau social sans s’appuyer sur des influenceurs, la force des « Créateurs » est indubitable. « L’influence sur Tik Tok est très puissante, confirme Paul Cotti, directeur du planning de l’agence Fuse. Les influenceurs sont les créateurs du contenu et se révèlent incontournables pour aider les vidéos de marques à décoller, en restant en phase avec le naturel et l’authenticité recherchés par la génération Z. » En collaboration avec l’agence Helmut, Cacharel, marque d’initiation aux parfums des jeunes femmes depuis 1973, travaille ainsi sa présence sur TikTok avec des prescripteurs en lesquels ses consommatrices, les 15-24 ans, ont confiance : l’actrice Shay Mitchell aux 4,8 millions d’abonnés et, plus spécifiquement sur le marché français, Mademoiselle Gloria (1,8 million d’abonnés sur TikTok) et Bilal Hassani (922 k). « Depuis 50 ans, nous accompagnons les jeunes femmes dans l’affirmation de leur féminité et avons, pour cela, toujours été très proches de ce qu’elles consomment : des magazines ou des émissions de télévision, dans les années 1980s, 90s, puis, au début des années 2000, le digital, et, plus récemment les réseaux sociaux, contextualise Guillaume de Lesquen. L’influence est une évidence pour Cacharel, car nous croyons en l’idée de recommandation portée par la voix d’une grande soeur. Ces égéries donnent une authenticité qui correspond au ton très vrai de la marque. »
Pour son parfum Yes I am, dont le flacon, très visuel, reprend le design d’un rouge à lèvres décliné en 3 couleurs, Cacharel s’est amusé à créer des activations en relation, dont le #YesIamFestivalChallenge. Du 15 juillet au 15 août 2020, période habituellement riche en festivals, la marque a demandé à ses influenceurs de passer, d’un coup de spray de parfum, d’un look normal à un état d’esprit festival et d’inciter, ainsi, leurs followers à faire de même. La campagne de « divertissement » a généré 8,2 millions de vues et un engagement d’un million. La marque, qui avance pas à pas sur le réseau, lance le 9 décembre le « Kissmass Challenge », épaulée par ses influenceurs français et espagnols. « Plus nous valorisons l’originalité de nos produits dans les vidéos, plus nous nous rapprochons de notre cible. Par sa forme, le flacon appelle au storytelling, tout comme le coffret en métal en forme de bouche que nous avons créé pour Noël. Ce sont des supports de mise en scène formidables », partage Guillaume de Lesquen, l’oeil sur plusieurs indicateurs de performance – nombre de vues, croissance du nombre des followers, qualité des commentaires et ventes chez les retailers spécialisés.
TikTok, plateforme de l’UGC
Créativité, authenticité, divertissement. De ces caractéristiques propres à TikTok naît donc une bonne dose d’engagement que les challenges, marque de fabrique de la plateforme, viennent alimenter. « La philosophie de challenge porté par TikTok incite à participer et pousse à l’activation de communautés. Instagram est un formidable support d’image et TikTok d’engagement », résume ainsi Christophe Huck, qui compare TikTok à un « YouTube contributif ». Mais, pour engager les utilisateurs, encore faut-il respecter quelques règles : trouver une idée originale, créer un contenu dédié, choisir la bonne musique (TikTok propose 7 000 chansons libres de droit en France) et sélectionner un hashtag viral. En la matière, La Redoute fait figure de modèle. La marque, qui souhaitait augmenter sa notoriété, a lancé le #LaRedouteChallenge en août/septembre 2020, incitant les utilisateurs à devenir les nouveaux mannequins de l’enseigne. La Redoute s’est appuyée sur deux formats publicitaires de TikTok et sur de l’influence. Le résultat prend la forme d’un record : plus de 255 millions de vues et 112 000 participations.
