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Après 3 ans, 759 jours de travail, plus de 100 ateliers animés et pas loin de 50 startups accompagnées : voici venu l’heure du départ. Qui dit départ, dit bilan. Calmement. Bye bye Startup Palace, bye bye le convivial et discret premier opérateur de programme d’accélération de startups en France. Avant de partir et avec le recul de cette précieuse décélération que le confinement nous offre, je me suis permis de poser noir sur blanc ce que j’ai retenu de ces 36 mois d’accompagnement de “jeunes pousses”.
Durant 156 semaines, j’ai essayé de parler un peu moins, d’écouter un peu plus et surtout d’observer. C’est d’ailleurs la compétence clé de ce job de “Startup Manager”. J’en ai tiré 10 leçons qui ont émergées de manière limpide. Certes, elles ne sont qu’un avis personnel, subjectif, alimenté par des biais et par ma vision du monde. Je pense néanmoins qu’elle peuvent favoriser notre réflexion collective sur les croyances et la réalité de ce qu’est l’accompagnement des startups en France.
Les startups qui réussissent sont patientes, modestes et ont des process
Savez-vous quel est l’âge moyen des entreprises du Next40, les 40 startups françaises les plus prometteuses ? 8 ans et demi ! En ce qui concerne les 7 licornes françaises (Deezer, Blablacar, OVH, Ivalua, Veepee, Kyriba, Doctolib), leur antériorité moyenne est de 16 ans. Seize ans ! Et si finalement les startups n’étaient que des entreprises comme les autres qui ont besoin de beaucoup de temps pour grandir de manière solide et durable ? Je le crois. Et les chiffres le prouvent. Cela ne veut pas dire que les startups qui réussissent ne doivent pas chercher pas à générer de la croissance voire viser un équilibre financier rapidement. En revanche, devenir un acteur majeur de leur marché demande du temps, beaucoup de temps. Et de la méthode, aussi.
Les entreprises les plus prometteuses que j’ai pu accompagner durant ces trois ans chez Startup Palace sont des structures qui savent travailler méthodiquement et s’organiser pour ne pas s’éparpiller. Lorsqu’elles organisent leur agenda, elles ne se posent qu’une seule question : quels sont les évènements, réunions, rendez-vous, actions qui sont au service de mon produit, de mes clients et de mon modèle économique, et lesquels n’y sont pas. En interne, leurs objectifs et metrics à suivre sont établis collectivement pour s’assurer que toute l’organisation est alignée au service de leur réalisation (Hello les “OKR” !).
Finalement, je vais peut être prononcer un gros mot mais parmi les startups qui tirent leur épingle du jeu, il y a : des process ! Enfin, ces startups qui survivent et grandissent durablement ont majoritairement à leur tête des entrepreneurs et entrepreneures qui ont une qualité assez rare dans ce milieu : la modestie. Cette qualité est d’ailleurs souvent couplée à une qualité d’écoute plus forte que la moyenne ce qui leur permet d’accepter volontiers de se remettre question, d’interroger leurs certitudes par rapport au produit – pour ne pas en tomber amoureux- par rapport à leurs équipes et par rapport à leurs clients. Finalement, on reconnaît un ou une entrepreneur.e de ce type par sa capacité à être “résilient”, à ne jamais commettre deux fois la même erreur et à tirer partie de chacune.
Les « méthodes startup » sont généralisables à toutes les organisations
Une startup est une organisation basée sur la création d’un produit ou d’un service ayant un potentiel de “scalabilité”, c’est-à-dire un potentiel de croissance exponentielle d’un ou plusieurs facteurs de son modèle économique. La plupart du temps, c’est la technologie qui rend possible cette croissance exponentielle. Dans l’accompagnement de ces entreprises, nous utilisons des méthodes issues du monde du développement logiciel et du design : lean startup, customer development, lean UX, méthodes agiles… Ces méthodes s’adaptent bien à l’accompagnement des startups car elles développent des savoirs ayant pour objectif d’aller à l’essentiel en étant lean (rapidité d’exécution issue de la tech) et en développant le produit au jour le jour avec ses clients (orientation 100% client issu de la pensée design).
