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Alors que le gouvernement a douché les espoirs de la montagne française en reportant une nouvelle fois l’ouverture des stations, l’urgence est désormais à réinventer un modèle économique. Dans son ouvrage « Management et marketing des stations de montagne » chez Territorial Éditions, Armelle Solelhac, experte du tourisme de montagne, esquisse des solutions et propose des nouvelles idées. Interview exclusive.
C’est officiel, les stations resteront fermées en février. La catastrophe annoncée aura-t-elle lieu pour les professionnels de la montagne ?
Armelle Solelhac : Oui, économiquement le poids des vacances de février pour la montagne c’est 35 % du chiffre d’affaires de l’année, contre 13 % à Noël et 12 % pour l’avant saison (janvier). Cela s’ajoute aux pertes encaissées en 2020, 1,4 milliard de pertes pour les 6 semaines tronquées. Cette année blanche qui s’annonce est donc une catastrophe annoncée. L’économie de la montagne, c’est 20 milliards d’euros de chiffres d’affaires. Pourtant, cela semble peser très peu pour nos gouvernants.
Les stations peuvent-elles en profiter pour se réinventer ?
Armelle Solelhac : Face à cette crise sans précédent, les stations françaises doivent impérativement se réinventer, l’occasion d’un nouveau départ pour l’industrie du tourisme de montagne. En effet, le “business model” qui repose aujourd’hui sur la mono activité, à savoir le ski alpin n’est plus possible. Les stations arrivent à la fin d’un système : la dépendance au ski alpin et aux remontées mécaniques.
Depuis le 19 décembre 2020, les 317 stations françaises doivent proposer des activités « hors ski » aux vacanciers afin de leur assurer un séjour à la hauteur de leurs attentes. Les stations villages, ou territoires de montagne, ont pris, il y a quelques années ce virage et se sont diversifiées plus rapidement que les stations de haute montagne pour qui l’activité du ski alpin reste l’attrait majeur.
L’urgence pour les stations de ski est de changer leur image. Pendant longtemps, les stations n’avaient pas beaucoup d’effort à faire pour faire le plein l’hiver. Puis face à une concurrence du soleil d’hiver et des restrictions de pouvoir d’achat, les vacances d’hiver ont commencé à souffrir. Moins de clients, moins de classes de neige pour donner le goût du ski au plus jeunes… La pratique du ski alpin s’est marginalisée.
Cela a obligé les stations à communiquer en mettant en avant leurs plus beaux atours, des restaurants étoilés, des palaces, des chalets d’exception. Au final, la perception d’une destination « de riches » s’est renforcée pendant l’hiver, alors même que la montagne souffre d’un déficit d’image pour l’été.
En communication, mettre en avant les joyaux de la couronne est une facilité. Mais ce n’est pas ce que les clients recherchent.
Pourtant, on a les forfaits les moins chers du monde (au kilomètre skiable). Toutes sortes de catégories d’établissements. Des stations familles très abordables. Le budget moyen d’un séjour hiver pour 4 personnes n’est que de 1 600 euros par famille.
D’ailleurs, on note que la perception de la valeur ajoutée de la montagne française est bien meilleure chez les étrangers. Ce qui explique que la clientèle étrangère est désormais capitale pour la montagne.
Dans votre livre vous avez réalisé une prospective touristique d’ici à 2035 !
Armelle Solelhac : En analysant les comportements et les attentes des visiteurs dans 24 ans, j’ai identifié plusieurs tendances lourdes pour les prochaines décennies qui peuvent inspirer les professionnels de la montagne.
La première est l’évolution du tourisme de masse au tourisme d’espace. La question sous-jacente est celle du surtourisme. En fait, il s’agit d’une mauvaise gestion de flux. Trop de clients pendant les vacances de février et pas assez en janvier. Certains ont pris des décisions radicales, à l’exemple des 29 villages d’alpinistes en Europe (Italie, Slovénie, Allemagne, Autriche, Suisse) qui ont décidé de limiter le nombre de visiteurs. Ils sont désormais plus rentables qu’avant car les gens ne font plus la queue, ils consomment mieux et plus. Ils ont réussi à augmenter la qualité de l’expérience et fidéliser les clients. Un client fidèle coûte 11 fois moins cher qu’un nouveau prospect.
La deuxième tendance est le « Friction Free » ou l’expérience touristique « sur-mesure et sans couture ». 64 % des consommateurs pensent que l’expérience est plus importante que le prix. À Zermatt en Suisse, les visiteurs doivent laisser leur voiture en bas de la station. Ils arrivent en train et sont pris en charge par les hébergeurs. Les professionnelles de la montagne doivent repenser et réinventer tout le parcours client. Comme au Japon où les bagages des clients sont pris en charge directement au domicile pour éviter la galère. Les irritants sont gommés.
Je pense aussi que l’« hypertourisme » doit désormais intégrer l’hyperconnection. Aujourd’hui, le temps est binaire. On est soit en connexion ou en déconnexion, en digitale détox. Il faut proposer de belles expériences qui alternent les deux. La station de Saint-Gervais Mont-Blanc propose, par exemple, de faire une ascension virtuelle du Mont-Blanc sans embouteillage et dans des conditions climatiques d’exception.
Concernant les pratiques sportives : c’est la fin du mythe des activités en continue, cette envie de tout cocher en une semaine. Le client a envie de savoir qu’il peut faire des activités nombreuses et variées mais surtout de les faire à son rythme.
Pour mémoire, 50 % de la clientèle qui vient en montagne ne skie pas. Et les skieurs skient moins de 4 heures par jour. Le ski n’est plus l’activité phare. Pendant le reste de la journée, les clients veulent faire de belles expériences. Ils veulent de plus en plus se rendre utiles : contribuer à replanter la flore, restaurer des vieilles bâtisses, participer à des opérations de nettoyage de la montagne, protéger les espèces animales.
Il faut que les stations passent au green tourisme, utile pour satisfaire la quête de sens. Aujourd’hui, 35 % des touristes dans le monde préfèrent opter pour des vacances éco-responsables. Ainsi, il est important de développer un tourisme éthique et éco-responsable pour satisfaire le plus grand nombre.
Autre tendance forte, le tourisme partout et tout le temps : certaines villes, territoires développent la création d’espace de vie comme à Briançon, dans les Alpes du Sud. Le Cloud Citadel est un espace de coliving et de coworking pour les nomades numériques et les travailleurs à distance amoureux de la montagne. L’occasion d’allier productivité professionnelle et activités de montagne !
“Management et marketing des stations de montagne” – 2ème édition. Sorti le 20 janvier 2021 chez Territorial Éditions
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Yalayolo Magazine