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Quelles sont les contraintes et les opportunités spécifiques à l’arrêt des packagings ? Co-fondateur de l’enseigne Day by Day, Didier Onraita nous explique comment mettre en place un modèle 100% vrac rentable.
Didier Onraita, pouvez-vous nous présenter le concept Day by Day ?
Day by Day est une émanation de l’entreprise My Retail Box, que nous avons lancée en mai 2013 avec David Sutrat. Sa vocation est de bâtir un nouveau modèle de retail, afin de rendre la consommation responsable accessible à tous. Nous avons ainsi décidé de nous attaquer aux deux grands problèmes de la consommation de masse : le gaspillage, principalement alimentaire, qui est mieux identifié qu’en droguerie parfumerie hygiène, et qui est très lié à l’autre problématique, que j’appelle le « délire packaging ». En Occident, et maintenant partout dans le monde, la consommation s’est individualisée : nous assistons à une multiplication des moments et des lieux, mais aussi des goûts de chacun, et nous sommes de moins en moins sur un modèle où l’on partage un repas constitué d’un plat unique en famille. C’est ce qui nous pousse à faire de plus en plus des portions, et à emballer individuellement chaque produit, tant pour protéger la nourriture que pour la transporter. Avec le vrac, on réduit le gaspillage car nous poussons nos clients à ne prendre que ce dont ils ont besoin, dans des emballages réutilisables.
Et cela fonctionne ? Avez-vous trouvé votre clientèle ?
Nous avons ouvert 59 magasins, dont un à Bruxelles. Les autres couvrent 48 départements français, et nous ambitionnons de toucher 100% des départements d’ici à deux ans. Nous avons un modèle de développement en franchise directive, et notre centrale d’achat et de logistique est basée à Dreux. Nos magasins font en moyenne 53m2, et vendent des produits de grande consommation alimentaire. Au total, nous avons 1000 références dans 30 catégories. Et nous sommes rentables, au global et dans la grande majorité de nos magasins. Notre croissance est constante, et est de l’ordre de 40% l’an passé. En 2019, nous réalisons un chiffre d’affaires de 30 millions d’euros hors-taxe, et nous avons enregistré 900 000 passages en caisse. Ce qui est intéressant, c’est que nous voyons les rayons en vrac faire leur apparition dans l’ensemble des enseignes de grande consommation, mais cela ne remet pas en cause notre croissance. Notre modèle est « bulk native », bulk étant la traduction de vrac en anglais : contrairement à la grande distribution, qui essaye d’adapter le vrac à son modèle, nous avons construit notre écosystème à partir du vrac, ce qui nous permet de répondre à ses problématiques spécifiques et de ne pas nous limiter à une centaine de références seulement.
Quelles sont les problématiques spécifiques au vrac et comment les adressez-vous ?
Le principal enjeu est simple : il faut remplacer les packagings en remplissant les mêmes fonctions de protection du produit et d’information des consommateurs. Cela passe par plus de technologie et / ou plus d’humain, un peu comme ce que fait le frais traditionnel à la coupe en supermarché, mais cela est difficile à mettre en place pour un rayon PGC classique, dont le modèle est justement de limiter l’humain au maximum.
Le premier point est d’assurer la protection et la conservation du produit, du transport à la vente. Quand vous utilisez un silo en magasin pour vendre des céréales, avec le temps, vous aurez une accumulation de poussières et de bactéries, qui peuvent affecter la bonne conservation du produit. Vous prenez alors le risque de devoir le jeter, ou de provoquer la déception du consommateur, ce qui est problématique dans les deux cas. Il va alors falloir régulièrement nettoyer les silos, soit : les démonter, les vider, les laver, les sécher pour qu’il ne reste pas d’humidité, les remonter, et les remplir… Cela va prendre dix minutes à un employé, là où il suffirait d’une minute pour mettre la même quantité de céréales en rayon dans la grande distribution classique ! Et je ne rentre pas dans le détail quand il s’agit de nettoyer les pinces et le reste…
Le deuxième point est d’assurer l’information des consommateurs : composition du produit, données nutritionnelles, mode d’utilisation, traçabilité… Normalement tout cela tient sur un packaging, et c’est une machine qui prend quelques secondes en usine pour réaliser ce travail, quand nous devons le faire en magasin ! Certaines informations sont ajoutées sur le silo à la main, d’autres sont données directement par nos employés, qui sont formés pour connaître les spécificités des produits, les modes de conservation et de consommation, etc. Ce sont des commerçants ! On s’attend d’un boucher ou d’un fromager à ce qu’il connaisse ses produits !
