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| Le Guide Michelin est depuis 1900 la référence des restaurants gastronomiques. (Photo : Christian Böhmer via Getty Images)
Coup de tonnerre dans le paysage gastronomique. Deux ans après la disparition de son fondateur éponyme, le restaurant Paul Bocuse perd son étoile Michelin. Retour sur un phénomène qui a fustigé plus d’une grande enseigne française au cours des deux dernières années.
Depuis 55 ans, l’auberge de Collonges-au-Mont-d’Or détenait la grande reconnaissance gastronomique. Le plus vieux titulaire de cette distinction se verra déchu de sa troisième étoile dans l’édition 2020 du Guide rouge. L’annonce, faite ce vendredi 17 janvier, a été suivie d’un communiqué de la famille Bocuse et des équipes du prestigieux établissement : « Cela fait 2 ans que Monsieur Paul nous a quittés, et même si l’étoile n’appartient pas à un Chef, il va sans dire que tout le monde s’interrogeait sur notre avenir. Bien que bouleversés par le jugement des inspecteurs, il y a une chose que nous souhaitons ne jamais perdre, c’est l’âme de Monsieur Paul. Depuis Collonges et du fond du cœur, nous continuerons à faire vivre le Feu Sacré avec audace, enthousiasme, excellence et une forme certaine de liberté. »
L’hécatombe des grandes enseignes
Si la nouvelle, aussi bouleversante soit-elle pour le restaurant lyonnais, n’a pas fauché l’ambition et la recherche d’excellence de ses équipes, l’information n’a toutefois pas manqué de faire réagir dans le milieu culinaire, alors que le Guide Michelin avait déjà été au centre d’un bras de fer juridique avec le chef Marc Veyrat, dont le restaurant la Maison des Bois, en Haute-Savoie, avait obtenu sa troisième étoile en 2018 pour être déclassé un an plus tard. Affirmant que sa cuisine n’avait aucunement changé d’une année sur l’autre, Marc Veyrat était scandalisé par la “déchéance” de son établissement, décidant par la suite de ne plus figurer dans le célèbre guide culinaire. Une réaction qu’il reconduit aujourd’hui à l’annonce de la démise du restaurant lyonnais : « C‘est comme si on détrônait le pape ».
Il y a un an, c’est Marc Haeberlin qui perdait sa troisième étoile. Un choc émotionnel pour le restaurant familial de l’Auberge de l’Ill : « c’est un petit tsunami, il faut être costaud », confiait Danielle Baumann Haeberlin, cogérante. « Tout le monde l’a vécu comme un petit deuil ». Un deuil, oui, mais la mythique table alsacienne a su, à l’inverse de son comparse savoyard, faire preuve de perspective quant à son déclassement et se relever très vite. « On s’est remis en question sur des petites choses, on essaye d’être plus précis sur certains points, mais notre philosophie, c’est de travailler pour les clients plus que pour les guides », explique Marc Haeberlin. Et la clientèle est restée, ce qui constituait plus qu’une compensation pour l’élève de Paul Bocuse.
Le guide Michelin, l’épée de Damoclès des chefs étoilés
Crée en 1900, le guide Michelin est devenu au fil du temps une véritable institution. À tel point que son poids est devenu considérable dans le chiffre d’affaires des restaurants gastronomiques. Sur environ 20 000 restaurants dans le monde listés dans le guide, seuls une centaine ont obtenu la distinction suprême des trois étoiles. Quand un établissement décroche une étoile, sa fréquentation augmente significativement et le prix des menus augmente en conséquence, tout comme le temps d’attente. À la perte d’une étoile, le cercle vertueux s’inverse et les pertes économiques sont colossales. Une étude dirigée par le spécialiste culinaire Olivier Gergaud démontre qu’avec le guide Michelin, les chefs étoilés vivent avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête. Au regard des investissements financiers et humains, la perte d’une étoile peut ruiner le modèle économique du restaurant. Les chefs étoilés sont alors sous pression, assis sur un capital qu’il faut coûte que coûte rentabiliser.
Au-delà de la dimension économique, le Guide Michelin est une véritable bible pour les restaurateurs, et le palmarès n’est donc jamais remis en cause. C’est pour cela que la perte d’une étoile est d’autant plus mal vécue. C’est aux yeux du métier et du monde la révélation d’une baisse de qualité. Face à une telle pression et l’obligation d’une très haute qualité pour conserver le sésame, certains chefs vont même jusqu’à rendre leurs étoiles, à l’instar d’Olivier Roellinger qui, en 2008, a renoncé à ses trois étoiles au Guide Michelin. Un revers de la médaille significatif pour les grandes enseignes de la gastronomie.
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