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Quand Daniel Ek, fondateur et PDG de Spotify, s’est engagé en fin de semaine dernière à consacrer 1 milliard d’euros de sa fortune personnelle — estimée à 3,1 milliard d’euros par Forbes — à l’investissement dans des entreprises de la tech européenne, les acteurs de cet écosystème si particulier ont été emballés. Au premier rang desquelles, Bruno Raillard, cofondateur et partner au sein du fonds Frst (Payfit, Doctrine, Owkin, Comet, etc.). « On peut espérer que cette initiative en déclenchera d’autres ! Dans un contexte géopolitique tendu, on peut applaudir toutes les initiatives visant à stimuler l’investissement privé d’origine européenne. » Daniel Ek a précisé qu’il solliciterait « les scientifiques, les entrepreneurs, les investisseurs et les gouvernements ». Il sera notamment conseillé par Shakil Khan, l’un des premiers investisseurs de Spotify. « Ce sont tous les deux des visionnaires qui partagent un engagement très fort pour l’écosystème européen » , renchérit Bruno Raillard.
Un point de vue partagé par Emanuele Levi, general partner de 360 Capital, qui se dit « ravi de voir un nouvel acteur alimenter l’écosystème » . D’autant plus que celui-ci « en connaît les limites puisqu’il a dû aller aux États-Unis pour faire financer Spotify » , rappelle-t-il avec malice. « C’est la meilleure réponse à une crise bien sûr menaçante mais qui ouvre d’importantes opportunités, notamment pour des boîtes très pointues qui ont tendance à chercher la disruption dans les marchés. »
Financer la Deeptech, oui mais comment ?
Daniel Ek cherchera en effet à financer des « moonshot projects », que l’on peut traduire par des innovations de rupture, comme les deeptechs, qui ont souvent des difficultés à trouver des financements car elles présentent un risque technologique important avec une incertitude qui ne l’est pas moins sur leur rentabilité dans le temps. On peut citer Hyperloop dans le transport par exemple. « Les financements privés de très long terme sont un relais nécessaire pour permettre de faire émerger et mûrir ces sociétés. En outre ce sont souvent des sujets qui touchent à des marchés très régulés, ce qui ajoute des barrières significatives » , détaille Bruno Raillard.
Emanuele Levi, dont le fonds investit notamment dans des projets robotiques, relativise en estimant que la France ne connaît pas de « manque de capitaux pour la Deeptech » , beaucoup de fonds « investissent désormais de façon assumée dans le secteur« . « Cette annonce ajoute un peu de concurrence et dans notre métier, c’est une bonne chose » , préfère-t-il sourire. « C’est une bonne nouvelle que les investisseurs croient à la Deeptech européenne, appuie de son côté Xavier Lazarus, partner chez Elaia, spécialiste du secteur. Nous n’arrivons pas encore au niveau des États-Unis mais l’écart se rétrécit. »
L’investisseur attend cependant davantage que des déclarations d’intention pour se réjouir pleinement. « Il faudra voir quelle stratégie d’investissement Daniel Ek va adopter : est-ce qu’il s’agit de miser sur quelques sociétés, créer un large portefeuille, investir tôt ou plutôt tard dans les entreprises, avec un contrôle ou non ? Ce sont autant de sujets qui peuvent faire la qualité ou la limite de son projet. »
Jean de La Rochebrochard, managing partner chez Kima, a son idée sur la question : « Il n’aura pas besoin d’investir tout cet argent tout seul. Il a la capacité à s’entourer d’un réseau international. Il a eu raison en ce sens de faire une annonce forte mais sans dévoiler un fonds clé en main. des talents vont le rejoindre et ça va rouler ». En ce sens, il se démarque de l’expérience d’un autre entrepreneur emblématique nordique : Niklas Zunnstrom, le fondateur de Skype. « Il a créé Atomico, qui est aujourd’hui un VC de plus, ni plus ni moins. Il n’y a rien de négatif là-dedans mais de là à dire que ça va changer la donne, cela reste à voir. »
Mais Jean de La Rochebrochard parie que Daniel Ek ne manquera pas de se montrer opportuniste : « Je vous garantis que s’il rencontre un·e entrepreneu·r·se d’exception dans la fintech, il va y aller! », prédit-il en souriant.
Reproduire en tant qu’investisseur ce qu’il a fait en tant qu’entrepreneur
Les investisseurs s’accordent néanmoins à dire « qu’avoir des entrepreneurs qui, après avoir fait des boites qui marchent, reviennent dans l’écosystème pour investir, c’est très important » , comme l’explicite Emanuele Levi. « En France, nous avons quelques entrepreneurs emblématiques qui l’ont fait, comme Pierre Kosciusko-Morizet , mais ce n’est pas si fréquent. Daniel Ek, qui est très jeune, va donner l’exemple aux nouvelles générations d’entrepreneurs et les inciter à prendre des risques. » On peut rajouter à PKM, Xavier Niel, qui avec Kima Ventures, Station F et l’école 42 a engagé déjà plusieurs centaines de millions d’euros dans la tech.
« Il y a énormément de capital disponible en Europe mais il faut qu’il soit dans les mains de gens qui savent comme le gérer. C’est un entrepreneur complet avec une histoire forte. Il a gagné contre le consensus à propos de Spotify. Il va reproduire en tant qu’investisseur ce qu’il a fait en tant qu’entrepreneur. Il n’a pas fait le choix de mettre ce milliard dans une fondation philanthropique. Donc quand on déploie un milliard, c’est pour générer, 10, 100 et 1000 », souligne Jean de La Rochebrochard, qui voit dans cette annonce un effet de taille potentiel à celui de Y Combinator, un incubateur américain qui a participé en 15 ans au lancement de 2000 startups dont Stripe ou Airbnb.
Rendre l’écosystème français attractif
Reste à savoir si les millions de Daniel Ek se déverseront dans l’écosystème français. « C’est l’un des enjeux : attirer des investisseurs comme Daniel Ek, affiche sans ambages le general partner de 360 Capital. Car l’Europe du Nord est un écosystème qui est petit mais très dynamique en termes d’investissements et de résultats, qui a su faire émerger des champions. »
Du côté d’Elaia, Xavier Lazarus se montre confiant dans la capacité des entreprises tricolores à intéresser l’investisseur. « Daniel Ek ne pourra pas passer à côté du marché français, tranche-t-il. Nous avons beaucoup d’entreprises technologiques B2B en train de scaler et il n’y a pas beaucoup d’endroits en Europe où les trouver. » D’autant que l’investisseur rappelle avec malice que Daniel Ek est déjà familier de l’écosystème tricolore… « Le moteur d’intelligence artificielle de Spotify est français, rappelle-t-il. Pour l’obtenir, Spotify a acquis la société Niland, qui développait une technologie créée initialement par l’Ircam. » Et Shakil Khan, head of Special Projects chez Spotify, et l’un de ses amis, n’est pas un inconnu dans l’écocsytème tech : il a investi dans l’assureur Alan.
De quoi donner quelques ambitions aux startups françaises. « À nous de nous assurer que Daniel Ek fasse son prochain investissement en France ! » , plaide Emanuele Levi.
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Yalayolo Magazine