À bien y regarder, pour accompagner le développement d’une association, l’organisation d’une collectivité ou la croissance d’une TPE/PME, rien n’empêche, voire tout incite, à aussi appliquer les méthodes des startups à ces organisations “non-scalables”. Car apprendre à se développer vite en allant à l’essentiel, en dépensant peu, en se focalisant uniquement sur les problèmes à résoudre de ses clients, usagers, sociétaires ou adhérents est plus qu’indispensable quel que soit le type d’organisation. Ainsi, demain, pourquoi ne pas accompagner les associations, les PME/TPE avec de telles méthodes, en les acculturant elles aussi à la transition numérique ?
La “startup nation”, ce nouveau monde qui ressemble beaucoup à l’ancien
“Changer le monde ? Quelle drôle d’idée ! Il est très bien comme ça le monde, pourquoi changer ?”. À l’instar du très “old school” Hubert Bonisseur de la Bath (OSS 117), le changement du “monde” est souvent dans toutes les bouches des fondateurs et fondatrices de startups. Et clairement, à juste titre. Car vouloir “changer le monde” aide réellement à trouver l’énergie nécessaire pour tracer son chemin dans la jungle et les montagnes russes de l’entrepreneuriat. Cependant, le monde des startups en France n’échappe pas aux processus de reproduction des “travers” fortement ancrés de notre société et du supposé “Ancien Monde” qu’il est censé remplacer.
Tout d’abord, la majorité des fondateurs sont des hommes et la mixité des genres n’est encore qu’un lointain mirage. Il m’est arrivé d’animer des programmes de pré-accélération où 100 % des personnes présentes étaient des hommes. Aujourd’hui, même si les choses progressent, seuls 4,2 % des fondateurs des entreprises du Next 40 sont des femmes. D’après le rapport de l’agence numérique (2018), 12,4 % des dirigeant·e·s de startups serait des femmes (dédicace ici à Coorganiz et ses 2 co-fondatrices).
Ensuite, la startup nation est sociologiquement trop homogène et trop issue des CSP+ comme l’exprimait en 2019 Mounir Mahjoubi dans La Tribune : « La tech, c’est le royaume de l’homme blanc surdiplômé, urbain et issu d’un milieu social favorisé. L’entrepreneur-type a pris le risque de monter sa startup en sortant de sa grande école de commerce ou d’ingénieur, car il est soutenu par le « love money » de sa famille et parce qu’il maîtrise déjà tous les codes sociaux qui lui permettront de frapper aux bonnes portes« . Je partage cette analyse à 100 % et je m’y inclus…
Et si la startup nation n’était finalement que la version new look de processus de reproduction sociale et économique, dont les mécanismes très “Ancien Monde” ont parfaitement été décrits récemment par des économistes comme Thomas Piketty ou bien avant par des sociologues comme Pierre Bourdieu ? Enfin, ce “nouveau monde” véhiculé par la startup nation est un monde porté par l’imaginaire du “solutionnisme technologique” issu de la Silicon Valley et d’une pensée dont l’origine remonte au cœur du 20e siècle. Cette pensée repose sur un fantasme que Thomas Solignac, co-fondateur de la startup Golem.ai qualifie de “prométhéen” dans un superbe article. Il y explique que ce monde porte l’idée que “tous les problèmes de l’humanité, depuis l’incertitude, l’inefficacité, l’ambiguïté, le désordre, jusqu’à la mort, peuvent être résolus par le secours de la technique.” Or cette vision, porte de nombreuses dérives possibles (liberté, droits fondamentaux…) et n’est clairement plus si nouvelle si l’on s’en réfère aux prophéties autoréalisatrices écrites par Orwell et Huxley dès les années 1930. Pire, la vision des solutions techniques apportées par la startup nation n’améliore souvent ni l’impact écologique des usages de notre modernité (consommation croissante d’énergie), ni la durabilité de notre système technique (consommation intense en métaux rares). Des caractéristiques, là aussi très similaires aux dernières décennies du 20e siècle.
