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Femme, transsexuelle, française, d’origine algérienne… sur le papier Sue Y. Nabi n’avait pas vraiment le profil de directrice générale d’une des plus grandes multinationales américaines de cosmétiques. Pourtant à 52 ans, elle vient d’être nommée patronne de Coty. Retour sur un parcours exceptionnel.
Décidément, Coty multiplie les initiatives très médiatiques. Après le rachat de l’entreprise de cosmétiques de Kylie Jenner puis de celle de Kim Kardashian West, l’entreprise cotée à Wall Street vient de nommer à sa tête une femme française avec un profil que d’aucun qualifie « d’atypique ». On devrait plutôt dire exceptionnelle.
Sue Y. Nabi, l’ex-présidente de Lancôme, succédera en septembre à Peter Harf, fondateur et associé de JAB Investors, le holding familial des Reimann, propriétaire de Coty. Ce dernier, qui a assuré quelques mois la transition à la tête du groupe, deviendra son président, et « travaillera en étroite collaboration avec Nabi pour diriger la transformation de Coty ».
C’est la première femme nommée à ce niveau de responsabilité parmi les géants mondiaux de la beauté. Retour sur un parcours sans faute d’une personne hors norme dont j’avais dressé le portrait lors de son arrivée à la tête de Lancôme.
A L’Oréal, elle a toujours fait partie des hauts potentiels. Ces cadres de haut niveau appelés à jouer les premiers rôles chez le n° 1 mondial des cosmétiques, après avoir fait leurs armes dans différents postes stratégiques.
Sue « Youcef » Nabi a même eu très vite le profil d’un très haut potentiel, si l’on observe la vitesse à laquelle elle a enchaîné avec succès les “épreuves”, depuis son entrée dans le groupe, en 1994.
Après avoir fait ses classes dans les soins pour homme de la division des produits grand public (Lascad), développé son expertise maquillage à Gemey Maybelline, elle s’est vue confier la direction du marketing international de la marque L’Oréal Paris, puis la direction de L’Oréal Paris, en France et dans le monde. “En quelques années, elle a doublé le chiffre d’affaires de ses marques en multipliant les nouveautés produits”, se rappelle Patrick Rabain, le vice-président des produits grand public de l’époque.
En juillet 2009, Jean-Paul Agon, le patron du groupe, pense naturellement à elle pour redresser Lancôme, la marque la plus iconique et haut de gamme du groupe, qui souffre depuis plusieurs années. Il la nomme, à 41 ans, président de Lancôme International. Une véritable consécration pour ce cadre qui a choisi d’afficher ouvertement sa différence.
Un choix d’autant plus malin que sa personnalité fait l’unanimité, au sein de l’entreprise comme à l’extérieur. De plus, de par son parcours personnel atypique forçant l’admiration, elle est le symbole d’une diversité qui fait cruellement défaut dans les grandes entreprises françaises. “Mon seul objectif est de faire de Lancôme la plus belle marque de cosmétiques du monde”, tempère celle qui à toujours refusé de jouer les porte-étendards pour quelque minorité que ce soit.
Elle a cependant érigé le droit à la différence comme pierre angulaire de son management : “On ne peut être efficace dans une entreprise que lorsque l’on est soi-même. J’invite donc les gens à être en phase avec ce qu’ils sont réellement, et non à adopter des postures”, détaille Sue Y. Nabi. Une philosophie qu’elle s’est appliquée à elle-même en rendant visible la part la plus féminine de sa personnalité, puis en changeant de sexe et donc d’identité. Youcef est devenue Sue, avec un Y en forme de rappel de son prénom passé.
Une décision qui n’a pas suscité de réaction de la part de son entourage professionnel. “Cela n’a jamais été un sujet entre nous” explique par exemple Claude Solanet, patron pendant trente ans de l’agence de publicité McCann, qui a réalisé plusieurs centaines de films pour le Groupe L’Oréal. “La plupart des clients des agences de pub sont peu sensibles à nos conseils. Youcef, lui, était très à l’écoute, toujours à la recherche de la meilleure idée. C’est une encyclopédie vivante de la beauté. Quand on le rencontre, on prend un concentré d’intelligence dans la figure, le reste paraît très accessoire”, ajoute-t-il.
Patrick Rabain, qui, par la suite, lui a fait franchir toutes les marches de la division grand public, est impressionné par la finesse de ses réactions lors de leur première rencontre, à l’occasion de la présentation d’un film pour Jump de Mennen. “Elle aime toucher les produits, les essayer, elle comprend mieux que quiconque les besoins des clients, hommes ou femmes, elle est en empathie permanente avec ses marchés”, complète Patrick Rabain. Un parcours qui pourrait sembler exemplaire pour ce fils d’une grande famille algérienne, arrivé en France en 1985, avec son bac scientifique en poche. Son père, Belkacem Nabi, qui a longtemps été une personnalité aussi influente que controversée en Algérie, fut ministre de l’Energie du président Bouteflika pendant plus de dix ans.
“On ne peut être efficace dans une entreprise qu’en étant soi-même. J’invite les gens à ne pas être dans la posture.”
