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Vous avez tous entendu parler du scandale Wirecard, cette plateforme allemande de paiements et de services financiers acculée à la faillite pour cause de fraude comptable massive, possiblement associée à du blanchiment de multiples activités illégales. Bref, tous les ingrédients réunis pour en faire à coup sûr la série documentaire choc de Netflix de l’été 2021.
L’histoire de Wirecard et de ses dirigeants attire toute la lumière – et il y a de quoi ! – mais nous ne devons pas passer à côté de la leçon essentielle de cette saga : dans un écosystème, il faut plus d’un responsable pour qu’une crise advienne. Sans quoi la chute de Wirecard n’aurait pas eu autant de répercussions sur de nombreux acteurs et en bout de chaîne sur les utilisateurs finaux, dont certains ont vu leurs avoirs bloqués pendant quelques jours parce que les services qu’ils utilisaient s’appuyaient sur Wirecard.
C’est que la fintech a pris une importance considérable dans nos vies. Ses entreprises gèrent les paiements sur applications mobiles ou places de marché, accélèrent l’octroi de crédits, facilitent l’envoi de devises entre pays ou encore aident les entreprises à gérer leurs dépenses. A tel point qu’on ne peut plus la considérer comme une simple sous-division de la sphère numérique. Elle constitue désormais une véritable infrastructure économique, au même titre que les réseaux d’énergie, d’eau ou de transport.
A la différence majeure que cette infrastructure financière touche à ce qu’il y a de plus délicat à confier : l’argent. Si l’on ne veut pas que la confiance bâtie par l’écosystème de la fintech ne soit durablement ébranlée, toutes les parties prenantes doivent tirer les conclusions du scandale Wirecard, qu’il s’agisse des entreprises, des actionnaires et du régulateur ou bien même des clients.
Commençons par les acteurs de la fintech. Ces startups ont deux options pour opérer leurs services : obtenir une licence d’établissement de paiement, ce qui est long et coûteux, ou passer par des intermédiaires qui proposent des services de paiement clés en main. L’affaire Wirecard aura mis en avant la nécessité de diversifier ses “approvisionnements” concernant les seconds – le mot d’ordre de résilience n’est pas l’apanage du Covid-19. On n’est jamais plus fort que le maillon le plus faible de la chaîne, nous en avons eu la preuve et il n’y aura plus d’excuse lors de la prochaine crise.
Les actionnaires et le régulateur financier ont également été pris en défaut dans l’affaire Wirecard. Leurs rôles sont distincts bien sûr, mais ils partagent une même fonction de supervision. Or les interrogations sur des irrégularités comptables ont émergé dès 2008 et ont régulièrement fait surface depuis. La réponse de la BaFin, le gendarme financier allemand, a été pour le moins surprenante : en février 2019, il suspendait la vente à découvert sur l’action Wirecard pour 2 mois, citant l’importance de l’entreprise pour l’économie allemande. Investisseurs comme régulateur en sont pour leurs frais : leur aveuglement court-termiste revient comme un boomerang aujourd’hui, et au centuple, en termes de destruction de valeur. Les taux de croissance à deux chiffres ne doivent plus servir de paravent à toute analyse consciencieuse. Le vrai scandale Wirecard, c’est qu’il ait fallu attendre 2020 pour qu’il survienne.
L’époque a beau faire – à raison – une place de choix à la centricité clients, ces derniers sont aussi mis face à leurs responsabilités. Les errements juridico-moraux de Wirecard ne sont pas de leur fait, c’est bien évident, mais le choix des services de la fintech qu’ils utilisent doit être encore plus rigoureux. Il est temps que la solidité de l’infrastructure des prestataires prenne une place aussi importante que la facilité d’utilisation, les intégrations ou l’étendue des fonctionnalités. Car si la fintech occupe une place de plus en plus grande dans le fonctionnement des entreprises et la vie des particuliers, le coût d’une potentielle crise écosystémique augmente dans les mêmes proportions, si ce n’est plus.
Comme l’a adroitement énoncé Warren Buffett dans l’une de ses fameuses sentences, c’est quand la marée redescend que l’on découvre qui nageait nu. Ce que l’affaire Wirecard aura révélé, et tant mieux si elle a au moins eu ce mérite, c’est que le maître-nageur n’était visiblement pas le seul sans maillot.
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