Cela nous amène au troisième point, qui est la sécurisation de l’usage par les consommateurs. Le concept de vrac vous pousse à venir avec vos propres contenants, qui seront différents pour chaque client. Il faut donc peser systématiquement ces contenants, mais aussi vérifier qu’ils sont propres et donc aptes à contenir et conserver les aliments. Cela demande encore une fois une bonne connaissance des produits vendus, mais est nécessaire pour sécuriser nos relations avec nos fournisseurs, qui sont aussi des marques et veulent donc s’assurer de la pérennité de cet actif : or une marque est une promesse, celle de retrouver une qualité du produit constante. Une marque offre aussi une certaine visibilité, c’est un produit d’appel. Nos employés doivent remplacer le packaging comme véhicule de l’identité de la marque, d’où l’importance de la maîtrise du storytelling : quelle est l’histoire de la marque, et pourquoi nous travaillons avec elle.
Vos employés passent ainsi plus de temps qu’en grande distribution classique à mettre les produits en rayon, mais aussi à échanger avec vos clients. Comment réussissez-vous à concilier ces deux contraintes ?
D’abord, nous avons plus de personnel qu’un magasin classique. Ensuite, nous avons centralisé au maximum le back office, afin de libérer du temps pour le front. Nous n’avons pour l’instant que 83 fournisseurs, ce qui limite également le travail. Nous avons développé des outils PIM / DAM et des process afin de faciliter l’étiquetage et le suivi, et nous partageons des fiches produit sur les marques / fournisseurs ou les usages sur le Web afin d’aider nos clients et nos vendeurs. Enfin nous organisons régulièrement des formations à distance ou des rencontres avec les fournisseurs.
Avez-vous une politique particulière en matière de fidélisation, de promotion et de PLV ?
Nous voulons pousser nos clients à acheter la juste quantité dont ils ont besoin, aussi nous ne faisons pas de promotion et nous essayons d’avoir le juste prix tout au long de l’année. De la même façon, nous faisons peu d’opérations spéciales ou de promotions en magasin, et nous n’avons pas de programme de fidélité transactionel. Peut-être qu’un jour nous mettrons en place un programme plus impliquant et communautaire, qui propose par exemple de participer à des ateliers de pricing ou de co-création. Nous menons déjà des ateliers pédagogiques autour du vrac, avec par exemple la création de sa propre lessive, ou encore des conseils pour la mise en place du compost… L’idée est d’apporter un maximum de solutions pour lever les contraintes autour du vrac et éviter au maximum le gaspillage et le packaging. Au global, nous devons organiser une dizaine d’ateliers chaque semaine qui réunissent de 5 à 8 personnes à chaque fois. Cela peut paraître anecdotique, mais nous donne l’occasion d’animer nos réseaux sociaux ! Nous ne faisons pas d’achat média, et notre communication est basée sur les RP et nos réseaux sociaux (Facebook, YouTube), sans oublier des opérations de co-branding. En matière de marketing et de mise en avant de nos fournisseurs, nous réalisons et diffusons une dizaine de vidéos chez eux chaque année, et nous organisons régulièrement des dégustations. On pourrait aller plus loin, en travaillant sur le développement de contenants réutilisables brandés, un peu comme l’a fait Loop… Il suffit d’un peu d’imagination !
Quels sont vos projets et vos objectifs pour 2020 ?
Nous comptons ouvrir entre 20 et 25 nouveaux magasins, en nous développant dans des villes de moins en moins denses. Jusqu’à présent nous nous étions limités afin de ne pas mettre en difficulté nos nouveaux franchisés. Mais notre promesse est de rendre le vrac accessible au plus grand nombre. Aussi, nous allons tirer les conclusions d’un test mené l’an passé avec l’enseigne Cora : Nous avons installé un magasin Day by Day directement dans un de ses hypermarchés, afin d’adresser la problématique du vrac. Si ce test est concluant, nous pourrions en ouvrir deux ou trois supplémentaires en 2020, avec au final la volonté de développer ce modèle en franchise.
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