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Fondateur du restaurant la Tupina à Bordeaux, ambassadeur des produits régionaux et d’une cuisine sans simagrées, Jean-Pierre Xiradakis a vendu ce qui est devenu une institution. Il raccroche le tablier mais pas ses valeurs humanistes.
Rue de la Monnaie à Bordeaux plane l’ombre de Jean-Pierre Xiradakis où il a fondé son restaurant, la Tupina, devenu emblématique pour la Belle Endormie. L’heure des comptes a sonné : Xira a vendu et se tourne désormais entièrement vers les autres.
Lorsque le personnage arrive, il gare son scooter, lance une boutade de sa voix rocailleuse. La vie devient de suite moins lourde. Avec humour, il désamorce les situations, vérifie que le personnel ne manque de rien mais accomplit son devoir comme il se doit. Veste verte, gilet orange, pantalon jaune… L’homme colore les rues de Bordeaux pour le plus grand bonheur des amoureux du non conventionnel. Passionné d’architecture, il vous emmène découvrir la basilique Saint-Michel, évoque les vitraux refaits dans les années 50, reprend pour plaisanter les pièces données en arrivant à un mendiant qui éclate de rire. Sur la place qui entoure l’édifice, un marché, dans lequel il se promène, serre des mains. « Vous vendez des bouteilles de vin maintenant ? Vous buvez en cachette, je le sais » lance-t-il a trois hommes d’un certain âge et de confession musulmane. « Oui, Jean-Pierre, mais il ne faut pas le dire ». Sur les quais, un homme délaisse sa canne pour nous dire « il est comme ça ! » en présentant son pouce vers le haut.
En intimité
« Vous connaissez Xiradakis ? », nous glisse-t-on les yeux écarquillés. « Tout le monde ne peut pas l’approcher ». Et pourtant, de sa vie, il n’hésite pas à confier les détails les plus pudiques – ceux que d’aucun cachent volontiers une fois l’heure de gloire arrivée. Une enfance douloureuse. Un père « écorché vif », une mère « bonne cuisinière, aimante mais de plus en plus aigrie face aux difficultés financières ». Des difficultés qui mène la famille Xiradakis à venir s’installer rue de la Fontaine, dans un immeuble vétuste du quartier latin. « J’aurais préféré m’appeler Garcia, ça m’aurait évité des moqueries à l’école ». Un frère aussi, décédé aujourd’hui. « Notre famille était triste, sinon complètement fermée… Chaque jour avec mon frère, nous refrénions notre envie de pleurer » explique-t-il avant d’ajouter, sans aucune volonté d’attendrir, « j’étais témoin d’une famille pauvre où la règle était : pas de culture, pas de lettre, pas de musique, aucun disque chez moi, puisque la vie familiale se déroulait autour de la table. Mon père était souvent ivre ou titubant ». Jean-Pierre ne boit quant à lui « que de la flotte depuis onze ans ». Une cousine parisienne, « bourge et catho », l’initiera à la lecture en lui laissant entre les mains trois livres. Aujourd’hui, il les écrit, les livres. Et il met en avant sa famille – son épouse, qu’il retrouve les week-ends, ses enfants, Alex, Anne, Pauline et Mylos, qui ont respectivement 47, 44, 33 et 31 ans. « Vous avez un bébé ? Quel bonheur, moi je suis grand-père d’un petit Achille ». Un fierté pour sa descendance dont il ne se cache absolument pas. Et pourquoi, d’ailleurs ? Polis, agréables, ses enfants passent en coup de vent, amenant eux aussi un parfum de sympathie. Mylos évoque son projet de « retaper une maison landaise, tout en gardant la structure principale ». « Pauline est Alex ont beaucoup travaillé pour la vente des biens ». Car oui, Jean-Pierre Xiradakis a vendu ce qu’il possédait…
De l’ombre à la lumière
