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Dans divers lieux de travail au Japon, des femmes ont été interdites de porter des lunettes, aussi bien à l’accueil de grands magasins que dans des salons de beauté ou dans l’hôtellerie. Apparemment, les lunettes ne sont pas considérées comme de simples prescriptions médicales. Si le fait que des gens se fassent taquiner parce qu’ils portent des lunettes n’a rien de nouveau, les interdire complètement au travail relève d’un tout autre problème, bien plus grave. Mme A., une Japonaise d’une vingtaine d’années qui a choisi de garder l’anonymat, est réceptionniste dans un grand magasin, où elle raconte qu’on lui interdit de porter des lunettes pendant qu’elle travaille.
Ses principales responsabilités consistent à assurer le service client et à prêter des poussettes et des fauteuils roulants. Elle a rapporté que son supérieur lui avait dit que « les lunettes sont interdites ». « Il a dit ça comme si c’était évident », explique-elle. « Je me suis dit à l’époque qu’on n’avait pas le droit de porter des lunettes parce qu’on devait avoir l’air féminines, et que ça ne le ferait pas d’en porter. Maintenant que j’y pense, c’est peut-être parce qu’il voulait que nous nous ressemblions tous, comme si on faisait partie d’une sorte d’équipe de gymnastique en uniformes », a-t-elle dit.
La vision de Mme A. est inférieure à 0,01. Elle travaille cinq jours par semaine pendant environ huit heures par jour. Si l’on tient compte de ses déplacements, elle doit porter des lentilles de contact pendant plus de 12 heures par jour. Ses yeux étaient tellement irrités par la sécheresse et la fatigue qu’elle fermait parfois les yeux pendant toute la durée de ses pauses. « Il y a des moments où c’est horrible quoi que je fasse », dit Mme A., « et il y a souvent des matins où je me dis : ‘J’aimerais pouvoir porter des lunettes’. »
Des règles portant aussi sur le maquillage
Son uniforme de travail se compose d’une robe et de chaussures à talons de cinq centimètres, fournies par l’entreprise. « Au cours de mes premières années de travail, on m’a répété en boucle que je devais avoir l’air plus douce et plus féminine », raconte-t-elle. Tout maquillage, au-delà du maquillage léger que l’on pourrait qualifier de « conservateur », est également interdit. Par exemple, les fards à paupières à paillettes, les rouges à lèvres de couleurs foncées, les lentilles de contact colorées et les extensions de cils sont interdits.
Des règles concernant la couleur des cheveux sont également clairement définies dans les directives de l’entreprise et si vos cheveux sont ne serait-ce qu’une teinte trop claire, et que votre directeur l’apprend, vous serez réprimandée.
Au Japon, il est généralement poli de porter un masque couvrant la bouche et le nez si vous pensez avoir un rhume, afin d’éviter que les autres n’attrapent votre maladie. Mais dans l’entreprise de Mme A., même les masques ne sont pas autorisés. Mme A. a dit : « J’avais peur que si j’attrapais un rhume, je ne pourrais pas aller travailler. Ce serait malpoli envers les clients [que de venir sans porter de masque]. »
Ces règles s’appliquent à tous les employés qui travaillent pour le même grand magasin que Mme A., sachant qu’il n’y a que des femmes. Seuls les vendeurs en rayons sont autorisés à porter des lunettes, des masques et des chaussures à plus petits talons. Pourtant, pour les réceptionnistes masculins, le port de lunettes est tout à fait acceptable.
Dans une autre entreprise commerciale où Mme A. travaillait, on lui a aussi interdit de mettre des lunettes. Encore une fois, les réceptionnistes masculins étaient autorisés à en porter mais, pour on ne sait quelle raison, les femmes ne l’étaient pas.
Mme A. a préféré se couper les cheveux que de passer du temps à faire le chignon obligatoire
À l’époque, on demandait aux femmes qui avaient les cheveux longs de se coiffer en faisant un « Yakai Maki », une sorte de chignon. On leur demandait de se recoiffer si le chignon n’était pas suffisamment présentable. Mme A. n’avait pas envie de passer 30 minutes à se coiffer tous les matins, alors elle s’est coupée les cheveux. « Soudain, j’ai réalisé que je n’étais pas payée pour le temps que je passais à me coiffer, et ça m’a déprimée », dit-elle. « Je ressentais la même chose pour les lentilles de contact et le maquillage. »
« Il semble qu’il n’y a qu’aux femmes que l’on demande d’avoir l’air belles et féminines, on ne l’impose pas aux hommes », dit-elle en réfléchissant. « Je ne comprends vraiment pas pourquoi. »
« J’aime travailler au service client et je suis fière de mon travail », poursuit Mme A., « mais je ne veux pas être ‘féminine’ au travail. Ce qui devrait compter, c’est mon comportement attentionné avec les clients [plutôt que mes cheveux]. Je veux que le règlement soit modifié. »
Avoir l’air « intelligente » peut être un désavantage pendant une recherche d’emploi, d’après Mme A.. Il existe même des sites de recrutement qui recommandent d’opter pour des lentilles de contact plutôt que des lunettes.