Undiz compte aussi parmi les marques pionnières sur le réseau. Accompagnée de son agence média Fuse, la marque de lingerie du groupe Etam ne fait pas dans la dentelle pour sa première opération, #FundizFair, portée par 6 influenceurs et de l’achat média. Le challenge, du 19 au 26 novembre 2019, a incité les TikTokers à créer une vidéo dans laquelle ils composent le signe « UZ » avec leurs mains avant de changer d’apparence, et de se montrer dans une tenue amusante. Les 6 influenceurs, dont Lea Elui (près de 13 millions d’abonnés sur TikTok), ont ouvert la danse vêtus de combinaisons polaires intégrales. Pour engendrer davantage d’engagement, la marque s’est également appuyée sur de l’achat média. Le premier jour de l’opération, Undiz a d’abord acheté l’espace publicitaire principal de TikTok : le format Brand Takeover, soit le lancement d’une vidéo de marque en plein écran lors de l’ouverture de l’application. Les jours suivants, l’enseigne a sélectionné un deuxième format basé sur la performance, In-Feed Ads, lui permettant d’afficher sa vidéo directement dans le flux de recommandation (« For You ») des utilisateurs. La campagne de branding récolte plus de 45 millions de vues en huit jours – un chiffre largement revu à la hausse en novembre 2020 : 115 millions. Le résultat dépasse les espérances d’Undiz. « La campagne nous a permis de générer plus d’impressions que la promesse faite par TikTok en amont, relève Maylis Pagniez, responsable performance et médias de Undiz. Avec un reach important et une notoriété de la marque en hausse, nous avons rempli notre objectif de prendre des parts de voix sur la génération Z. » La marque a, en parallèle, lancé sa page Undiz Family sur TikTok, qui comptabilise 15 000 abonnés.
Coup de pub, coup de pouce
TikTok ne déroge pas à la règle des réseaux sociaux : passer d’une plateforme de contributions à une plateforme sociale et publicitaire. « Les perceptions sur Tik Tok changent, fait part Paul Cotti. À la différence d’il y a un an, le réseau est désormais adressé comme n’importe quelle plateforme sociale et intègre une stratégie média plus globale. » L’éventail publicitaire de TikTok se compose des formats Brand Takeover, In-Feed Ads et Hashtag Challenge – choisis par Undiz – mais aussi des Top View (vidéo en plein écran, avec le son, dans un emplacement privilégié) et d’Effets de marque (filtres et autocollants brandés, et depuis le 1er décembre de réalité augmentée). Maylis Pagniez apprécie : « Les formats publicitaires proposés par Tik Tok sont exclusifs pour les marques. L’achat de notoriété est très qualitatif. »
Mais si les opérations sur TikTok génèrent de la notoriété et de l’engagement, débouchent-elles aussi sur des ventes ? Pour Maylis Pagniez, « au moment du #FundizFair, TikTok n’avait pas vocation à apporter du trafic à l’extérieur de sa plateforme. Ce n’était d’ailleurs pas notre objectif principal ». « Nous avons lancé une nouvelle campagne sur TikTok en septembre 2020. La performance en termes de reach est évidente ; en revanche, la redirection sur notre site génère un faible taux d’arrivée des utilisateurs. La déperdition entre le clic et la visite est assez similaire à ce que nous observions sur Snapchat au moment de son lancement », relativise-t-elle. Christophe Huck est sur la même ligne : « Aujourd’hui, les marques qui vont sur TikTok ne le font pas pour la conversion business, mais pour l’engagement. Le nombre de vidéos générées par les challenges est l’indicateur de performance numéro un à observer. » Sauf que l’enrichissement des formats publicitaires proposés par TikTok en 2020 semble déjà changer la donne. Et 2021 pourrait bien encore rebattre les cartes en faveur de la plateforme montante : TikTok promet l’arrivée d’une fonctionnalité de social commerce sur le réseau dans les prochains mois… Et toc !
TikTok : « Il y a beaucoup de fantasmes autour des data »
En février 2019, TikTok est condamné par la Federal Trade Commission aux États-Unis à une amende de 5,7 millions de dollars (5 millions d’euros) pour collecte illégale de données personnelles de mineurs sans autorisation parentale. Mais, pour Fabien Laxague, responsable communication de TikTok France, il s’agit de l’histoire ancienne : « Ces critiques sur la fuite des données concernent Musical.ly, qui a été racheté a posteriori par Tik Tok », justifie-t-il. Et de donner des garanties : « Il y a beaucoup de fantasmes autour des data. Nous veillons à ce que les données collectées sur la plateforme – âge, sexe, zone géographique et manipulation de la vidéo – le soient uniquement pour un usage commercial et d’analyse de performance des publicités. Nous stockons les données des utilisateurs sur des serveurs très sécurisés aux États-Unis, avec un back-up à Singapour et des contrôles réguliers sur leur bonne protection. Nous investissons 500 millions de dollars pour ouvrir un data center en Irlande, à horizon 2022. »
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