Les startups ne créent (presque) pas d’emplois
Les chiffres ne trompent pas. En France, on considère qu’il y a peu près 10 000 startups. Ce stock varie finalement assez peu depuis quelques années. Parmi ces 10 000 startups, 90 % d’entre elles meurent avant leurs 5 ans. Le taux de casse est donc assez énorme et le nombre d’emploi net créé chaque année est plutôt faible (autour de 11 000 emplois) au regard des sommes investies et de la quantité de dispositifs de soutiens. Pourquoi ? Tout d’abord, parce qu’aujourd’hui, encore trop peu de startups sont des entreprises à forte croissance et donc des structures génératrices de jobs. Seulement 10 % d’entre elles passent “la vallée de la mort” qui leur permet d’accélérer et de passer “à l’échelle”, phase synonyme de recrutements plus nombreux. Ensuite, une vraie startup, avec son modèle fortement scalable, est une structure qui est capable d’adresser un nombre exponentiel de clients sans pour autant avoir à multiplier dans les mêmes proportions ses ressources humaines.
Oui, les startups mêmes matures et en forte croissance, sont des organisations par définition peu intenses en emplois. Par exemple, au-delà de Veepee (6 000 salariés) et OVH (2 750 salariés), le nombre moyen de salariés des 4 autres licornes françaises (Deezer, Doctolib, Blablacar et Ivalua) et est de 460 personnes. Même constat si l’on prend les 40 plus grandes startups françaises réunies sous le classement Next40 où la moyenne est d’environ 500 salariés.
Enfin, ouvrons un débat : si par définition l’objectif d’une startup est d’atteindre une croissance exponentielle en utilisant le moins de ressources possibles grâce au potentiel d’automatisation que permet la technologie, les startups ne vont elles pas jusqu’à détruire les emplois d’acteurs traditionnels bousculés sur leurs marchés par ces organisations ? Airbnb possède 12 500 salariés pour 2,6 milliards de dollars de chiffre d’affaires en 2017. En face, le Groupe Accor salarie 280 000 personnes pour 2 milliards de dollars de chiffre d’affaires en 2017. Enfin, est-ce pour le potentiel d’emplois créés que les pouvoirs publics doivent soutenir l’écosystème startup en France et sur les territoires ou pour autre chose ? Vous avez trois heures !
Sans bon problème à résoudre et convictions personnelles fortes, monter une startup est voué à l’échec
“S’il n’y a pas de problème, il n’y a pas de solution et donc pas d’opportunité pour une entreprise d’exister. Personne ne vous paiera pour un problème qui n’existe pas”
Cette citation de Vinod Khosla (fondateur de Sun Microsystems), nous aimons bien la partager avec les entrepreneurs lors de nos ateliers, et les faire réagir dessus. En effet, comme nous l’avons vu plus haut, nombre d’entre eux sont, à juste titre, “amoureux de leur solution”, de LA solution mais moins du problème à résoudre pour le client (voir “Job to be done” de Clayton Christensen). Tout notre travail est d’aider les entrepreneurs à déplacer le focus de la solution miracle vers l’excellente compréhension du problème à résoudre, quitte à modifier leur solution et “pivoter”. Ceux qui y arrivent font un grand pas.
Aussi, s’il est un autre paramètre qui nous permet d’anticiper rapidement la viabilité d’une startup, ce sont les convictions et les raisons profondes qui motivent ce projet d’entreprise chez leurs fondateur·rice·s. Nous commençons généralement l’ensemble de nos programmes par un Atelier sur la vision, le “Why” (Voir Simon Sinek) et les valeurs. Dans 90 % des cas, lorsque les entrepreneurs arrivent bien à formuler le “pourquoi” de leur entreprise, les raisons personnelles profondes de leur implication, nous savons que leur motivation, leur énergie pour tenir les “montagnes russes entrepreneuriales” et leur capacité à avancer à long terme sera présente durablement. Dans le cas contraire, (spoiler : je vais enfoncer une porte ouverte), lorsque l’argent et la reconnaissance sociale de l’entrepreneur sont les principaux moteurs du projet, que le “pourquoi” n’est pas facilement formulable, on ne donne jamais très cher de l’issue du projet. Pour citer Simon Sinek, “les gens n’achètent pas ce que vous faites, mais ce pourquoi vous le faites”. Tout est là, et les clients et futurs clients des startups que nous avons accompagnées le savent.
