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Lorsque j’ai créé ma société, je pensais qu’il existait deux types d’investisseurs. Au mieux, les investisseurs aidants, ceux qui vous donnent les bons contacts, vous conseillent sur la stratégie, vous font bénéficier de leur réseau et de leur expertise tout en vous faisant confiance. Au pire, les investisseurs dormants, ceux qui vous font le chèque puis dont on n’entend plus parler. Je ne savais pas, et je l’ai découvert à mes dépens et à ceux de ma société, qu’il existe un troisième type d’investisseurs : ceux qui, par un savant mélange d’égo surdimensionné, d’incompétence et de bêtise, font plonger votre boite.
Je souhaitais partager mon expérience avec tous les entrepreneurs qui sont en passe de lever des fonds, cela peut être le début d’une belle aventure mais aussi d’un cauchemar !
Un investisseur tombé du ciel ?
Avec mon associé, nous avons fondé notre société dans la medtech début 2016. On ne peut pas qualifier les deux premières années d’idylliques bien sûr, mais ça a été une aventure extraordinaire, riche en rebondissements, en rencontres, en rigolades et en déconvenues. Nous faisons une première augmentation de capital auprès de Business Angels et de nos proches (mais néanmoins tous dans des fonds d’investissement, donc ayant une bonne connaissance du milieu). Ces 150 000 euros nous permettent de passer du concept au produit, d’embaucher une personne pour nous aider au quotidien, de trouver un incubateur ainsi que des premiers clients. L’avenir était devant nous.
Fin 2017, après presque deux années d’existence, nous rencontrons la dirigeante d’un fonds, qui est en train de se monter. Celle-ci semble très intéressée par notre projet et nos profils, et nous exprime rapidement son envie d’investir, à hauteur de 2 millions d’euros d’ici début 2018, date d’ouverture de son fonds. C’est la première fois que nous faisons une levée de fonds, nous avons à peine commencé à chercher un investisseur que celui-ci s’offre à nous, semblant plein de bonne volonté à l’idée de nous aider !
Le fonds n’ouvre qu’en été 2018, avec plus de six mois de retard. Et pourtant, durant ces six mois, la directrice du fonds en question agit comme si elle avait déjà investi dans la société, et même comme si elle en était la dirigeante. Elle s’immisce progressivement dans les détails du quotidien, toujours avec un même discours : « je ne financerais votre levée de fonds que si vous écoutez mes « recommandations ». Dès lors, impossible de s’échapper, il est trop tard pour aller voir d’autres fonds. Celle-ci a mis la main sur l’opération, c’est son bébé, et personne n’a le droit d’y toucher.
Le début des problèmes
Son premier chantier est de restructurer l’équipe, alors même qu’elle n’est pas encore au capital. Elle n’apprécie pas le DG et cofondateur, elle n’apprécie pas non plus l’un des Business Angels et elle demande à les évincer. Elle me fait rencontrer les patrons d’une autre startup dans laquelle elle souhaite également investir car elle veut nous « marier » professionnellement. Ceux-ci résistent, pas question pour eux de changer leur équipe pour le moment, et au final, après les avoir fait attendre un an, elle n’investira pas chez eux.
Je résiste pour le moment aussi et garde mon associé et mes Business Angels, mais la relation se tend déjà alors que la levée de fonds n’est pas faite. Ma situation est inconfortable car évidemment l’investisseure ne passe pas elle-même les messages désagréables et c’est moi qui suis en charge de le faire, me retrouvant entre le marteau et l’enclume. Elle demande également à notre chasseur de têtes, une connaissance personnelle qui excelle dans son domaine et nous fait des prix d’amis, de partir car « on se connait sur le plan perso ». Elle fait venir son propre chasseur de tête, hors de prix, 30 000 euros le recrutement.
Nous sommes approchés par un autre fonds, familial, dans la santé, avec lequel nous accrochons bien. Avec eux tout semble si simple ! Mais ils ne souhaitent investir « que » 500 000 euros, et la directrice du premier fonds les trouve « petits joueurs » selon ses propres termes, donc refuse qu’ils entrent au capital, alors qu’elle n’a même pas mis encore un euro elle-même.
De la lettre d’intention à la signature du pacte
Une LOI est enfin signée au mois de mai 2018, après six mois de négociations en tout genre qui nous ont empêchés, mon associé et moi, de faire notre travail correctement et nous a déjà fait perdre beaucoup de temps.
