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Il y a ces entrepreneurs nés qui, dès leur enfance, se voyaient créer leur propre boite, diriger 200 personnes et ont fait des études en conséquence. Et il y a ceux qui n’avaient pas du tout, d’emblée, cet objectif en tête. Si on le connait aujourd’hui comme l’une des têtes les plus connues de l’écosystème entrepreneurial français, Frédéric Mazzella fait pourtant partie de ces derniers.
Né à Nantes en 1976, il est l’avant-dernier d’une fratrie de quatre enfants. Ses parents, professeur de mathématiques et professeure de français, lui donnent dès ses jeunes années le goût des chiffres et de la musique. C’est d’ailleurs pour ce domaine que Frédéric Mazzella se passionnera profondément, au point d’obtenir, adolescent, le prix de piano au conservatoire de La Rochelle et de quitter la Vendée qui l’a vu grandir pour continuer ses études de musique à Paris.
« Je n’avais pas forcément de métier en tête, mais je savais que j’aimais les mathématiques, la physique et la musique. À un moment donné – après avoir voulu être gendarme comme beaucoup d’enfants et windsurfer comme beaucoup d’adolescents – je me suis dit que je pourrais peut-être devenir musicien puis chercheur, mais je ne savais pas trop dans quel domaine », raconte l’entrepreneur.
De la musique à la Nasa…
À 17 ans, Frédéric Mazzella se retrouve alors en terminale scientifique au lycée Racine, en classe aménagée, afin de pouvoir se rendre chaque après-midi au CNR, le conservatoire de la rue de Madrid. À ce moment-là, l’étudiant qu’il est envisage sérieusement de se lancer dans la musique mais se ravise finalement : « Je me suis dit que si je me lançais dans les mathématiques, je pourrais faire de la musique plus tard, mais qu’en revanche si je partais sur un parcours de musicien, je ne pourrais pas revenir vers les mathématiques », explique-t-il.
Pendant que la plupart de ses camarades de classe terminent leur année afin d’avoir une béquille de secours sur laquelle s’appuyer si leur carrière musicale ne se passait pas comme prévu, Frédéric Mazzella s’accroche et décroche une place au lycée Henri-IV en maths-sup et spé. Il sera le seul de sa promotion dans ce cas.
S’en suivront des années d’études à l’École normale supérieure en physique puis à l’université de Stanford (États-Unis) entre 1999 et 2002 : « J’adore la physique, parce que ça combine la logique des mathématiques et le concret. Au bout des calculs, on peut voir tout de suite si les résultats sont pertinents ou non », précise Frédéric Mazzella. Il réalisera un stage en robotique dans le département de physique, qui travaille notamment avec la Nasa sur la programmation d’outils à retour de force et la simulation d’environnement virtuel pour la chirurgie. Plus concrètement : le laboratoire prépare des logiciels capables de créer un environnement virtuel de chirurgie qui permettrait aux chirurgiens envoyés avec les astronautes de s’entrainer sur n’importe quelle opération avant de devoir la réaliser en temps réel.
…. et de la Nasa à BlaBlaCar
Quelques mois plus tard, toujours en 2002, il signe son tout premier contrat de travail et rejoint Kabira Technologies (rachetée plus tard par Tibco), une entreprise américaine de logiciels dans laquelle il occupera cinq postes différents en quatre ans : au service client, dans un premier temps, puis en tant que développeur informatique, chef de projet informatique, Technical Manager et enfin Solution Architect.
Au même moment, l’appel de l’entrepreneuriat se fait entendre. Une histoire que l’on connait bien dans l’écosystème. Car si nombre d’entrepreneurs plantent plusieurs projets avant de connaître le succès, Frédéric Mazzella a visé juste, dès le départ : en 2003, la veille de Noël, celui-ci se retrouve ainsi bloqué gare Montparnasse. Impossible de se rendre en Vendée, tous les trains sont complets. C’est finalement sa soeur qui fera le trajet pour venir le chercher. Un voyage qui fera émerger dans la tête de Frédéric une idée : pourquoi ne pas permettre aux gens, souvent seuls dans leur voiture, de partager leurs trajets ? Covoiturage.fr était né.