Comme son père, Youcef est plutôt un scientifique, passionné notamment par les questions de génétique. Il choisit donc d’étudier la biologie à l’Ecole nationale d’agronomie de Grignon, puis le marketing à l’Essec. “Un profil idéal pour une boîte comme L’Oréal”, lui indique lors de leur première rencontre, en 1995, Christophe Girard, devenu adjoint au maire de Paris.
“Comme tout le monde, j’ai commencé sur le terrain, arpentant les hypers du Sud-Ouest pour construire des linéaires de 2,30 mètres et vendre les produits de coiffure Dessange”, se rappelle Youcef Nabi. Avec une certaine détermination. Comme la fois où, vexé de s’être fait refouler pour être arrivé sans avoir prévenu, il a appelé depuis sa voiture et obtenu un rendez-vous dans l’heure. “Mon culot a amusé la directrice de l’hyper”, raconte-t-elle.
Après six mois sur le terrain, elle regagne le siège parisien du groupe, qu’elle ne quittera plus. “Le plus incroyable, chez elle, est sa capacité à savoir exactement ce qu’il faut dire pour vendre un produit”, explique Claude Solanet. Surtout, elle a le don pour les faire incarner par des personnalités marquantes. Penelope Cruz ou Kate Winslet pour le parfum Trésor. Même la très courtisée Julia Roberts a accepté de prêter son visage au fond de teint de la marque. “J’étais à Shanghai lorsqu’elle m’a appelée pour que nous déjeunions ensemble. Le lendemain, j’étais chez elle, à Malibu, pour signer.”
Le résultat : un blockbuster ! Le premier produit lancé par Youcef Nabi chez Lancôme a fait un carton. Le fond de teint baptisé Teint miracle se vend à plus de 2 millions d’unités, devenant n° 1 en Europe sur son segment. “Nous avons travaillé sur la science de l’optique pour trouver une texture qui renvoie la lumière de façon extraordinaire”, explique Sue Y. Nabi, intarissable sur les performances de son nouveau produit.
Pour l’incarner, Youcef a réussi à convaincre Julia Roberts, “le symbole de la femme qui resplendit”. “Nous lui avions proposé de travailler avec L’Oréal Paris, mais elle avait refusé de représenter une marque grand public et d’être surexposée dans le monde entier. En revanche, l’idée d’être associée à un produit de luxe comme Lancôme lui a plu”, raconte Sue Y.Nabi. “Comme souvent, la personnalité de Youcef a été déterminante pour la faire venir”, explique Claude Solanet, l’ancien patron de l’agence de publicité McCann. “D’autres nouveautés importantes avec d’autres égéries seront annoncées cet été”, promet Youcef Nabi, sans donner plus de détails.
“Dans le même temps, elle a aussi su faire appel à des personnalités très différentes, comme Noémie Lenoir, Zhang Ziyi, Rachida Brakni, la femme d’Eric Cantona, ou Jane Fonda afin de montrer les multiples facettes de la beauté des femmes”, raconte Patrick Rabain.
Il faut dire que Sue “Youcef” Nabi a un carnet d’adresses des plus copieux et des plus éclectiques. Elle est très proche du photographe de mode Mario Testino, de l’ex-rédactrice en chef de Vogue, Carine Roitfeld, ou d’Alber Elbaz, le styliste star de Lanvin. Mais ses horizons ne s’arrêtent pas à la mode et à la beauté. Passionnée de littérature et de cinéma d’anticipation, elle aime aussi parler sport avec son ami Richard Pool-Jones, l’ancien joueur du Stade français, aujourd’hui consultant pour le rugby sur Canal + et RMC, ou automobile avec Jean Todt, le patron de la Fédération internationale de l’automobile. “Nous nous sommes rencontrés sur les marches à Cannes et avons immédiatement sympathisé”, assure Jean Todt, dont la femme, Michelle Yeoh, est l’une des ambassadrices de L’Oréal.
Parmi ses grands confidents, on trouve aussi Jean-Louis Sebagh, une pointure parisienne de la dermatologie. “C’est une mine d’infos pour moi, il me fait partager son expérience des problèmes de peau”, raconte Youcef Nabi, toujours à l’affût de nouvelles pistes de recherche. Enfin, elle se passionne pour la politique. Elle a rencontré Carla Bruni pour les besoins de la fondation L’Oréal, mais ses engagements restent du domaine de la sphère privée. De même que sa conception personnelle de l’islam. “Il fait le ramadan chaque année de façon très stricte”, explique l’un de ses proches. “Beaucoup de mes collaborateurs ressentent le besoin de me parler de leur vie privée. Moi, je réclame le droit de ne pas m’étendre sur la mienne”, assume-t-il, tout en concédant qu’elle n’a pas souvent été simple.
Un pudique qui va devoir s’exposer davantage
Côté professionnel, le meilleur est à venir. Très longtemps peu sensible aux sirènes de la concurrence, qui lui a fait des ponts d’or, celle que certains observateurs imaginent pouvoir succéder à Jean-Paul Agon manque d’expérience à l’international.
C’est désormais chose faite avec son arrivée chez Coty.
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