Nous choisissons notre CTO par réseau, il est parfait pour ce poste, couteau suisse, il sait tout faire et est bien adapté au monde de la startup. Hélas c’est sans compter sur l’investisseure à qui il ne convient pas. Elle veut « le top du top du CTO », et avec son chasseur elle débauche un CTO à la tête d’une équipe de 200 personnes, alors que nous-mêmes sommes trois dans la société ! Ce choix a d’énormes conséquences pour nous : retard de trois mois sur le plan d’action, coût de salaire élevé, coût de chasseur de tête élevé, obligation de recruter un autre collaborateur en plus de lui pour pallier son manque de compétences opérationnelles (il ne code pas, embêtant pour un CTO de startup…), on embauche donc un architecte solution.
Nous recevons enfin au courant de l’été 2018 le pacte final d’associés et là, surprise, il est très différent de la LOI ! Nos Business Angels, tous investisseurs, n’ont « jamais vu ça ». Les fonds seront finalement distribués en trois fois, soit trois fois 650 000 euros environ, et l’obtention de la tranche suivante sera soumise à des objectifs définis par la dirigeante du fonds. Il y aura donc 650 000 euros à l’été 2018, 650 000 euros si objectifs atteints en février 2019, et 650 000 euros si objectifs atteints en septembre 2019. Cela change de beaucoup notre business plan. Face à ma réticence, celle-ci me traite de « petit bras » : je ne suis pas assez ambitieuse si j’ai peur de ne pas atteindre mes objectifs.
Hélas, nous n’avons pas d’autre choix que d’accepter, nous sommes à quelques semaines du dépôt de bilan car avons beaucoup dépensé ces derniers temps, à l’initiative de la dirigeante du fonds. La signature traine, se fait attendre. L’investisseure impose deux objectifs de dernière minute avec un nouveau découpage du premier tiers (deux fois 325 000 euros au lieu des 650 000 promis). Heureusement, nous atteignons en urgence ces objectifs. Nous sommes fin juillet, le closing se fait attendre. Celle-ci nous dit qu’on le fera en signature électronique, je pars en vacances à l’étranger mais trois jours après mon arrivée la bas il me faut revenir car finalement la signature électronique n’est plus possible… Ainsi commence notre aventure entrepreneuriale avec ce fonds au capital, tous ces signaux ne sont pas de bon augure, et cela va se confirmer avec la suite.
Une organisation chaotique
Tous les mois nous avons un board, auquel la dirigeante du fonds a systématiquement 30 minutes de retard minimum. Elle humilie les nouveaux membres de l’équipe qui n’ont pas été choisis par elle. Ces boards se passent tellement mal qu’on y fait venir nos Business Angels afin qu’ils protègent l’équipe et qu’ils voient comment ça se passe. Les sujets abordés ne sont pas du tout ceux d’un board, rien de stratégique mais des sujets opérationnels du quotidien, comme par exemple la rédaction des questions d’une étude de marché, demandée par elle et qui nous coutera 30 000 euros de plus.
Fin 2018, nous sommes approchés par un fonds qui souhaite compléter le tour avec 1 million d’euros. Nous nous entendons très bien avec eux, tout se passe vite et bien, mon associé gère le deal de main de maitre, et une LOI tout à fait acceptable nous est envoyée en fin d’année. Hélas, tout se complique quand ils rencontrent la dirigeante du premier fonds : le rendez-vous se passe très mal, celle-ci les traitera en off de « bande de charlots », elle ne les apprécie pas. 24h après cette réunion, le fonds se retire finalement du deal. La raison officielle est que notre marché est une niche. La raison officieuse, qu’ils me donneront plus tard, est que notre investisseur actuel ne leur semble ni fiable ni compétent donc ils préfèrent se retirer.
De son côté, la dirigeante du fonds est mécontente de ce revirement, et l’échéance du versement de la seconde tranche approche, elle resserre donc l’étau en nous demandant de lui reporter chaque début de semaine. Nos bureaux sont à 45 minutes du sien, mais nous devons perdre 3h par semaine pour faire ce point avec elle, auquel elle est toujours en retard. Pour ne pas perdre encore plus de temps, mon associé et moi décidons de lui passer chaque semaine la même présentation, à la virgule près et, surprise, elle ne se rend compte de rien ! Elle ne lit donc pas la présentation hebdomadaire qui nous est pourtant demandée.
L’inquisition se poursuit : elle souhaite participer à notre conseil scientifique (médical, donc confidentiel), envoie un membre de son équipe à nos réunions d’équipe pour vérifier qu’on avance bien, nous demande d’être incubés dans un endroit plus prestigieux mais aussi bien plus onéreux, souhaite valider le moindre de nos recrutements, même un commercial junior ou un freelance sur les affaires publiques. Elle donne son avis sur tout, est systématiquement en désaccord avec nos décisions, nous fait perdre énormément de temps et d’énergie. Évidemment, comme à son habitude, à quelques jours du versement de la seconde tranche (nos objectifs ont été atteints, ouf !), ses demandes s’accroissent : elle souhaite recruter des commerciaux sénior alors que nous sommes à 15 jours du dépôt de bilan, souhaite de nouveau changer le DG (qui est par ailleurs le cofondateur..) et le remplacer par une personne de son choix, elle me menace de ne pas refinancer la société, par SMS, à 21h, si je ne réponds pas à ses demandes. Bref harcèlement, ingérence et chantage sont les maitres mots et de nouveau nous sommes dans l’obligation d’accepter certaines de ses demandes afin d’obtenir les 650 000 euros de février 2019 puisque nous sommes à quelques jours de la fermeture.