La plupart de néo-startuppers ont peur de sortir de leurs bureaux pour mieux connaître leurs futurs clients
Chez Startup Palace, nous accueillons régulièrement des néo-entrepreneurs au sein de programmes de pré-accélération. Ce sont des dispositifs au sein desquels les porteurs de projet viennent généralement de passer à plein temps. Notre objectif est alors de les aider à valider leur idée de produit ou service grâce à une confrontation rapide et méthodique avec leurs clients potentiels. Nous les accompagnons donc à créer leur “produit minimum viable” (MVP). Souvent, les entrepreneurs que nous accueillons à ce stade de maturité – cela reste valable plus tard- ont des difficulté à réellement sortir de leur bureau pour aller interroger intensément leurs futurs clients potentiels autour du problème qu’ils cherchent à résoudre pour eux. Que l’on soit jeune ingénieur trentenaire ou ancien cadre expérimenté provenant d’une grande entreprise – des profils répandus dans ces programmes – le réflexe est souvent de passer vite sur la compréhension des utilisateurs, de leurs problématiques (la fameuse “User Research”) et de ne s’en tenir qu’à des hypothèses parfois pas validées. En faisant mal ou trop rapidement ce travail, ils s’aperçoivent alors ensuite que leur prototype n’intéresse pas grand monde, qu’il y a un souci et qu’il faut reposer les bases. Cela fait beaucoup de temps perdu.
Je pense que ce comportement peut s’expliquer par la difficulté légitime qu’ils ont parfois à sortir de leur zone de confort, cette zone chaleureuse dans laquelle le futur client rêvé ne remet pas en cause l’utilisation du produit ou service. En sortir fait peur.. Dans d’autres circonstances, les jeunes entrepreneurs ont aussi la sensation que descendre dans la rue et interroger, observer des dizaines de personnes ciblées, est une perte de temps. Ou alors que ce sont la technologie, l’automatisation de tâches ou de nouvelles fonctionnalités qui “créeront le marché” et l’appétence des clients ensuite ! Erreur. Pour lancer un superbe produit ou service, une startup à succès, il faut au minimum connaître parfaitement ses utilisateurs, leurs usages, leurs habitudes (voire comment ils mangent, dorment…). Cela prend du temps, mais c’est fondamental. Nous continuerons à le répéter inlassablement.
L’intrapreneuriat relève de la politique RH
Depuis maintenant près de cinq ans, l’intrapreneuriat à le vent en poupe dans les grandes entreprises. Cette pratique consiste à développer un projet au caractère novateur, porté par un salarié au sein d’une entreprise, en théorie, en accord et avec tout le soutien de sa direction. Chez Startup Palace, avant un recentrage stratégique sur l’opération de programme d’accélération de startup en 2018, nous avons eu l’occasion d’accompagner plusieurs projets d’intrapreneuriat portés par des salariés de grands groupes. Ce fut parmi les projets qui nous ont demandé le plus d’investissements personnels avec, il faut le dire, assez peu de résultats à la clé. Cette expérience nous permet aujourd’hui d’affirmer que l’entrepreneuriat et l’intrapreneuriat ont peu à voir et que l’intrapreneuriat est surtout un instrument qui relève de la politique de ressources humaines.
Pourquoi me direz-vous ? Tout d’abord parce qu’être salarié d’un grand groupe, souvent à temps partiel sur un projet, ne met pas dans les mêmes dispositions d’implication dans un projet qu’une personne qui vit grâce à ses économies personnelles ou une allocation Pôle Emploi, qui est lancée à 100% sur son entreprise et qui vise à en vivre le plus vite possible. Le cordon ombilical entre l’intrapreneur et son employeur n’est jamais vraiment coupé. Ensuite, pour qu’un projet intrapreneurial ait un minimum de chance de réussir, il faut qu’une condition nécessaire mais pas suffisante soit réalisée : le salarié doit savoir avant même de commencer ce qui va se passer pour lui en cas d’échec du projet et comment il sera réintégré à sa structure. Cette réintégration et ses perspectives sont clées. Or, dans de nombreux cas, le “on verra plus tard” domine. Pourtant, ce que vit le salarié durant cette période est humainement “puissant”. Cela nécessite un accompagnement qui relève de la politique RH et qui a peu à voir avec la direction innovation qui pilote souvent le programme d’intrapreneuriat. Sur les cinq projets intrapreneuriaux que j’ai accompagné chez Startup Palace, une majorité de porteurs ont quitté leur job dans leur entreprise une fois le projet terminé. Principalement pour des questions liées aux RH et parce qu’ils avaient été chamboulés par l’expérience.
