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GettyImages-97970462 | Sources : GettyImages
Apparue dès le début du XXe siècle outre atlantique, l’idée d’évaluer les performances autres que financières des entreprises, notamment sociétales et environnementales, semble avoir le vent en poupe depuis les années 1990. C’est l’époque de l’émergence des premiers fonds verts et des premiers centres de recherche extra-financière. Rien qu’en France, l’ISR (investissement socialement responsable) connaît un développement phénoménal, passant de 3,9 milliards d’euros en 2003 à 222,9 milliards d’euros une décennie plus tard. L’année 2015 marque aussi un véritable tournant : la COP21 et les accords de Paris qui en découlent ainsi que la publication des 17 objectifs de développement durable (ODD) par l’ONU consacrent un nouveau paradigme de société, et avec lui le bien-fondé des évaluations extra-financières.
Sur le papier, ces nouvelles formes d’évaluation proposées par quelques agences indépendantes ont tout pour séduire. Là où la notation classique s’attache à évaluer la simple solvabilité d’une entreprise, l’analyse approfondie des critères ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance) ambitionne d’informer des investisseurs potentiels dans le sens de plus d’éthique et de soutenabilité. Dans la lignée de la RSE, il semble bien que ces nouvelles formes de notation s’inscrivent dans un mouvement plus global de nos sociétés, avec l’émergence de nouveaux modes de consommation, une attention accrue portée à la soutenabilité et une importance renouvelée accordée au long-terme. Faut-il y voir une nouvelle aubaine pour des entreprises qui souhaiteraient verdir leur image ou au contraire le signe d’une évolution vertueuse de la façon dont les entreprises imaginent leurs activités et se positionnent sur l’avenir ? Ce mode d’évaluation favorable aux entreprises à mission annonce-t-il l’avènement massif d’organisations aux gouvernances partagées ?
Difficile de résumer en quelques mots les mécaniques de la notation extra-financière. Chaque agence de notation dispose d’ailleurs de ses grilles et ses critères d’évaluation, d’une méthodologie qui lui est propre. Côté environnemental, ce sont par exemple les émissions de CO2, la consommation d’électricité, le niveau de tri des déchets ou encore l’impact sur l’environnement qui sont quantifiés. Les critères de gouvernance renvoient quant à eux à la lutte contre la corruption, la transparence sur les rémunérations ou encore le fonctionnement du conseil d’administration et de la direction. La loi PACTE a par ailleurs installé l’entreprise à mission en France qui vise à engager les parties prenantes des organisations dans l’exécution de leur raison d’être. L’évolution managériale qui en résulte appelle de façon consubstantielle une gouvernance partagée et une agilité systémique. Les témoignages de 200 leaders de 30 pays recueillis dans l’ouvrage “L’Entreprise Nouvelle Génération” le montrent sans équivoque. Enfin, les critères sociaux sont imaginés afin d’évaluer l’impact de l’activité de l’entreprise sur les clients, les collaborateurs ou encore les communautés locales. Notamment en termes de respect des droits fondamentaux ou de sécurité par exemple.
Le risque de maturité des entreprises
Mais au-delà de ces vertueux principes, la notation extra-financière a-t-elle réellement un impact sur le comportement des entreprises, sur leur organisation interne ou sur la préservation de l’environnement ? Comment être sûr que certains acteurs ne cherchent à profiter de ces indicateurs afin de verdir leur image, que ce soit auprès des investisseurs ou du public ? Les modalités d’évaluation des quelques agences spécialisées du secteur peuvent poser question. Soit la notation est dite « sollicitée » à la demande de l’entreprise concernée et la procédure ressemble peu ou prou à un audit externe mené par l’agence de notation, représentant un travail considérable qui repose sur des entretiens, des centaines de pages de questionnaire etc. Mais le bilan obtenu n’est pas rendu public sans l’accord de l’entreprise.. L’autre évaluation, la notation « déclarative », est menée sans que l’entreprise ait demandé quoi que ce soit, et repose alors principalement sur des rapports et autres données publiques. On voit bien comment ces deux modalités d’évaluation présentent chacune des limites. Et puis quel est réellement le périmètre de ces évaluations ? Les grandes multinationales ont depuis longtemps segmenté leurs activités, multiplié leurs filiales et externalisé à des sous-traitants les activités pouvant porter préjudice à leur image, aussi bien environnementale que sociale. Le risque ? Que l’évaluation des agences indépendantes ne soit pas réellement capable de quantifier de manière fine et sincère la soutenabilité de ces groupes du début à la fin de la chaîne. Côté entreprises, certains critiquent l’absence de maturité du secteur. Opacité, absence de régulation et de contrôle, grilles d’évaluation et méthodologies analytiques différentes d’une agence à l’autre alimentent pour l’instant les questionnements.
L’Europe a su rapidement se positionner en avant-garde de la notation
Et de fait, au-delà de ces doutes, la difficulté est aussi plus globale. Comment déterminer et définir ce que serait un comportement vertueux sur le plan écologique, social ou sur celui de la gouvernance ? Évidemment, il est simple de mesurer quelques indicateurs financiers, de compiler des chiffres et des projections de rentabilité. Il est tout aussi facile de caractériser un désastre écologique quand cela se produit sans susciter trop de débats. Mais en revanche, qu’est-ce qu’un bon élève du point de vue de l’environnement ou de la gouvernance ? A quoi le mesurer ? Et là, les réponses apparaissent nettement moins tranchées… Mais au fond, il y a peut-être de quoi se réjouir que ces questions soient posées très concrètement, dans les bureaux des agences comme des entreprises. Une introspection et un travail de fond dont nous ne pourrons faire l’économie alors que la responsabilité et le rôle des entreprises dans la conception d’un monde soutenable est plus certaine que jamais.
Cette question des critères et des standards vertueux en amène une autre. Est-il possible d’évaluer selon des critères objectifs des pratiques qui sont souvent aussi culturelles, dépendantes de l’histoire de tel ou tel pays, de ses normes ou même de sa langue ? Force est de constater que l’essentiel des acteurs du secteur de la notation extra-financière est historiquement européen. Au Royaume-Uni déjà, Core Ratings, Eiris ou encore Trucost se sont imposés comme des acteurs d’importance. En France, ce sont Vigeo et Ethifinance qui tiennent le haut du pavé. L’Europe a su rapidement se positionner en avant-garde de la notation. Les critères de notation, à l’instar des normes comptables, représentent bel et bien un enjeu de pouvoir et d’hégémonie entre les États.
Le leader tricolore, Vigéo, est ainsi passé sous pavillon américain en 2019
Pas plus tard qu’en juin 2020, la Commission européenne a enfin sauté le pas, en confiant à l’EFRAG la mission de travailler à l’élaboration d’un référentiel commun pour les informations extra-financières. Mais d’autres acteurs se sont aussi lancés dans la course : l’IASB basé à Londres, ou encore une coalition d’acteurs privés aux États-Unis… Ce n’est pas un hasard si la plupart des agences européennes d’importance se font acheter massivement par des groupes étrangers, notamment américains. Le leader tricolore, Vigéo, est ainsi passé sous pavillon américain en 2019, avec son rachat par le géant Moody’s. La notation extra-financière apparaît comme un nouveau terrain de jeu et un marché prometteur pour les États, les entreprises et le monde de la finance. Reste à savoir si l’Europe parviendra à rester dans la course et à s’imposer.
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