Son restaurant, la Tupina, a été désigné par Patricia Wells comme étant le « meilleur bistrot » dans l’International Herald Tribune, le New York Times et le Washington Post. L’immeuble, acquis en 1968 pour 700 francs, va le mener à cette réputation qui accapare les conversations bordelaises. La renommée se s’est pas faite en un jour, Jean-Pierre Xiradakis a prospecté jusqu’à pleurer à deux heures du matin. « Petit à petit, la clientèle est venue. J’ai orienté ma cuisine sur ce que je connaissais finalement -la cuisine des femmes, avec des produits locaux et beaucoup de sincérité. C’était ma façon de capter des gens que j’écoutais lorsqu’ils avaient des remarques à faire. Et puis un couvert, cinq couverts, trois couverts… ». Jusqu’à l’installation de la cheminée centrale dans les années 90. « La force du feu est exceptionnelle, je l’ai incluse dans ce que les autres restaurateurs voulaient cacher, le bruit, les odeurs d’ail et d’échalotes… ». Créant en parallèle une association qui mettait en avant des producteurs locaux, « Sauvegarde des traditions gastronomiques » il rencontrait un producteur, en faisait un reportage et un article dans un petit journal… Ce qui a attisé la curiosité des journalistes « qui me demandaient ensuite quels produits utiliser ». Et c’est ainsi que « Xira » est passé de l’anonymat au succès. Nicolas Sarkozy, Johnny Hallyday, Jacques Chirac, les personnalités se sont succédées à la Tupina. Alain Juppé lui a consacré quelques jolies lignes dans son dernier livre. Jean-Pierre. Lui qui a travaillé à 14 ans dans des quincailleries, est allé à l’armée, n’a pas supporté l’autorité « des cons qui se prenaient pour on ne sait qui ». Lui qui est allé en vacances en 2CV en Espagne et qui, en panne et à court d’argent, a demandé à travailler en tant que plongeur dans un restaurant.
Un philanthrope touche-à-tout
Ayant vendu La Tupina et tous ses biens, nous le questionnons sur demain. « La marche à pied ». « Dormir dans des forets ». « Pour le choix des vins, j’ai marché dans la vigne, afin de comprendre. Sac à dos et baton à la main. Il ne suffit pas de lire ce qui a été écrit dans telle ou telle revue, il faut aller à leur rencontre, salir les godasses, ouvrir les portes… À pied, c’est une des plus belles façons de découvrir les choses ET les gens ».
Le passé derrière, il se dédie désormais entièrement aux autres. « Je donne de donner de mon temps à des personnes dans le besoin, raconter mon histoire dans des collèges ou des lycées professionnels, je vais dans des EHPAD, essayer d’intéresser des personnes en fin de vie, leur montrer des photos anciennes, leur demander de trier ces photos… C’est un enseignement incroyable que de faire face à leur la solitude ». Pas de barrières entre lui et les autres, donc. « Ma secrétaire a eu pour ordre de toujours prendre l’appel sans demander de la part de qui. C’est un truc de bourge que de filtrer. J’écoute le temps qu’il faut, mais il ne faut pas qu’il y ait de barrière, non. C’est aux personnes qui ont réussi de tendre la main ». Tendre la main, il vient encore d’en donner la preuve en parrainant un jeune paysan en situation financière catastrophique : « je lui file 200 euros par mois pendant deux ans. Ce sont des gens qui vivent depuis cinq ans avec des difficultés. Ils ont besoin d’être aidés et je voudrais qu’il y ait d’autres restaurateurs qui nous suivent » glisse-t-il. Concernant l’avenir de notre pays, il se dit « confiant ». « Non enfants sauront rebondir ». « Nous vivons dans un pays merveilleux, il suffit de voyager pour s’en rendre compte. Or nous avons tendance à l’oublier. Alors, sur l’autoroute, prenons dix minutes pour nous perdre. Observer. Allez à la ferme. Échanger ». À la question « que diriez-vous si un jeune poussait à l’instant la porte de la Tupina, en panne à Bordeaux et en manque d’argent ?, Xiradakis répond sans attendre : « enfile le tablier mais accroche-toi mon pote, car ça ne va pas être facile ».
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