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L’Electronic Frontier Foundation (EFF) a décidé de saisir la justice pour dénoncer l’opacité autour d’un programme de développement de logiciels de reconnaissance de tatouages aux finalités potentiellement dangereuses pour les libertés individuelles. Ce programme est financé par le FBI.
Ces dernières années, le tatouage a connu un essor fulgurant. En France, plus d’une personne sur dix est tatouée, soit sept millions de personnes (source : sondage Ifop de novembre 2016). Les tatouages expriment des passions, des croyances, des engagements, des liens sociaux. Mais ce sont aussi des caractéristiques biométriques dont les services de police se servent depuis longtemps pour identifier les criminels, notamment ceux appartenant à des gangs.
Or, avec l’avènement des technologies de reconnaissance d’images et d’analyse de grands volumes de données, la tentation de développer des logiciels de reconnaissance de tatouages pour automatiser et amplifier le procédé a fini par arriver. L’Electronic Frontier Foundation (EFF) vient de porter plainte à ce sujet, aux États-Unis, contre le département de la Justice (Department of Justice), le département du Commerce (Department of Commerce) et le département de la Sécurité intérieure (Department of Homeland Security).
Le FBI a recueilli 15.000 photos de détenus
L’ONG de protection des libertés numériques veut que soient rendues publiques des informations détaillées sur un programme secret nommé Tattoo Recognition Technology Program financé par le FBI et piloté depuis 2014 par le National Institute of Standards and Technology (NIST), dépendant du département du Commerce. Ce programme réunit des chercheurs universitaires mais aussi des entreprises privées qui développent des algorithmes de reconnaissance de tatouages susceptibles de cibler des individus ou des groupes de personnes. L’EFF pointe un risque élevé d’utilisation pour filtrer des personnes selon des critères qui porteraient atteinte aux libertés individuelles.
Dans le cadre de ce programme, le FBI a créé une base de données de 15.000 personnes tatouées qui a été constituée à partir de photos de détenus. Ces informations ont été transmises par le NIST à des entreprises et universitaires auxquels il a été demandé de mener cinq sortes d’expérimentations pour évaluer les performances de leurs algorithmes de reconnaissance de tatouages. En voici les détails :
1. Reconnaître la présence d’un tatouage dans une image
Des algorithmes capables d’identifier un tatouage présent dans n’importe quel document visuel pourraient aider des services de renseignement ou de police à perfectionner l’indexation de leurs bases de données existantes pour en extraire de nouvelles informations. Par ailleurs, cette technologie pourrait aussi servir à repérer des tatouages depuis des images de vidéosurveillance ou saisies sur Internet, notamment sur les réseaux sociaux. L’EFF souligne que les algorithmes de ce type ont déjà un niveau de performance très élevé qui dépasse les 90 % de réussite.
2. Reconnaître un tatouage sur la durée
Les algorithmes devaient reconnaître le même tatouage sur diverses photos étalées dans le temps. Le but est de pouvoir identifier une personne à partir de son tatouage quels que soient son âge et son évolution physique. Là encore, le taux de succès des quatre sociétés ayant participé est très élevé, supérieur à 95 %.
3. Reconnaître un tatouage à partir d’un fragment
Si, sur une image de surveillance, le tatouage d’une personne n’apparaît que partiellement, caché par une manche ou un bonnet par exemple, il faut pouvoir se servir de la partie visible afin d’identifier l’individu. La même technologie doit également être efficace si le tatouage a été modifié avec de nouveaux éléments. Le taux de réussite des algorithmes testés dépasse les 90 %…
4. Reconnaître un tatouage à partir d’une autre source visuelle
L’idée est de pouvoir faire de la rétroingénierie, c’est-à-dire de parvenir à identifier un tatouage à partir d’une autre image : un symbole, un sigle, un dessin à main levée ou un graffiti sur un mur. Pour l’EFF, cette technologie représente un danger important dans la mesure où elle pourrait permettre de profiler des individus selon leur appartenance politique ou religieuse. Exemple : fournir au logiciel l’image d’un emblème religieux ou la photo d’un leader politique pour qu’il retrouve des personnes portant un tatouage similaire.
Pour le moment, les performances des algorithmes sont encore assez médiocres (36,5 % pour le meilleur). Mais le risque existe de voir des services de police ou de renseignement les employer malgré tout et prendre dans leurs filets des personnes innocentes. Sans parler de ce qu’un régime autoritaire pourrait faire de tels moyens pour cibler des opposants ou des populations en fonction de leur religion ou obédience politique.
5. Reconnaître des tatouages similaires sur différentes personnes
Filtrer des groupes de personnes portant des tatouages ayant des similarités visuelles ou symboliques est pointé par l’EFF comme l’une des applications les plus inquiétantes. Par exemple, la police pourrait soumettre l’image d’un crucifix à une base de données et en extraire toutes les personnes ayant un tatouage de ce symbole, et ce peu importe le sens qui y soit associé dans chacun des cas. Il serait alors aisé de répertorier des individus selon leur appartenance religieuse, politique, ethnique, sexuelle…
Le danger est grand également de voir émerger des faux positifs, avec des regroupements de tatouages visuellement similaires mais symboliquement différents. Des gens pourraient être accusés à tort d’appartenir à des gangs, groupes religieux ou politiques. L’EFF se veut un tantinet rassurante en soulignant que la technologie est encore balbutiante (14,9 % de taux de réussite pour la plus performante). Mais les progrès constants des techniques de reconnaissance d’images et d’entraînement des algorithmes alliés aux perspectives d’un marché lucratif laissent peu d’illusions.
Une filiale du groupe français Safran très en pointe
D’autant plus que certaines de ces technologies sont déjà utilisées par des services de police aux États-Unis dans certains États. Et, parmi les sociétés privées qui ont participé aux expérimentations, une filiale du groupe français Safran s’est particulièrement illustrée. MorphoTrak a en effet atteint le meilleur taux de réussite sur les trois premiers exercices. L’EFF précise que certains éléments de la police en Californie utilisent les solutions biométriques de MorphoTrak, parmi lesquelles figure la reconnaissance des tatouages.
« Les tatouages servent à l’expression de soi depuis des milliers d’années et peuvent représenter nos pensées les plus intimes, nos croyances profondes et des moments significatifs. Si les forces de l’ordre créent une base de données détaillée sur les tatouages, nous devons nous assurer que les droits de chacun à la liberté d’expression soient protégés », insiste l’EFF. C’est bien le minimum…
Ce qu’il faut retenir
- Aux États-Unis, l’Electronic Frontier Foundation (EFF) vient de déposer une plainte contre plusieurs agences gouvernementales afin d’obtenir des informations sur un programme secret de reconnaissance des tatouages.
- Celui-ci est financé par le FBI et mené depuis 2014. Il implique des détenus et des entreprises privées.
- L’EFF pense que les technologies mises en œuvre pourraient notamment servir à identifier des personnes en fonction de leur religion, orientation politique ou nationalité.
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