[ad_1]
Fabrice Zerah, serial entrepreneeur parti de rien, a créé en quelques années un champion européen, Ubisolution, qui se distingue dans les technologies RFID qui rendent les objets « intelligents ». Retour sur un parcours fulgurant au cours duquel il a parfois échoué, souvent réussi, et surtout, beaucoup appris.
Si l’on devait résumer votre parcours en une phrase, vous avez créé votre entreprise grâce au chômage ?
Commençons par le commencement. Juste avant de créer Ubi solutions, j’avais mis toutes mes économies dans une start-up qui a déposé le bilan. Ca a été très dur mais j’ai beaucoup appris de cet échec comme de tous mes échecs d’ailleurs. Au chômage, j’ai commencé par envoyer des CV sans beaucoup de résultats car je n’avais pas de diplôme probant et pas d’expérience professionnelle significative. Donc d’une certaine manière, je n’avais pas d’autre choix que de créer mon entreprise. J’ai bénéficié de l’ACCRE, un dispositif de Pôle Emploi qui m’a permis de faire vivre la société, de réaliser des économies et de me donner du souffle pendant les premiers temps.
On a l’impression, quand on se penche sur votre itinéraire, que vous arrivez toujours à bonifier vos échecs. Par exemple, celui de vos études.
Oui, c’est vrai. J’ai tenté le concours de médecine que j’ai raté de 10 places. Je me suis ensuite inscrit en licence de sciences éco. mais ça ne me plaisait pas et j’ai arrêté au bout d’un an. Si j’avais fait une bonne école de commerce, je suis certain que je n’en serais pas là où j’en suis aujourd’hui.
Pourquoi ?
Parce que comme la plupart des gens qui sortent d’HEC ou de l’ESSEC, j’aurais été tenté de rejoindre un grand groupe avec les avantages, la sécurité et le confort qu’il procure. Quand vous êtes polytechnicien, que vous créez une boîte et que vous vous plantez, ça fait tâche dans votre CV. Moi, je n’avais rien à perdre.
Ca n’est pas un peu réducteur comme vision ? Il y a aussi des jeunes qui sortent de grandes écoles et montent de belles start-up et d’autres, en échec scolaire, qui ne s’en sortent pas…
Vous avez raison. Dans les entreprises qui évoluent dans mon secteur, je crois surtout à la passion. Passion, d’abord, pour la technologie que l’on défend. C’est passionnant d’innover, de l’adapter via de nouveau concepts. Je suis aussi passionné par l’international et par la croissance de l’entreprise. Mon modèle, comme pour beaucoup d’entrepreneurs, c’est Elon Musk. Quand il décrit ses concepts, on voit qu’il est habité. Il a fait mieux que la NASA en dix ans et mieux que tous les constructeurs automobiles avec Tesla. Il est clair que sa motivation principale n’est pas l’argent.
Vous êtes plus un ingénieur ou un commercial ?
Je me définis d’abord comme un créatif. Quand je décide de faire des masques connectés en plein Covid, pour que les entreprises puissent distribuer des masques sains et opérationnels à leurs salariés, j’invente un concept. Et bien sûr, je dois communiquer et vendre, donc je fais aussi du commerce.
Comment avez-vous traversé la période du confinement ?
J’ai mis un point d’honneur à ne pas utiliser le dispositif du chômage partiel. J’ai dit aux équipes : « c’est le moment de créer de nouveaux concepts, de restructurer l’entreprise qui est en hyper croissance et de reprendre de l’avance ». Je pouvais le faire parce que je n’avais aucun problème de trésorerie. Si mes collaborateurs avaient été en chômage partiel, je n’aurais pas pu réaliser le masque connecté.
Pourquoi n’avez-vous jamais levé des fonds pour développer votre entreprise ?
Je m’en méfie beaucoup. J’ai vu beaucoup d’entrepreneurs qui voulaient créer des entreprises pour les revendre le plus vite possible. Pour certains, la levée de fonds était même l’objectif. Moi, je suis sur du long terme. J’ai voulu construire des fondations solides, me développer progressivement et garder toujours la maîtrise de l’entreprise.
Vous critiquez les levées de fonds ou la dérive des levées de fonds ?
Je ne suis pas favorable à un système où l’on valorise une boîte par rapport à ses levées de fonds. Pour moi, la « valo » doit être calculée par rapport à un chiffre d’affaires et un résultat. Back to basics… La pérennité d’une entreprise, c’est sa rentabilité qui l’assure. Maintenant, je ne dis pas qu’on ne fera jamais une levée de fonds. Si un jour nous avons un projet qui en nécessite une, pourquoi pas.
On a parlé diplôme et argent, un mot sur les réseaux. Dans votre livre, vous conseillez aux personnes qui n’en ont pas de se les fabriquer. Comment ?
Les réseaux sociaux ont beaucoup changé les choses. Aujourd’hui, LinkedIn, notamment, est un outil formidable qui n’existait pas il y a quinze ans. Après, il ne faut pas redouter le phoning. Au départ, je passais 300 coups de fil par jour…
… Ca, ça n’est pas ce qu’on appelle du réseau, c’est du commercial pur et dur.
