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La crise économique engendrée par le coronavirus interpelle de plein fouet les innovation labs des grands groupes. Pour devenir une force pour le « monde d’après », qui fait émerger des pépites tout en nourrissant l’innovation du CAC40, ils doivent aider concrètement les porteurs de projets et startuppers incubés à devenir des chefs d’entreprise et à bâtir des business plans et plans de rebond pour pérenniser leur société.
Avant la crise, les grands groupes ont monté des innovations labs, incubateurs et autres accélérateurs de start-up pour booster leur capacité d’innovation, trouver de nouveaux relais de croissance et développer leur écosystème de partenaires PME et start-ups. Avec la crise, ces innovation labs ont un rôle majeur à jouer au service du rebond économique français. Ils sont un des rouages-clés pour aider les start-ups à tenir dans la crise et à se relever malgré la récession.
Cependant, en dehors peut-être des labs dédiés aux biotechs et medtechs, peu se sont pleinement emparés du sujet. Plus inquiétant, quasiment aucun se prépare et prépare ses start-ups aux défis du « monde d’après ».
La posture du salarié : un frein pour anticiper la gestion de la récession
Plusieurs raisons à ce défaut d’anticipation et d’action. Tout d’abord, les équipes en charge des incubateurs et accélérateurs internes sont salariées. Elle se retrouvent donc partiellement ou totalement indisponibles pour diverses raisons allant des mesures déployées par leur groupe (chômage partiel, de RTT ou congés imposés), aux contraintes de garde d’enfants, en passant – il ne faut pas l’omettre – par des arrêts maladies pour Covid-19. D’autres sont disponibles mais en télétravail, et donc ne peuvent pas offrir les mêmes services et le même niveau d’accompagnement qu’en présentiel. Ajoutons que ces équipes sont à quelques exceptions près, sans expérience entrepreneuriale : par conséquent, elles peuvent avoir des difficultés à se représenter la signification et l’ampleur des conséquences de la récession économique en gestation sur les start-ups.
Du côté des porteurs de projets, une majorité des collaborateurs intrapreneurs, également salarié du groupe, a basculé en télétravail, avec éventuellement chômage partiel ou aménagements du temps de travail ; mais dans la mesure où ils reçoivent leur salaire en fin de mois, eux non plus ne mesurent pas nécessairement la portée de la crise économique qui est devant nous. Ils continuent donc le développement de leur projet, à un rythme calé sur celui du confinement, en se concentrant avant tout sur la conception de leur offre ou de leur technologie et en abordant malheureusement très peu les plans de commercialisation et les questions de retour sur investissement.
Quant-aux startuppers incubés ou accélérés, ils sont essentiellement aidés sur l’activation des différentes aides de l’État afin de maintenir leur trésorerie à niveau, mais c’est à peu près tout. L’objectif des grands groupes étant pour le moment de sauver leurs investissements. Aucun grand groupe ne propose à ce jour de soutien extra-financier aux start-up de son Lab – il s’agirait par exemple d’aider le porteur du projet à adapter son business model et sa stratégie à moyen terme, à bâtir un plan de rebond, etc. Or tout entrepreneur sait combien il est important de projeter son entreprise à moyen terme et donc, de préparer différents scenarii qui permettent à la fois sécuriser la génération de chiffre d’affaires pour l’entreprise et de limiter les pertes pour l’investisseur ou l’actionnaire en fonction de la situation imaginée.
Le risque est toujours là, devant …
La question de l’efficacité de ces labs est toujours ouverte. Outre la création de valeur et d’innovation pour le groupe et le pourcentage de start-ups accompagnées qui se transformeront en PME pérennes, cette efficacité s’appréciera aussi par leur contribution au rebond et à la souveraineté économique du pays.
Or à moyen terme, plusieurs risques pèsent sur ces start-up incubées : une baisse des investissements financiers du groupe dans le projet, une diminution des ressources mises à disposition par le groupe, une re-ventilation du temps des porteurs intrapreneurs (si le groupe a besoin d’eux pour d’autres tâches), en allant jusqu’à l’arrêt pur et simple du projet faute de financement.
Aujourd’hui, l’équation économique est faussée car une partie des frais habituellement pris en charge à 100% par le groupe est supportée par l’État, via notamment les mesures de chômage partiel, de report de charges ou encore de PGE. Sera-t-il encore en mesure de les assumer si lui-même voit chuter ses revenus et doit annuler des projets d’investissement et opérer des réductions drastiques de coûts ? Rien n’est moins sûr.
Plus que jamais, agir et penser en entrepreneur
Parce que ce serait une mauvaise idée d’arrêter les projets engagés, à la fois pour ne pas avoir investi à perte et pour ne pas avoir à tout recommencer à zéro après (ce qui coûterait in fine beaucoup plus cher) ; parce que ce serait aussi une mauvaise idée de freiner la dynamique d’innovation des labs qui, à long terme sert les enjeux de développement du groupe… il faut que les innovation lab s’enrichissent de la culture entrepreneuriale qui continue à leur faire défaut pour leur sélection, leur conduite et leur gestion des projets.
Trois conditions de succès aux projets incubés demeurent :
- Piloter le projet de start-up comme un chef d’entreprise et non pas comme un directeur ou un manager. Un entrepreneur a une seule priorité : que son entreprise, quelle que soit sa raison d’être, ait intrinsèquement la capacité de générer suffisamment de chiffre d’affaires pour continuer d’exister – hors subventions et aides diverses. Il assumera les risques associés et affirmera son leadership. Et il fixera le ce cap pour développer son activité.
- Plus que jamais, se caler sur le rythme des start-up et non celui des grands groupes : car face à la crise, agir vite permettra de survivre. Le plan d’exécution précis et structuré doit donc inclure cet impératif et être connu et adopté par les deux parties (porteur de projet et grand groupe).
- Travailler en priorité à la sécurisation du chiffre d’affaires, ce qui revient à adapter le business model au nouveau contexte économique, et à élaborer des plans de rebond avec une évaluation chiffrée des retours sur investissement possibles selon différents scenarii.
Pour réussir cette étape, faire accompagner les porteurs de projets peut s’avérer un levier très efficace. Par exemple, des mentors les aideront à travailler leur posture de chef d’entreprise et leur management d’équipe. Les operating partners partageront quant-à eux leurs expériences concrètes de « ceux qui l’ont déjà fait », leurs savoir-faire, leur réseau, et surtout travailleront avec eux sur le business model, le business plan et le plan de rebond – en apportant un regard de chef d’entreprise et non d’un directeur général ou d’un manager.
Le monde d’après se prépare maintenant. S’ils savent s’adapter et relever leurs défis, les innovation labs peuvent devenir une pièce maîtresse du rebond économique : en favorisant la création de pépites qui apporteront des produits et services utiles pour demain ; et en permettant au grand groupe de se projeter lui-aussi dans le futur en gardant un rôle majeur dans l’économie française et internationale.
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