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Le gouvernement va proposer d’ici quelques semaines un « plan quantique » pour coordonner l’effort français dans le domaine, qui peut s’appuyer sur une recherche scientifique de classe mondiale. « On est dans l’aviation en 1903 », explique le financier Charles Beigbeder, créateur il y a un an du fonds d’investissement spécialisé Quantonation. « La seule différence, c’est que quand quelqu’un réussit à faire quelque chose quelque part, toute la planète est au courant en moins d’une heure », s’exclame-t-il.
L’industrie quantique repose sur l’application de théories scientifiques émises dès la première partie du XXe siècle, très difficiles à saisir car elles bouleversent complètement nos représentations du monde. Dans le monde quantique, celui de l’infiniment petit, atome, photon, électron, il est question de particules « intriquées » qui réagissent exactement de la même manière même si elles sont des milliards de kilomètres l’une de l’autre.
Ou de particules dans une « superposition d’état », c’est-à-dire qui sont simultanément plusieurs virtualités différentes, comme une pièce de monnaie est à la fois pile et face tant qu’elle n’est pas retombée.
Capteurs et communications quantiques
L’ordinateur quantique, et sa puissance de calcul qui ridiculisera un jour celle des supercalculateurs d’aujourd’hui, est la plus connue de ces applications en train d’émerger. Mais ce n’est probablement pas celle qui s’industrialisera le plus vite, explique Pascale Senellart, directrice de recherche au CNRS et chargée d’animer le centre quantique de l’université Paris-Saclay. « On sait très bien qu’il y a encore des barrières monumentales à franchir » avant de produire en série des machines compétitives et polyvalentes, explique-t-elle. « Mais les capteurs quantiques, ou les communications quantiques, je suis sûre que cela va arriver très vite ».
Le centre quantique de Paris-Saclay et le groupe Thales ont présenté à la presse cette semaine plusieurs innovations qui pourraient être commercialisables à grande échelle à moyen terme. Thales a ainsi montré un capteur basé sur un cristal optique, capable d’analyser instantanément de multiples signatures radar, celle des navires et avions environnants… et celle du missile qui s’approche à grande vitesse. L’innovation a déjà testée avec succès avec la Marine à Brest en 2019, assure l’industriel.
Thales a aussi montré une antenne quantique, qui tient dans la main mais pourrait être capable à l’avenir de remplacer une série d’antennes classiques, dont certaines faisant plusieurs dizaines de mètres. Selon les chercheurs de Thales, l’antenne a prouvé son efficacité, mais il reste encore à l’insérer dans un dispositif qui permette de la maintenir de manière opérationnelle à -260 degrés Celsius, la température nécessaire pour arriver à l’état supraconducteur qui lui donne ses propriétés particulières.
Performances multipliées par 10, 100 ou 1.000
Marko Erman, le directeur scientifique de Thales, estime que les premières applications industrielles en terme de capteurs et de communications seront sur le marché « d’ici 5 à 10 ans ». D’ici 10 ans, « les deux tiers des métiers de Thales seront impactés par les
technologies quantiques », souligne-t-il. « On ne parle pas d’améliorer les performances de 10% ou de 100%, on parle de multiplier les performances par 10, 100, 1.000… », s’enthousiasme-t-il.
Depuis son fonds d’investissement, Charles Beigbeder perçoit également l’accélération des projets commerciaux. En 12 mois, « nous avons vu près de 200 entreprises », françaises ou non, « venir proposer des projets », affirme-t-il. Quantonation a investi dans huit startups pour l’instant, dont trois françaises. Le fonds a levé aujourd’hui un peu plus de 5 millions d’euros, et compte atteindre la barre des 20 en 2020. « On est dans la phase de bouillonnement, d’ébullition », résume Pascale Senellart, elle-même cofondatrice de Quandela, une startup qui a conçu une source capable d’émettre un seul photon – la brique de base pour bon nombre d’applications quantiques.
Dans certains cas d’ailleurs, « il est encore urgent de ne pas choisir », et de ne pas faire trop vite un choix technologique trop radical, prévient-elle.
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