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Baisse des dépenses d’habillement, production et circuits de distribution limités, fashion weeks annulées,… : la mode est touchée de plein fouet par la pandémie du coronavirus. A l’approche du déconfinement, de nombreuses incertitudes demeurent pour le secteur. La crise impose à ses acteurs une réorganisation de grande ampleur et les conduit à imaginer des solutions qui transforment en profondeur de nombreux aspects et pratiques du “Fashion System”.
La crise se découpe en plusieurs temps, relève Lucien Pagès, fondateur du bureau de presse éponyme et référence du secteur. Tout d’abord, le choc de l’annonce du confinement, avec la fermeture des boutiques physiques, et des marques de mode et de luxe devant arrêter en urgence campagnes et événements. “En quelques jours tout a été bouleversé. Ma priorité a été de veiller à protéger les équipes et la société, et de nous organiser pour soutenir nos clients qui avaient besoin d’information et conseil”, se rappelle-t-il. “Dans une situation de crise, il faut apprendre à communiquer étape par étape. Les messages se construisent au jour le jour et demandent de faire preuve d’empathie et de pragmatisme”.
Une fois passée la sidération, l’enjeu pour les marques de mode est de réévaluer leurs actions et de repenser leur communication auprès d’un public particulièrement attentif à ces prises de parole. Attendant qu’elles fassent preuve de leur responsabilité en temps de crise, le public célèbre celles – nombreuses – qui agissent pour répondre aux urgences sanitaires et sociales.
“La crise renvoie les marques à leur raison d’être. Elle agit comme un révélateur par manière dont elles ont traduit leurs valeurs en engagements”, analyse Lucien Pagès. Celles qui ne sont pas parvenues à clarifier leur utilité auprès du public pourraient être rencontrer plus de difficultés pour rebondir après crise.
Emergence de nouvelles relations entre les marques et leurs communautés sur le digital
Avec l’explosion du temps passé en ligne, la crise conduit les marques à développer leurs interactions digitales et à repenser leurs contenus pour maintenir leur lien avec leurs communautés. De fait, la pandémie a renforcé le poids des stratégies d’influence digitale, bien que leurs approches, axées sur les valeurs plutôt que sur le commercial, soient nécessairement différentes en période de crise sanitaire. Avec un engagement en forte croissance sur les médias sociaux – en hausse de +61% selon Kantar -, les influenceurs ont vu leur rôle évoluer auprès des marques de mode et de luxe mais n’ont pas pour autant perdu toute utilité, malgré la chute des posts sponsorisés.
“Certains avaient prédit la disparition des influenceurs. Pour l’instant, il n’en est rien. Directement connectés à leurs communautés, ceux qui ont une vraie audience et qui ont su pivoter sont passés d’un rôle de placement de produits à celui de promotion de valeurs. Face aux difficultés des marques à produire des contenus en cette période, ils leur offre l’accès à des contenus de qualité pour engager leur audience en ces temps incertains”, constate Lucien Pagès.
Ce que confirme une enquête de TagWalk – moteur de recherche de la mode – réalisée pendant le mois d’avril auprès de 58 000 abonnés sur Instagram. Malgré les bouleversements induits par la pandémie, les influenceurs restent importants pour connecter les marques de mode à leur public. L’enquête souligne par ailleurs que l’authenticité est au coeur du sentiment de confiance des abonnés. La capacité d’un influenceur à incarner une réalité et des valeurs humaines par son métier ou ses passions suscite plus confiance que la taille de son réseau. Et 74% des sondés affirment privilégier les micro influenceurs à ceux ayant un grand nombre d’abonnés.
Sur les réseaux sociaux, le contexte de crise fait naître de nouvelles formes de conversation entre les marques et leurs communautés. Auparavant dévolues au positionnement des produits, ces plateformes deviennent des espaces de collaboration où les marques de mode partagent leur savoir-faire et incitent à la créativité, renforçant le sentiment d’appartenance de leur communauté : webinars, cours de cuisine, fêtes et soirées digitales, et défis stylistiques,… pour engager leur public, les marques de mode prennent des risques qu’elles n’auraient peut-être pas pris auparavant. Certaines transforment ainsi les réseaux sociaux en espaces virtuels de co-création. Tel le collectif “Utopies nouvelles” formé par cinq créateurs indépendants qui réunissent leurs communautés autour d’un concours stylistique. Ou la marque Coperni, qui, après avoir proposé à ses abonnés de fabriquer des masques pour les redistribuer, leur propose d’imaginer une version digitale de It Bag.