Mme A. n’est pas la seule à qui l’on a interdit de porter des lunettes au travail. Selon une enquête réalisée par Yalayolo Magazine Japan, les femmes qui travaillent dans des showrooms « doivent suivre un ensemble de règles très strictes, qui concernent la couleur des cheveux, les ongles et les lunettes ».
Une étudiante d’une vingtaine d’années a répondu à l’enquête en disant : « Dans le secteur de l’hôtellerie, on m’a dit de passer aux lentilles de contact parce que le port de lunettes n’est pas hygiénique« .
Même si les lunettes ne sont pas officiellement interdites, certaines femmes ont entendu leurs employeurs dire qu’ils n’aiment tout simplement pas que les femmes portent des lunettes.
Le site de recrutement affirme également que lorsque vous portez des lunettes, il est difficile de lire l’expression de votre visage et, selon votre interlocuteur, vous pourriez passez pour quelqu’un de de froid ou de pas très sympa – ou simplement pour quelqu’un d’intelligent.
« J’ai les yeux secs et je suis obligée d’emmener mes gouttes ophtalmiques au travail », a dit Mme A.
‘Le regard de la société sur les femmes nous anesthésie’
Il n’y a pas que l’industrie du service qui a un problème avec les lunettes. Mme B., 32 ans, qui travaillait comme infirmière dans une clinique esthétique, a également été affectée. Dans les directives de son entreprise pour le code vestimentaire, il était clairement indiqué que les lunettes n’étaient pas autorisées.
La vision de Mme B. est de 0,3 — sa journée de travail commençait à 10 heures et se terminait à 20 heures, mais il lui arrivait souvent d’avoir à faire des heures supplémentaires. Ce n’était pas rare que des employés travaillent parfois jusqu’à 22 heures. Mme B. a dit qu’en portant des lentilles de contact toute la journée, elle finissait par souffrir constamment de sécheresse oculaire.
« Beaucoup de mes collègues ont des gouttes ophtalmiques dans leur poche et s’en mettent pendant qu’ils travaillent », dit-elle. « Certaines ont même fait une opération laser des yeux. »
Son travail consistait également à recommander aux patients des traitements d’épilation et d’éclaircissement de la peau. Au travail, son patron la réprimandait si elle arrivait sans être maquillée ou même si elle avait des faux cils moins fournis que d’habitude. « Ça m’a interpellé au début », dit-elle, « mais je m’y suis vite adaptée. Le regard de la société sur les femmes nous anesthésie. »
« On m’a dit que ça augmenterait les ventes, que ça me donnerait l’air plus convaincante et j’ai accepté », dit-elle. « À l’hôpital universitaire, nous étions jugés sur notre technique et nos connaissances, mais dans les cliniques esthétiques, c’était plus une question d’apparence. J’étais infirmière, mais j’avais l’impression qu’on me demandait d’être une sorte de poupée.«
« J’avais certaines réserves », dit Mme B., « mais les cliniques de beauté, c’est un endroit où on vous dit : ‘Si vous pensez que c’est trop difficile, vous n’avez qu’à démissionner’. Il y a plein de jeunes employés potentiels, motivés, avec une belle peau qui peuvent prendre votre place. »
« Le fait de travailler là-bas m’a juste anesthésiée », poursuit-elle. « Si j’étais restée un peu plus longtemps, j’aurais fini par dire aux nouvelles arrivantes qu’elles devaient avoir l’air féminines et se conformer aux normes elles aussi. »
Une présentatrice coréenne a osé porter des lunettes à la télévision
Après avoir travaillé dans une clinique esthétique pendant environ six ans, Mme B. a quitté son poste et travaille désormais comme rédactrice en chef d’un média en ligne.
« À l’époque, j’étais le parfait exemple du ‘lookisme’ dans mon entreprise », a dit Mme B., faisant référence à un terme utilisé pour décrire le phénomène de la discrimination contre quelqu’un, en fonction de son apparence.
« Je suivais sagement cette politique de ‘lookism’ et je la perpétuais », a raconté Mme B. « J’ai changé de travail parce que je voulais envoyer un message qui donnerait plus de pouvoir aux femmes, pas pour leur imposer des standards de beauté uniformes. »
« Je me demande toujours si c’était la bonne chose à faire », a expliqué Mme B. « Maintenant, grâce aux soins de la peau, j’essaie d’aider les femmes à se sentir bien dans leur peau. Si les normes culturelles changent, je pense que les règlements au travail changeront aussi. »
Le changement d’attitude de Mme B. représente bien le changement d’attitude chez les femmes en Corée du Sud, où les standards de beauté sont considérés comme stricts. Le mouvement ‘Sans Corset’ (‘Escape The Corset’) se bat contre l’oppression sociale et a poussé des femmes à arrêter de se maquiller et à se couper les cheveux courts.
Mme B. a fait allusion à un incident survenu l’an dernier où la présentatrice Lim Hyeon-ju portait des lunettes de vue à la télévision, un moment fort qui est devenu symbolique dans la lutte des femmes contre les standards de beauté : « Tout a commencé avec une présentatrice qui a porté des lunettes pendant un journal télévisé. »
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Yalayolo Magazine