Enfin, les projets intrapreneuriaux ne débouchent que rarement sur une nouvelle entité de la grande entreprise ou sur une “spin-off”, leur objectif initial. Cela s’explique parce que les intrapreneurs, souvent des cadres expérimentés qui connaissent parfaitement les contours du problème qu’ils cherchent à résoudre à travers leur projet, n’ont pas toutes les cordes à leur arc pour le faire aboutir. Autrement dit, un excellent salarié ayant une excellente idée pour résoudre une problématique excellemment connu n’aura que trop rarement les compétences et savoir-faire pour passer de l’idée à son exécution concrète. La compétence : encore un sujet lié à la politique RH.
Les “accélérateurs corporate” génèrent vraiment de la valeur mais pas n’importe comment
“Corporate accelerators are evil and should not exist”. Cette phrase, c’est Oussama Amar, co-fondateur de The Family qui l’a prononcée en avril 2016. Il exprime le fait que les programmes d’accélération portés par de grands groupes qui cherchent à travailler avec des startups ne peuvent par nature que faire perdre du temps aux startups à cause du désalignement d’intérêts profond qui existerait entre les deux acteurs. Et en tant que récent ex-salarié d’une entreprise qui a déjà animé non loin de 10 promotions d’accélérateurs corporate – je vais peut-être vous surprendre – je pense qu’il a presque raison.
“Presque”, parce qu’en effet, selon l’avis des startups avec lesquelles nous avons pu travailler, beaucoup d’accélérateurs corporate peuvent être bullshit comme les qualifie aussi Oussama. En tout cas, en 2016, lorsqu’il a prononcé cette phrase, monter un accélérateur corporate c’était comme aujourd’hui monter un startup studio ou “corporate venture builder” : une mode. Et le problème dans toutes les modes, c’est que les gens suivent sans se poser de questions, par mimétisme, par tendance. À cette époque, on lançait donc des corporate accelerators sans poser les fondations, sans créer l’infrastructure chez le grand groupe pour qu’un alignement d’intérêt entre David et Goliath puisse avoir lieu. Dans de nombreux cas, on n’entrait pas dans les directions métier, on ne “mettait pas les mains dans le cambouis”. De nombreux accélérateurs étaient avant tout une façade pour véhiculer une image innovante à communiquer vers l’extérieur. Du véritable startup washing, à l’instar du greenwashing. Néanmoins, en 2020, alors que bon nombre d’accélérateurs corporate ont disparu et que la hype est un peu retombée, on peut commencer à dresser des bilans.
OUI, les accélérateurs corporate peuvent générer de la valeur. Pour les grands groupes qui les financent et pour les startups qui y participent. Il faut pour cela quatre conditions. La première est que le grand groupe ait su identifier de véritables problématiques à résoudre sur son coeur de métier (pas en périphérie). En faisant cela, il pourra alors beaucoup mieux qualifier les startups à même d’y répondre dès le sourcing et autour de synergies précises. La seconde condition est qu’il soit prêt à ouvrir ses ressources clés et stratégiques aux startups (dataset, infrastructure technique, terrain d’expérimentation stratégiques…). Autrement dit, il doit se mouiller et prendre quelques risques. La troisième condition pour qu’un accélérateur corporate fonctionne, ce sont les ressources humaines. Le corporate doit être prêt à accorder du temps à des personnes décisionnaires, sur leur temps de travail et dans leur fiche de poste, pour réellement collaborer avec la startups. Le mieux est que ces personnes, des parrains ou marraines de la startup, proviennent des directions métier et non de directions plus transversales comme l’innovation qui n’ont que peu d’influence sur les métiers toujours happés par la résolution de leurs problèmes du quotidien. Enfin, quatrième et dernier ingrédient pour que la collaboration prenne : l’accompagnement individualisé de la startup mais aussi du corporate.