Une aventure qui débutera à temps partiel : Frédéric Mazzella conserve son emploi aux 4/5 chez Kabira et travaille le reste du temps, soirées et week-ends compris, au développement de sa plateforme de mise en relation entre voyageurs particuliers souhaitant effectuer un « covoiturage ».
« Je ne faisais plus que dormir, manger et coder. »
Les débuts se font aux côtés de son ami Damien Grulier, qui, pour des raisons personnelles, quittera rapidement le projet. « C’est important quand on se lance de ne pas avoir trop d’obligations et de contraintes personnelles. Moi, j’étais locataire et je n’avais qu’un chat « à charge », donc c’était plus simple. J’avais seulement à subvenir à mes besoins », raconte Frédéric Mazzella, qui ne se versera un premier salaire qu’en 2009.
Francis Nappez, qui avait notamment participé au développement de Free et Meetic, prendra le relais en 2007 pour accompagner Frédéric Mazzella sur l’informatique. Au même moment, ce dernier entre en MBA à l’Insead pour se former plus en profondeur au « business ». Il y rencontrera Nicolas Brusson, actuel CEO de l’entreprise. Covoiturage.fr, de son côté, semble séduire les voyageurs et affiche fièrement, cette année-là, 33 000 visiteurs uniques par mois et 15 000 trajets effectués.
Mais c’est quand Frédéric sort de l’Insead que les choses vont vraiment s’accélérer. L’entrepreneur se met désormais à temps plein sur sa startup : « J’y ai à peu près fait tous les métiers, du service client à la définition produit en passant par la communication, la finance, la technique, ou encore le marketing. » Les résultats se font rapidement ressentir, les chiffres décollent : fin 2008, Covoiturage.fr revendique 182 000 visiteurs uniques par mois et près de 100 000 parcours réalisés.
La suite de l’histoire, beaucoup la connaissent : covoiturage.fr devient BlaBlaCar en 2011 et l’entreprise fête en 2016 ses 10 ans d’existence avec 500 salariés et 22 pays déployés. Le business model, lui, a changé six fois, et l’entreprise connaît des hauts…. et bien évidemment des bas.
Frédéric Mazzella, lui, ne s’arrête pas en si bon chemin. En mai 2015, il lance avec d’autres chefs d’entreprise le mouvement « Reviens Léon, on innove à la maison ! », pour faire revenir les talents français expatriés. À l’automne 2016, il cède le siège de directeur général de BlaBlaCar à Nicolas Brusson afin de prendre de la hauteur sur la stratégie de l’entreprise, tout en conservant sa place de président du conseil d’administration. Le 22 novembre 2018, il annonce lors d’un événement se déroulant à l’Ecole normale supérieure, être élu co-président de l’association France Digitale.
Malgré tous ces projets cumulés, Frédéric Mazzella continue également à réfléchir à des manières de faire bouger les lignes, dans l’écologie et la tech, deux domaines qui le préoccupent particulièrement : « Je suis un peu comme tout le monde, à être estomaqué en voyant ce qui nous attend, et ne pas forcément savoir par quel bout le prendre. On devrait tous être en train de se retrousser les manches pour inverser les choses. J’ai quelques idées, quelques pistes sur ce que je pourrais faire pour aider, pour amener ma pierre à l’édifice, dans la même lignée que BlaBlaCar, mais autrement », introduit celui qui se refuse malgré tout à faire des plans. « La meilleure manière de me démotiver, c’est de me raconter ce qui va se passer », précise-t-il. Des idées, l’entrepreneur en a. Mais il faudra attendre un peu pour voir comment celles-ci vont germer.
Et la musique, dans tout ça ? S’il avoue avoir complètement arrêté de jouer pendant une dizaine d’années pour se concentrer sur l’entrepreneuriat (malgré quelques apartés avec « The Digitals », son groupe « d’entrepreneurs rockers » fondé avec Ludovic Le Moan, Antoine Jouteau et Gaëlle Dorso), Frédéric Mazzella n’a pour autant jamais vraiment laissé tomber sa passion : « Je me remets doucement au piano, avec la frustration de me dire que je n’ai plus le même niveau que quand j’avais 18 ans. Pour l’instant, j’ai un peu l’impression de jouer avec des moufles », avoue-t-il.
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