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Le 18 mars 2020, la Banque centrale européenne (BCE) annonçait son plan d’urgence de 750 milliards d’euros pour faire face à la crise de la Covid 19. Une somme pour le moins colossale accompagnée des propos de sa Présidente Christine Lagarde qui déclarait qu’il « n’y avait pas de limites à notre engagement envers l’euro ». Ce plan de soutien massif interroge sur l’origine de cette création monétaire et invite certains à parler « d’argent magique ». Ce concept s’apparente à la création monétaire sans corrélation directe à la constitution de richesses dans l’économie réelle. Il a souvent pour corollaire un risque de hausse de l’inflation, des bulles sur le prix des actifs ou encore une remise en cause de l’indépendance des banques centrales.
En réalité, cet argent n’a rien de magique et s’inscrit dans le cadre des politiques non conventionnelles de Quantitative Easing (QE) déjà mises en œuvre par la BCE depuis 2015 et renouvelées depuis.
La crise sanitaire a soulevé de nouvelles questions telles que la possibilité pour une banque centrale de monétiser la dette publique des Etats européens (c’est-à-dire de financer les déficits publics par de la création monétaire). Une équation complexe qui prend en compte un ensemble de paramètres qu’il convient d’expliquer.
Le plan d’urgence de la BCE annoncé en mars 2020 amorcé dans le cadre du programme Pandemic Emergency Purchase Programme (PEPP) a remis sur le devant de la scène la politique monétaire non conventionnelle menée par la Banque centrale depuis la crise des dettes souveraines de la zone euro de 2012. Cette politique se traduit par des politiques d’assouplissement quantitatif (ce que l’on nomme également Quantitative Easing), qui consiste pour la banque centrale à racheter des obligations d’Etat sur le marché secondaire et à les financer par l’émission de réserves sur les comptes que détiennent les banques commerciales auprès de la Banque centrale.
Ce procédé a pour conséquence d’accroître le bilan de la Banque centrale et permet aux Etats de modérer le poids de la charge de la dette. Néanmoins, cette opération n’est pas « gratuite » : le QE permet d’améliorer la capacité des Etats à financer leur dette en les faisant bénéficier d’un plus faible taux d’intérêt. Ce mécanisme aide particulièrement les pays ayant des difficultés financières, ou fortement endettés, pour se financer sur les marchés financiers. En effet, les taux d’intérêt sur les obligations souveraines pourraient être très élevés en raison du risque d’insolvabilité que portent ces Etats, les rendant à leurs tours insolvables s’ils étaient dans l’incapacité d’honorer ces taux élevés.
Cet argent n’est donc pas magique mais permet à des pays d’éviter le défaut et, dans un contexte de très faible inflation, d’éviter de nouvelles crises financières. Dans le cadre de l’Union européenne, cette politique permet également de pallier l’absence de politique budgétaire commune. En effet, la zone euro n’a pas de budget commun lui permettant de faire face aux chocs exogènes. Néanmoins, afin de faire face à la crise, une avancée majeure sur le plan budgétaire s’est produite. En effet, la Commission européenne a présenté le 27 mai 2020 au Parlement européen, un plan de relance d’un montant de 750 milliards d’euros. Pour la première fois, la Commission empruntera sur les marchés financiers qui abonderont le budget européen. Le plan prévoit 500 milliards d’euros transférés, par le canal du budget européen, aux États membres qui ont été les plus affectés par le Covid-19 et 250 milliards d’euros distribués sous forme de prêts.
Il apparaît donc difficile pour une Banque centrale de financer la dette publique d’un Etat par d’autre moyen en raison de son indépendance. En effet, selon l’article 130 du TFUE, « les institutions, organes ou organismes de l’Union ainsi que les gouvernements des États membres s’engagent à ne pas influencer les membres des organes de décision de la Banque centrale européenne ou des banques centrales nationales dans l’accomplissement de leurs missions ». Cet article affirme le fait que la BCE est une institution indépendante dont la mission est d’assurer la stabilité des prix dans la zone euro et d’atteindre la cible d’inflation de 2 %. A ce titre, elle ne peut financer directement la dette des Etats : la quantité de monnaie en circulation doit permettre de contenir l’inflation. Elle n’a pas vocation à financer la relance économique (prérogative de la politique budgétaire) mais à garantir l’accès aux moyens de financement nécessaires aux agents économiques et éviter une fragmentation au sein même de la zone euro.
Une politique monétaire indépendante permet de limiter les tensions inflationnistes et les risques d’hyperinflation. Un des exemples le plus marquant reste au XXème siècle celui de l’hyperinflation en Allemagne sous la République de Weimar : la création de monnaie non contrôlée pour régler la dette du Traité de Versailles a ruiné une partie du pays et laissé une empreinte forte expliquant encore aujourd’hui l’attachement de l’Allemagne à l’indépendance de la Banque centrale. De fait, l’indépendance de la BCE lui permet d’être la garante des prix et d’assurer la confiance des investisseurs dans la monnaie malgré les crises et donc, de préserver la valeur de l’euro.
L’idée de la monnaie hélicoptère, qui reviendrait pour la Banque centrale à alimenter directement le compte en banque des ménages en créant de la monnaie, procède des mêmes contraintes et nécessiterait une coordination renforcée entre la BCE et les autorités budgétaires des Etats membres. Rappelons que ce procédé n’est pas utilisé et qu’au mois de mars 2020 aux Etats-Unis, ce n’est pas la Réserve fédérale qui a distribué un chèque de 1 200 USD aux Américains mais bien l’Etat en s’endettant. C’est donc bien la politique budgétaire expansionniste de l’Etat fédéral américain qui a permis de distribuer cet argent. De plus, cette politique économique pourrait inciter les consommateurs à davantage épargner qu’à injecter directement les liquidités au sein de l’économie réelle. En période de crise, nombre de ménages constituent une épargne de précaution.
A force de regarder du côté de la dette, on oublierait l’existence de cette épargne qui pourrait financer davantage les entreprises. L’épargne des ménages, dont le taux dépasse en France les 20 % de leur revenu disponible, pourrait être mieux fléchée pour financer le tissu productif et permettre un fort rebond économique ; la croissance restant le premier facteur de désendettement.
Article co-rédigé par Anne-Sophie Alsif (BSI Economics, BIPE) et Domitille de La Touanne (BIPE)
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