La transformation digitale touche aussi certains grands événements de la mode qui se réinventent en format virtuel et s’ouvrent à un large public. Ainsi, le #Metgalachallenge lancé par Vogue et le chanteur Billy Porter, a invité les internautes à recréer une des tenues de cet événement emblématique , reporté pour cause de pandémie. Sur twitter, des jeunes passionnés ont organisé en toute indépendance leur propre Met Gala, intégralement virtuel et accessible à tous (@HFmetgala).
Confrontées à l’impossibilité des équipes de se déplacer, les maisons s’ouvrent aussi à de nouvelles manières d’opérer pour réaliser leurs campagnes. Les plateformes digitales deviennent des lieux de création, comme chez Simon Porte Jacquemus dont la campagne Printemps-Ete 2020 figurant Bella Hadid et Barbie Ferreira a été réalisée en photographiant ces égéries chez elles à distance grâce à Facetime.
Le calendrier et le format des fashion weeks remis question
Reste que le principal impact de la pandémie pour le secteur est l’organisation des fashion weeks. Suite à l’annulation de celles de juin, et celle de septembre en suspens, faut-il s’attendre à ce que le calendrier et le format des défilés soient durablement bouleversés ?
Des fashion feeks intégralement digitales ont ainsi vu le jour, comme celle de Shanghaï en mars, qui a réuni 150 créateurs et marques pour une présentation diffusée en livestream sur Tmall, la plateforme e-commerce d’Ali Baba. A Londres, le British Fashion Council a choisi d’organiser en juin une fashion week uniquement numérique fusionnant les collections Homme et Femme sur une même plateforme. Des dispositifs similaires sont mis en place dans d’autres pays, comme en Italie, où le défilé Printemps/Eté d’Ermenegildo Zegna consistera en une présentation “phygitale” livestream diffusée grâce à la technologie CGI.
Ces alternatives digitales pourraient-elles s’imposer comme le nouveau format de présentation des défilés ? Pour Lucien Pagès, en la matière “l’expérience digitale n’est valable que si elle est aussi physique. L’intérêt provoqué par un défilé ne tient pas seulement à la collection mais aussi à tout ce qui entoure la présentation. Les gens veulent savoir ce qui se passe au front row, en coulisse, qui sont les mannequins, les coiffeurs, les stylistes… La part de théâtralisation et le rôle du public sont importants”.
Outre le format des défilés, c’est aussi le calendrier des fashion weeks, déjà controversé avant la pandémie, qui est questionné. Plusieurs grandes voix de l’industrie, comme Giorgio Armani, ont appelé à ralentir sa cadence. En France, Saint Laurent a pris une décision plus radicale en annonçant se retirer du calendrier des fashion weeks pour suivre son propre agenda. Justifiée par la situation actuelle, cette décision a été aussi motivée par le souhait de la Maison de “contrôler sa périodicité et légitimer la valeur du temps, à son rythme, tout en privilégiant le rapport aux personnes et à leur quotidien”.
Des orientations qui, selon l’enquête de TagWalk, correspondent aux attentes du public de la mode. 91% du panel juge qu’il faudrait ralentir le rythme en fusionnant les défilés hommes et femmes et limiter le calendrier à deux fashion weeks par an. Et pour 80% des sondés, les jeunes créateurs ne devraient pas organiser de défilés et présenter leurs collections sous d’autres formats.
“Nous étions dans un rythme effréné, avec une surproduction en tout et une course folle à la communication. La crise signale-t-elle qu’il faut faire moins et mieux ?” interroge Lucien Pages. Tout en notant que de nouveaux modèles ne s’instaurent durablement dans l’industrie que s’ils sont adoptés par l’ensemble des grands acteurs. La tentative – abandonnée depuis – par quelques maisons en 2016 d’imposer le modèle See Now, Buy now – consistant à rendre les pièces disponibles en boutique au moment où elles étaient présentées- illustre la difficulté d’imposer unilatéralement de nouveaux standards à l’industrie.
“La crise sert d’accélérateur de tendances. Lorsqu’on sera dans l’après, il sera intéressant de voir si les comportements actuels s’installeront dans la durée. Il est probable que l’industrie connaîtra des transformations profondes. Beaucoup d’incertitudes demeurent cependant et il est trop tôt pour dresser des perspectives. C’est à nous tous aussi qu’il appartient de dessiner le futur” avance Lucien Pagès.
Si bien des questions restent en suspens, une certitude s’impose : avec l’adoption de nouvelles pratiques et modes de vie via la technologie pendant le confinement, l’industrie de la mode a vu sa maturité digitale fortement progresser en quelques semaines sur de nombreux marchés. Ce à quoi l’ensemble de son écosystème doit se préparer.
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Yalayolo Magazine