Dans un accélérateur corporate, il faut effectivement un opérateur qui se positionne comme “tiers de confiance” entre les deux. Cet opérateur doit être en mesure de fluidifier la communication, les non-dits, et savoir donner un point de vue objectif et parfois radical sur les dysfonctionnement de la collaboration qu’ils soient de la responsabilité du grand groupe qui le rémunère (pas facile !) ou de la startup. Cet accompagnement et le suivi de la startup doit être très fréquent et calibré sur-mesure pour accompagner chacun des acteurs à parler le même langage.
Si ces quatre conditions sont réunies et avec un peu de patience – il faut souvent plusieurs promotions pour se rôder – la valeur peut être immense pour le grand groupe avec des coûts d’investissement faible vis-à-vis des bénéfices très forts d’une R&D externalisée. Idem pour la startup qui bénéficiera d’une accélération business certaine, d’un accès à un marché privilégié, à des clients, une force de distribution, des données stratégiques ou des terrains d’expérimentation exceptionnels.
Vendre des produits et services au secteur public est compliqué pour une startup
En trois ans, on a eu la chance d’accompagner une demi-douzaine de startups qui proposaient des produits et service au secteur public : État, collectivités locales, hôpitaux. Le marché de celles et ceux qui travaillent au service de l’intérêt général est théoriquement un magnifique marché qui pèse près de 100 milliards d’euros de commande publique par an. C’est aussi un marché plein de sens pour de nombreux entrepreneurs qui rêvent de voir leur organisation travailler en partenariat avec celles et ceux qui rendent service aux citoyens. Cela concerne beaucoup les startups issues des CivicTech (technologie de participation citoyenne), du logiciel métier en SaaS mais aussi souvent celle de la mobilité. Parce qu’il est très réglementé, que les temps de prise de décision sont souvent extrêmement longs, soumis aux aléas des périodes électorales et des marchés publics, ce marché est très difficile d’accès et potentiellement risqué pour les startups.
Pour une typologie d’entreprise qui a besoin d’avoir des clients avec lesquels co-construire le produits, d’itérer rapidement, d’agir avec agilité, de faire rentrer du chiffre d’affaires, c’est souvent contre-nature. Ainsi, pour une startup, il est contre-intuitif de vouloir “faire de la croissance rapide” avec un marché qui par essence travaille sur des temporalités plus longues. Ces temporalités plus longues peuvent en revanche se révéler être un atout pour les heureuses élues. Une fois le marché public gagné par la startups, le temps d’utilisation du produit/service (“Life Time Value” pour les initiés) par le client est connu à l’avance, il se compte souvent en années et sécurise le développement de la startup.
Fort heureusement, aujourd’hui, le secteur public commence aussi à faciliter les procédures pour pouvoir travailler avec les startups voire créer ses propres incubateurs et startups d’état. En 2019, le législateur a ainsi décidé d’ouvrir la commande publique aux startups et entreprises innovantes avec des dispositions simplifiées, pour une période expérimentale de trois ans avec l’idée de moderniser les services publics : cela s’appelle le dispositif Achats Publics innovants. Cela va dans le bon sens.
Il est possible de créer une belle startup en “région”, en “province”, “dans les territoires”, à Vierzon…
…mais il ne faut pas forcément ultra-communiquer dessus. Il faut aussi songer à un lieu de représentation à Paris lorsque la croissance est au rendez-vous.
Merci à tous pour votre lecture attentive de ces 10 points qui résument ce que j’ai appris en 3 ans dans l’accompagnement de startups. J’ai pris un grand plaisir à découvrir ce monde dont on attend peut-être un peu trop, qu’il faut savoir laisser mûrir et qui gagnerait parfois aussi à moins être une caricature de lui-même. Les méthodes startups sont très puissantes mais doivent maintenant savoir sortir des incubateurs et des open spaces standardisés. Certaines associations, mouvements politiques se les sont appropriés avec un certain succès. Ce monde là doit maintenant pouvoir se mélanger avec d’autre. Il doit être possible d’en garder le meilleur, au service de l’intérêt général.
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