La descente aux enfers
Une fois le versement de février reçu, nous décidons mon associé et moi, de « renvoyer » cette investisseure. Nous préférons ne pas toucher son dernier versement prévu à l’été 2019 et nous débrouiller par nous-mêmes, je ne veux pas me séparer de mon associé et nous ne voulons plus être soumis à son chantage permanent. Nous sommes soutenus par nos Business Angels dans cette décision et sommes très soulagés car proches du burn-out à force de harcèlement et de chantage, surtout que nous sommes à présent une équipe de 15 personnes et que c’est très angoissant de se retrouver régulièrement à quelques jours du dépôt de bilan. Notre première décision est de licencier trois gros postes embauchés par cette investisseure : le CTO, l’architecte solution et le directeur commercial sénior, ce qui n’est jamais agréable, surtout quelques mois après leur embauche… Cela nous coute financièrement et émotionnellement.
La dirigeante du fonds, sous la pression des Business Angels, nous dit qu’elle va nous aider à trouver une autre solution, même si elle ne re-finance pas et elle nous met en contact avec des banques pour des prêts de post-amorçage en nous garantissant que cela va fonctionner « à 100% ». Nous commettons encore l’erreur de la croire, constituons les dossiers, ce qui nous prend des semaines, nous courons derrière les banques et finalement toutes nous disent non car le dossier n’est pas soutenu par celle-ci. Encore de l’énergie et du temps perdus, même si nous essayons de nous recentrer sur notre société, c’est difficile au quotidien. La dirigeante du fonds refuse de nous parler, ne vient plus aux boards, refuse toute forme de communication, pas pratique puisqu’il s’agit de l’investisseur principal…
Nous sommes à nouveau à court de cash puisque nos dossiers bancaires ont été refusés. Nous sommes par ailleurs approchés par une société qui souhaite nous acquérir. Il s’agit d’une belle opportunité pour nous, mais les négociations s’annoncent longues donc nous avons besoin d’être re-financés pour tenir jusqu’au closing. La directrice du fonds refuse tout geste malgré nos explications, elle aura mis 1,2 million en 2 ans plutôt que 2 millions en une fois, ce qui a changé bien sûr de beaucoup notre business plan, sans compter la levée de fonds d’un million supplémentaire qui n’a pas pu aboutir par son fait… Malgré les demandes de nos Business Angels, elle refuse de faire un bridge permettant la vente, ce sont nos Business Angels qui vont nous refinancer encore une fois à 15 jours du dépôt de bilan…
Un rachat pour sauver l’entreprise
Lorsque le rachat aboutit, à 24 heures du closing, elle ne répond ni à nos appels ni à ceux de l’acheteur. Le closing est à 11h…. Elle y arrive à 12h10, plus d’une heure de retard, et refuse de se mettre dans la même salle que nous pour signer, ne souhaitant ni nous voir ni voir notre acquéreur, montrant une dernière fois son manque de respect et de professionnalisme.
Heureusement, l’histoire finit bien. Mon équipe et moi sommes à présent dans une belle société, avec la même vision que la nôtre, et nous allons enfin pouvoir dérouler notre plan d’action.
Autant vous dire que la coupe de champagne bue au moment de notre levée de fonds avec cette investisseure gardera un gout amer…. Je pensais naïvement que ce closing nous donnerait les moyens de nos ambitions, et il s’est produit tout le contraire. Mon associé et moi en avons vu d’autres et avons de l’expérience, mais en rédigeant ces lignes je pense à tous ces jeunes entrepreneurs qui se lancent dans l’aventure dès la sortie d’école et se réjouissent de trouver un investisseur… Si nous n’avions eu aucune expérience, nous serions sortis laminés, traumatisés, en burn-out de ce parcours, et nous aurions perdu toute velléité entrepreneuriale. Attention à tous ceux qui se lancent : prenez le temps de bien choisir votre investisseur, ne vous précipitez pas. L’argent est important certes et on en a besoin pour dérouler, mais une fois liés le retour en arrière est impossible, il est donc essentiel de considérer l’être humain derrière le chéquier pour bien faire son choix.
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