Appelez cela comme vous voulez mais à l’arrivée, c’est comme ça que je décrochais des rendez-vous d’affaires très importants. J’avais 26 ans et au culot, je me suis retrouvé face à 50 dirigeants d’Auchan, parmi lesquels Gérard et Arnaud Mulliez, pour leur faire une démonstration de ma technologie RFID et leur expliquer ce qu’elle pourrait apporter à leur logistique. J’avais un prototype de raquette à puce que j’avais bidouillé dans mon garage et je devais les convaincre que j’allais révolutionner leur métier ! Il ne faut pas être fataliste, se dire : « je n’ai pas le réseau, je ne suis le fils de personne ». Avec de la détermination, de la passion et des convictions, on obtient beaucoup de choses.
Vous n’avez jamais essayé de bâtir un vrai réseau en participant à des clubs d’affaires, en allant à des réceptions où vous pouvez rencontrer des clients ou des fournisseurs potentiels ?
Si, je participe parfois à des événements de networking mais pour être franc, cela ne m’apporte pas grand-chose. Le plus efficace, c’est le phoning, le culot et les réseaux sociaux. J’avoue que je suis fasciné par certains influenceurs qui arrivent à acquérir une communauté de plusieurs millions de personnes en postant des photos et en racontant leur vie.
Vous avez quelque chose contre les « fils à papa » que vous chambrez dans votre livre ?
Non, mais nous, on doit se faire un nom, eux, seulement un prénom. Je suis conscient qu’ils ont des handicaps car l’ombre de papa plane sur eux. Mais quand l’un fils Bolloré, par exemple demande un rendez-vous, il l’obtient. C’est quand même un avantage. Leurs freins sont psychologiques.
Par rapport à un entrepreneur qui est « parti de rien », peut-être que le « fils à papa » n’a pas la même envie ?
C’est possible. Je me souviens d’un rendez-vous à l’EPR de Flamanville avec des responsables techniques qui avait lieu au petit matin. J’ai dû rouler de nuit, sous une pluie battante, on ne m’a pas servi un café en arrivant et je n’avais aucun garantie que le rendez-vous aboutisse. Il faut avoir faim pour se « taper » des galères comme ça.
Vous êtes un ardent défenseur de la France, « paradis des entrepreneurs » selon vous. C’est une idée un peu à contrecourant…
Je connais bien la situation de nos voisins européens, ils n’ont pas nos dispositifs. L’ACCRE, le Crédit Impôt Recherche, la BPI qui est un établissement unique au monde… Tous ces soutiens m’ont permis de ne pas avoir besoin de lever d’argent et de garder ma liberté. En dix ans, cela représente 2 millions d’euros d’aide environ.
Pourquoi êtes-vous aussi élogieux sur la BPI ?
Actuellement, je fais de la croissance externe, la BPI investit avec moi sans poser de conditions. Elle s’est juste assurée de la bonne santé de mon entreprise et de la viabilité de mon projet. On ne m’a même pas demandé un CV ! Quand j’ai monté ma société en 2008, j’ai eu deux banques qui ont refusé de m’ouvrir un compte alors que je ne demandais rien, ni crédit, ni découvert. J’ai présenté mon dossier à la BPI, elle m’a prêté 200 000 euros sans garant. Elle a partagé les risques avec moi à partir du moment où elle a constaté que mon entreprise était solide et à l’équilibre. Pour l’innovation, la France est un paradis.
Sur l’Europe, vous êtes plus réservé.
Oui, parce que nous avons 23 langues et des égoïsmes nationaux, qui nous empêchent de faire un GAFA. L’Allemagne est le marché sur lequel nous avons le plus investi pour promouvoir une technologie exceptionnelle, on a fait 0 de CA. L’Allemagne n’a pas encore digéré la fusion avec la RDA. Et c’est une addition de régions très puissantes qui ne font pas un ensemble homogène. Alors, quand on vient de l’extérieur et qu’on ne parle pas la langue… Il faudrait vraiment créer d’autres Airbus pour parvenir à concurrencer les géants chinois et américains. En 15 ans, on n’a pas réussi à créer un Tesla, un Amazon. A mon petit niveau, je compte investir 30 millions à l’international sur les trois prochaines années pour racheter des entreprises locales et devenir un leader mondial sur mon secteur.
Pour vous, la réussite suprême, ça serait quoi ?
Sans hésiter, créer une technologie de rupture comparable à Apple, capable de changer le monde.
Vous en êtes loin ?
Oui et non. Je viens de lancer la volaille intelligente par exemple. C’est une solution de traçabilité qui permet de savoir ce qu’elle a mangé, quand elle est née, si elle est française. C’est innovant, utile car cela répond à une véritable attente des consommateurs qui veulent une nouvelle éthique alimentaire (1). Mais ça n’est pas une technologie de rupture.
A la fin de votre livre, vous dévoilez des propositions qui pourraient être reprises par le ministre de l’industrie et vous déclarez votre flamme à Emmanuel Macron, « le président start-upper ». L’aboutissement pour vous serait de faire de la politique ?
Non, mais Emmanuel Macron a donné aux entrepreneurs un espoir et une envie incroyables par la manière dont il a conduit sa campagne, exactement comme doit le faire un entrepreneur. Il est parti de rien et a renversé la table. A titre personnel, je suis la politique car je m’intéresse à mon pays et mes propositions sont là pour susciter le débat. Je défends notamment l’idée de sacraliser le Crédit Impôt Recherche car ce dispositif est un booster formidable pour l’innovation dans notre pays.
- Fabrice Zerah a publié un fascicule intitulé Manifeste pour une éthique alimentaire (Amazon, 2020)
[ad_2]
Yalayolo Magazine